Ce n’était que la deuxième journée que nous passions ici et déjà je sentais que nous allions trouver le temps long. Chacun avait trouvé LA chose qui lui permettait de s’occuper : certains passaient leur vie dans la piscine, d’autres s’empiffraient à un tel point qu’ils allaient fini par prendre quatre kilos la première semaine, les uns passaient des heures à faire du sport et d’autres ne cessaient de roupiller au fond d’un lit moelleux ou couvert d’une couette sur un canapé. Pour ma part, je n’arrêtais pas de faire des blagues à tout le monde. J’avais l’impression de retourner au collège dans ma tête mais je m’amusais à cacher des choses, à prendre par surprise et généralement, ça marchait bien. J’aimais bien détendre les gens et leur montrer que j’étais plutôt inoffensive comme fille – même si ce n’était qu’une demi-vérité. Je passai par la cuisine, attrapai le paquet de tranches briochées et en pris trois d’un coup. J’en enfournai une dans ma bouche et me dirigeai vers le jardin. Un petit groupe s’était formé et avait l’air de discuter énergiquement – énergiquement par rapport à la plante posée derrière eux, je voulais dire. Ils avaient plutôt l’air de s’endormir au soleil. Je m’assis alors sur un gros siège blanc tout mou et posai mes brioches à côté de moi en avalant la première. J’étais alors depuis environ une heure quand je sentis une pression sur ma main et je voltigeai hors de mon état comateux. Priam me tira jusqu’à la chambre bleue sans pour autant m’indiquer quoi que ce soit. Je me laissai faire : après tout, tout était bon à prendre pour pimenter un petit peu cet après-midi monocorde. Il attrapa plusieurs matelas et les envoya au milieu de la chambre avant de se retourner vers moi tout sourire me demander de l’aider à faire une cabane. J’écarquillai les yeux et échappai un petit rire avant de me diriger vers les lits pour attraper des gros coussins. Je tirai deux couvertures – qui appartenaient sûrement à quelqu’un mais tant pis – et les disposai par-dessus les matelas de sorte à faire un toit tandis que Priam s’occupait d’installer dessous les coussins sur les matelas. J’emmenai une autre couverture bleu vif à moi et la fis glisser sous le toit instable, avant d’entrer à mon tour pour essayer d’améliorer l’endroit. Sans faire exprès, je glissai ma couverture sous le tas de matelas et tirai dessus pour pouvoir la sortir mais elle s’extirpa d’un seul coup, me faisant m’écrouler sur Priam derrière moi.

_ Oh excuse-moi, je t’imaginais pas si près ! m’exclamai-je en riant.

Je m’éloignai de quelques centimètres de lui pour le laisser respirer. Bon, nous n’avions pas vu assez grand, nous étions quasiment l’un sur l’autre. Je sortis alors de la cabane et entrepris de trouver d’autres matériaux pour l’améliorer. Je passai ma tête sous l’ébauche de la cabane.

_ J’aimerais bien qu’il y ait une cuisine dessous. ajoutai-je dans un sourire malicieux avant de disparaître à nouveau de la vue de Priam.

Priam m’assura que si j’étais tombée sur lui, c’était en réalité parce que je ne rêvais que d’atterrir dans ses bras. Un beau dragueur, comme je l’avais prédit ! Je ricanai et lui donnai une petite tape sur le torse. Il lui assura ensuite qu’il pouvait lui faire un château de princesse. Carrément ! S’il était si motivé, alors j’acceptais ! Il s’éclipsa quelques minutes de la pièce pendant que je tentais de rendre le dessous de la cabane plus confortable à coup de coussins et d’autres couettes. Il arriva alors en faisant un bruit incroyable. Je sortis en trombe de la cabane et le remarquai avec trois nouveaux matelas qui devaient appartenir à la chambre rose. Je souris en m’imaginant la tête que feraient les autres quand ils verront le bordel que nous avions foutu dans les chambres. Priam eut l’air de lire dans mes pensées puisqu’il me dit que nous allions sûrement nous faire tuer et que déjà les filles l’avaient regardé étrangement. Je haussai les épaules.

_ Ils vont juste être jaloux de ne pas avoir une aussi belle cabane que la nôtre !

Priam s’engouffra sous les couvertures et entreprit d’installer les matelas pour en faire de nouveaux murs. Apparemment, j’aurais droit à ma cuisine ! Je partis en cavale dans la cuisine pour ramener alors des provisions afin que nous puissions avaler toutes les cochonneries que nous voulions. Je revins en galopant et Priam me tira à lui pour que je rentre sous notre palace. Je déposai nos provisions dans l’endroit qu’il m’avait indiqué comme notre cuisine. Je m’étalai sur le dos en ouvrant un paquet de gâteaux secs au citron et en croquai un avant de tendre le paquet à Priam, laissant mon souffle reprendre son rythme normal et redevenant un tout petit peu plus sérieuse.

_ Tu as des frères et sœurs ?

Nous étions seuls dans la chambre et c’était un bon moment pour faire plus ample connaissance. Après tout, nous étions aussi là pour apprendre à connaître les autres et le personnage de Priam m’intriguait : j’étais persuadée que nous nous ressemblions beaucoup et donc je voulais en savoir un peu plus sur lui ; évidemment sans arrière-pensées. Je n’avais pas envie de me lancer dans la chasse aux secrets si tôt, non, là, je voulais juste le connaître un peu mieux.

