Rien de tel qu’une petite sieste dans la fraicheur de la chambre. Raphael avait testé de dormir sur les poufs en plein soleil, il faisait trop chaud, mais il avait au moins bronzé un peu. Il faut savoir reconnaître les bonnes choses là où elles se cachent. Il avait profité d’être seul dans la chambre pour s’étaler sur le lit, sur le dos. Le jeune homme s’était alors assoupi, en essayant tant bien que mal de réfléchir un tant soit peu aux secrets possibles des candidats. Après tout, Robin avait l’air au taquet, puisqu’il l’avait déjà buzzé, pour le plus grand plaisir de Raphael et de sa cagnotte certes, mais il allait vite finir par trouver un secret. L’alarme des secrets l’avait rappelé à l’ordre, il avait presqu’oublié que ses colocataires et lui-même avaient tous un secret à cacher ici. Quoi que, pour lui, c’était plutôt un secret à dévoiler… Bref. Il s’était donc enfoncé dans un sommeil profond, comme d’habitude. Même pour une sieste, il n’arrivait pas à simplement somnoler. Il finissait toujours par s’endormir, et quand Raphael dort, il dort. Et il parle, à l’occasion. Inutile donc de préciser qu’il n’a pas entendu Alessandra arriver dans la chambre, ni se mettre sur le lit juste à côté du sien. Il n’a pas non plus senti lorsqu’elle lui sauta dessus, et il n’avait pas entendu son rire qui avait suivi. Non, il n’avait rien entendu, rien senti, rien vu. Un sommeil de plomb, et même pire que ça. Un sommeil on ne peut plus lourd. Il n’entendit évidemment pas Alessandra lui parler. Pour lui, tout était normal. Il ne bougeait pas, il dormait. Pas de son, pas de lumière. Ah, Rapha, un jour tu te réveilleras au Bengale au milieu des tigres et tu ne te seras rendu compte de rien.

Vous est-il déjà arrivé de vous réveiller au beau milieu de la journée, sans savoir quelle heure il était, ni depuis combien de temps vous dormiez, vous demandant tout ce qu’il avait pu se passer pendant votre sommeil ? Avec mon sommeil sans faille, cela m’arrivait régulièrement. Par contre ce qui était plus rare, c’est que je me réveille avec une jolie demoiselle blottie contre moi. C’était une belle surprise, je vous l’accorde, mais une surprise surprenante quand même !

Je me réveillai doucement après une petite (ou grande, j’en sais rien) sieste, dans la chambre de la maison de secrets. Je sentais quelque chose contre moi, et je vis un bras qui était posé sur mon torse. Entre le moment où je m’étais endormi et maintenant, Alessandra m’avait donc rejoint dans mon sommeil. Comme quoi, avoir le sommeil lourd peut parfois avoir des avantages. Quel homme ne rêverait pas de se retrouver dans une telle situation ? Nous sommes d’accord. Je la regardai, un peu attendri, repensant à notre conversation de la dernière fois sous la douche. J’étais persuadé que son secret avait un rapport avec le passé houleux qu’elle m’avait raconté. Il ne me restait plus qu’à trouver quoi. J’étais plutôt fier de moi : sans vraiment m’intéresser aux secrets, j’avais quelques pistes. Et j’avais gagné 5 000 €uros grâce à Robin, je pouvais donc me permettre de buzzer. Bientôt… peut-être.

Malgré les précautions que je prenais pour ne pas bouger afin de laisser Alessandra dormir, puisqu’apparemment elle dormait plutôt bien contre moi, je la vis bouger légèrement.

Elle n’avait visiblement pas le même sommeil que moi. J’avais à peine bougé, mais elle sentit immédiatement le mouvement et se réveilla. Elle ne sursauta pas en me voyant si près d’elle, en même temps c’est elle qui s’y était mise me direz-vous. Mais d’après ce qu’elle me dit, elle ne s’en était pas rendu compte. Elle ne prit pas la peine de se décaler, et resta blottie contre moi. Je n’allais pas m’en plaindre, j’avais connu des réveils nettement moins plaisants. Je plaçai mon bras sous ma tête afin de la relever un peu.

Ne t’excuse pas, j’ai connu des réveils plus brutaux. Maintenant qu’on est réveillé tous les deux, on peut parler si tu veux.

Remarque, elle aurait pu essayer de me parler pendant que je dormais, je lui aurais peut-être répondu, me connaissant… Parfois j’aurais aimé pouvoir m’observer en train de dormir. Je pensais alors aux caméras de la maison. Mes monologues nocturnes deviendraient peut-être cultes à l’extérieur, qui sait. Cette pensée me fit sourire. Je regardai Alessandra allongée contre moi.

Alors, tu veux que je te révèle mon secret tout de suite ou tu préfères commencer ?

J’en savais déjà beaucoup sur elle, ce qui m’avait donné une ou deux pistes sur son secret. Mais je n’étais pas contre une petite conversation qui pourrait approfondir mes idées. Non je pense pas qu’aux secrets, au contraire, j’appréciais la présence d’Alessandra et je souhaitais renforcer notre lien. Il est vrai que j’aimais la présence de femmes en général, je ne suis qu’un homme après tout.

Il faut que je lui dise en quelle langue ? Il faut que je lui saute dessus pour qu’elle comprenne qu’un mec ne peut qu’apprécier de retrouver une jeune femme contre lui en se réveillant ? Enfin pas n’importe quelle femme, évidemment. Mais Alessandra était plutôt du genre canon. Je la rassurais une nouvelle fois.

Ne sois pas gênée, vraiment c’est une bonne surprise de te trouver là. Et puis je sais pas si t’en es rendu compte mais j’ai un sommeil plutôt lourd et je peux te dire qu’il faut en vouloir pour me réveiller.

Bon, maintenant que c’était clair, on pouvait commencer à parler sérieusement. Enfin, « sérieusement » c’est un bien grand mot. Je n’avais bien sur pas l’intention de lui révéler mon secret, le buzz de Robin m’avait assez mis en danger. Je pensais d’ailleurs à aller buzzer afin de diminuer ma cagnotte, histoire de ne pas trop en donner à celui qui découvrirait mon secret. Sauf si j’avais raison sur la personne que je buzzerai, ce qui me satisferait tout autant ! Bref, c’était à moi de lancer la conversation. Et en bonne langue de vipère que je suis…

Ok je choisis de garder nos secrets pour plus tard. Pour l’instant dis-moi… il te plait vraiment le gallois ? Ah et non c’est bon tu peux rester comme ça, j’suis plutôt bien installé moi aussi. Et tu me tiens pas encore trop chaud, donc tout va bien !

Nous voici donc parti sur le sujet « Carwyn », tous les deux allongés sur le lit. On aurait presque pu regarder les étoiles, si nous n’étions pas à l’intérieur et qu’il était à peine dix-sept heures… Quel romantique je fais !

Elle m’a sauté dessus ? Et moi j’ai rien senti, comme un con. J’vous jure des fois dormir aussi profondément ça a des inconvénients. Non mais elle m’avait vraiment sauté dessus ? J’avais toujours du mal à réaliser quand on me racontait ce qu’on m’avait fait pendant que je dormais. Et je suis sûr que je ne sais pas tout. Pendant les soirées les mecs comme les filles s’amusaient beaucoup avec mon corps inerte. Les habituels dessins au marqueur sur le visage, j’y avais déjà eu le droit plusieurs fois. Et beaucoup d’autres choses moins habituelles…

Tu m’as sauté dessus ? Je savais qu’une tigresse se cachait en toi. J’suis désolé d’avoir fait foiré ton plan pour m’embêter. Tu feras mieux la prochaine fois !

Peu importe, ce qui m’intéressait là c’était le gallois. Enfin Carwyn quoi. Selon elle, c’était un garçon sympa et charmant. Sympa d’accord, charmant je ne sais pas… Pour moi il faisait parti de ceux que j’appelais les lascars, depuis la douche du premier soir. C’était un surnom plutôt affectif, ne commencez pas à me regarder avec ces yeux de réprimande encore. Par contre, elle se trompait totalement, je n’étais absolument pas jaloux. D’abord parce que je ne connais pas la jalousie, et puis je ne vois pas pourquoi je serais jaloux dans cette situation. Evidemment un non-jaloux ne comprend jamais pourquoi les jaloux sont jaloux. Vous me suivez ?

Jaloux moi ? Pas le moins du monde je suis désolé ma jolie. Mais si un jour vous faites quelque chose dans la piscine, appelez-moi…

Je lui souris, histoire de lui faire comprendre que je n’étais pas vraiment sérieux. Quoi que…

Dommage pour la piscine, c’est déjà fait ? On avait clairement pas les mêmes idées. Je ne parlais pas de bisous moi. Mais qu’importe ! Il lui sourit et lui rendit son clin d’œil lorsqu’elle lui promit de l’appeler si elle se sentait seule dans une pièce de la maison. Un jour peut-être, elle ferait plus que me sauter dessus pour m’embêter lorsque je dormais… Et je n’y serais pour rien ! On ne pourra pas dire que je suis un dragueur.

La suite de la conversation me déstabilisa un peu. Comment avait-elle pu nous entendre Cox et moi ? C’était forcément dans la cuisine. Mais personne d’autre que nous ne s’y trouvait lorsque nous avions lancé notre jeu. Et puis, qu’avait-elle vraiment entendu au juste ? Je ne savais pas vraiment quoi répondre. Déjà que les deux filles n’avaient pas l’air de beaucoup s’apprécier, si en plus j’en rajoutais… Il fallait que je sois convaincant.

Tu nous as entendus parler ? Quand ça ? Et pourquoi Cox m’aurait envoyé te dire que tu es hypocrite ? Tu me crois si influençable que ça ?

Jouer la carte de l’ami blessé par l’image qu’elle a de moi, c’était la meilleure idée que j’avais trouvé. Je n’étais pas sûr que ce soit la bonne mais tant pis. De toute façon il fallait bien que je répondre, mon silence m’aurait trahi.

Je ne me souvenais plus exactement de ce que nous nous étions dit avec Cox dans la cuisine, mais cela me semblait bizarre qu’Alessandra nous ait entendu. Cox lui aurait-elle dit quelque chose ? Cela m’étonnait beaucoup, mais je lui poserais quand même la question lorsque je la verrais. Toujours est-il que maintenant qu’Alessandra me posait la question, je devais répondre. Sauf que je ne comprenais pas vraiment ce qu’elle voulait savoir. Alors avant de parler, je voulais juste savoir pourquoi ? D’accord, mais pourquoi quoi ? Pourquoi je lui avais dit qu’elle était hypocrite ? Pourquoi Cox avait dit ce qu’elle avait soi-disant entendu ? Le mieux dans ces cas là c’est encore d’élucider la question. Je préférais répondre à la suivante. Et si tu pensais aussi réellement que j'ai essayé de t'amadouer avec mon passé ? Amadouer n’était clairement pas le bon mot.

Non je pense pas que tu aies essayé de « m’amadouer » avec ton passé. De toute façon ton passé c’est ton passé, s’il m’intéresse c’est d’abord parce que ton secret en fait parti. Mais pourquoi tu penses que je pense ça ? Je crois que tu te prends un peu trop la tête avec Cox.

Je manque peut-être un peu de délicatesse. Sans doute même. Mais j’ai toujours prôné la franchise, alors ce n’est pas dans la maison des secrets que je vais changer. Il y a bien assez d’hypocrisie dans ce monde, je n’ai pas besoin de rajouter ma dose.

Alessandra semblait vraiment affectée par cette histoire avec Cox. Bien qu’elle m’affirme qu’elle s’en fiche, je pensais le contraire. Elle se fichait peut-être du fait que Cox ne l’apprécie pas, mais la tension qui régnait entre elles la touchait forcément. Ou pas, après tout je n’en savais rien. Toujours est-il que je ne la sentais pas en grande forme. Evidemment je n’avais rien arrangé en lui disant que son passé m’intéressait principalement pour son secret. C’était en partie vrai, mais je n’avais pas l’intention de l’éviter une fois que son secret serait dévoilé. Au contraire, je pense même que lorsque son secret sera dévoilé, elle se sentira mieux et nous n’en serons que plus proches. Elle me regarda.

Roo et puis excuse moi, je suis un peu sur les nerfs aujourd'hui.

Oh bah j’ai bien senti merci de te défouler sur moi. Non je ne pouvais pas lui dire ça. Après tout elle avait peut-être besoin de parler. C’était d’ailleurs ce qu’elle m’avait dit être venue faire dans la chambre lorsqu’elle m’y avait vu. Je ne pouvais que lui proposer une oreille attentive.

Qu’est ce qui se passe ? C’est cette histoire avec Cox qui te fout les nerfs en pelote ou y a autre chose ? Raconte tout à tonton Rapha.

Petite pointe d’humour histoire de détendre un peu l’atmosphère. Je lui souris, encourageant sa réponse.

Je ne suis pas sûr que donner l’envie de pleurer à une fille dès qu’elle s’approche de moi soit vraiment bon signe, mais bon apparemment ça n’avait pas l’air de la freiner tant que ça. Tant mieux, je préférais la connaître un peu plus avant qu’elle m’évite totalement au risque de se mettre à pleurer. Je crois que c’était bien la première fois que je donnais envie de pleurer à quelqu’un, j’avais déjà provoqué plusieurs sentiments mais là, c’était inédit. Enfin bon passons, du coup elle préférait que je parle de moi, plutôt que de parler d’elle encore une fois. Je pris une profonde inspiration avant de faire un rapide résumé de ma vie, qui était bien moins exceptionnelle que la sienne.

Alors moi je suis né à New York, de parents français un peu bizarre puisqu’ils sont divorcés mais toujours ensemble. Pas étonnant que je sois pas toujours dans la norme quoi. Enfance tranquille, plutôt aisée, j’ai eu tout ce dont j’avais besoin et plus encore. A 17 ans je me suis lancé dans le mannequinat. J’ai fais beaucoup de rencontres. J’ai notamment rencontré mon meilleur pote Michael avec qui je suis parti en France, à 19 ans. On s’est installé dans un appartement à Paris, pour continuer notre carrière de mannequins. Tout s’est bien passé, on a décroché pas mal de contrats. Et puis l’année dernière j’ai fais un petit voyage aux Etats-Unis, ne serait-ce que pour revoir mes parents. J’y suis resté quelques mois et puis je suis revenu à Paris, et j’ai passé le casting de l’émission, et me voilà. Rien de très particulier, on a pas tous la chance d’avoir un passé aussi mouvementé que le tien.

Je ris à l’ironie de ma dernière phrase. J’espérais simplement qu’elle n’allait pas la prendre au sérieux et craquer à nouveau en repensant à son passé. J’étais plutôt satisfait de mon résumé autobiographique. Je n’avais rien oublié d’important, enfin presque.

Soudain, La Voix se fit entendre. Tous les candidats sont convoqués dans le salon. Ah, une annonce. Une soirée, une activité, une révélation ? J’attendis qu’Alessandra se lève avant de bouger. Nous nous dirigions alors ensemble vers le salon.



RP TERMINÉ