Il commençait à faire une chaleur étouffante sous les couettes. Pourtant, il était hors de question que je sorte d’ici ! Je la trouvais sympa, moi, notre petite cabane. Priam ajouta pour me conforter dans mon idée que tout le monde allait vouloir l’essayer une fois qu’il la verrait. Cependant, je doutais de ça. J’imaginais plutôt qu’ils allaient péter un câble et nous hurler de leur rendre leur matelas, nerveux et sanguinaires comme ils l’étaient. La pression montait trop vite et l’ambiance me semblait un peu étouffante, en ces premiers jours. Heureusement que des gens comme Priam se hâtaient de faire régner la bonne humeur dans la maison ! Les semaines allaient être longues, sinon. Déjà, je m’imaginais les premiers nominés. Etaient-ce des nominations féminines ou masculines ? Je me voyais mal nominée dès la première semaine. Partir dès le début, ce serait évidemment un échec ! J’étais là pour gagner le plus d’argent possible pour ma famille, il fallait donc que je reste au moins jusqu’à la finale pour valider ma cagnotte, voire même gagner la grosse somme promise. Si ce n’était pas le cas, il allait falloir que je me résolve, comme les anciens candidats, à monnayer des apparitions ou des interviews pour pouvoir me faire un peu d’argent. C’était mon premier but en venant ici, il ne fallait pas que je l’oublie ! Priam continuait de manger quand il secoua soudain la tête négativement pour m’indiquer qu’il n’avait pas de frères et sœurs mais que cependant il aurait beaucoup aimé pour se sentir plus soutenu. Je haussai un sourcil. Plus soutenu ? Il se sentait donc parfois seul ? Je n’imaginais pas une seule seconde comment aurait été ma vie fille unique. Je ne me serais peut-être pas autant battue pour qu’ils puissent avoir de l’argent, mais j’aurais été tellement différente…

_ J’ai un grand frère et deux petites sœurs, des jumelles. Ils sont la prunelle de mes yeux !

L’amour que je portais à ma famille était immensément grand. J’étais un exemple pour mes petites sœurs qui étaient âgées de seize ans et mon grand frère était mon modèle, lui qui avait vingt-cinq ans. Nous étions très soudés et depuis l’événement de l’année dernière puis les épreuves passées, nous n’avions cessé de nous rapprocher. Ils étaient sûrement les personnes qui comptaient le plus à mes yeux et j’espérais qu’au cours de l’aventure, la prod me permettrait de les voir dans le SAS, ou de pouvoir voir au moins un message d’eux. Penser à eux me fit d’ailleurs mal au cœur et je soupirai en reposant mon paquet de gâteaux.

_ Ils me manquent déjà.

Chacun, en ces premières semaines, nous devions ressentir un certain vide. Les amis, la famille, les chéris, tout le monde regrettait ses proches. Cependant, j’espérais les revoir le plus tard possible, puisque ça signifiait que j’avançais dans le jeu ! Je décidai de changer de sujet pour éviter de trop parler des sujets délicats.

_ Sinon, tu sais si ce sont des nominations filles ou garçons cette semaine ?

Priam m’assura qu’il comprenait ce que je pouvais ressentir – du moins il l’imaginait en ajoutant que j’avais beaucoup de chance de les avoir. Evidemment, je savais à quel point j’avais de la chance d’avoir des personnes sur qui compter, qui seraient toujours là pour moi quoi qu’il se passe, et ils avaient déjà su me le prouver. Je ne demandais rien de plus. Il continuait à manger, réduisant à néant la moitié des provisions que j’avais pu faire sans me faire remarquer par les autres candidats. Si toutes les sucreries disparaissaient du cellier, ils allaient bien finir par se rendre compte qu’un voleur – en l’occurrence deux – gardait tout pour lui ! Il continua ensuite en me disant qu’il pensait que les nominations seraient mixtes pour cette première semaine, ce qui m’arrangeait puisque je ne voyais pas comment je pouvais nominer des garçons en les appréciant tous bien pour le moment. Pour les filles, c’était une autre histoire ! Je n’étais pas proche de la gent féminine de nature, le jeu n’allait pas y changer grand-chose. Il m’expliqua qu’il n’avait aucune idée contre qui voter mais qu’il m’excluait d’ores et déjà puisque nous avions monté une cabane ensemble.

_ Je me vois très mal te nominer aussi ! m’exclamai-je en souriant. Ce n’était vraiment pas dans mes plans.

Alors que j’étais en train de commencer à me détendre dans la pénombre des coussins, sentant mes paupières soudain lourdes à l’abri des regards et des caméras, je sentis une main me pousser légèrement. Priam se justifia en s’exclamant que je prenais toute la place. Pour bien l’énerver, je me rapprochai encore un peu plus de lui pour qu’il n’ait plus qu’un tout petit espace vital.

_ Tu vas voir si je prends toute la place moi !

Je voulus m’étaler encore un peu plus quand j’entendis soudain un gros bruit puis une masse s’effondrer sur mon corps. J’étais à moitié à cheval sur Priam, la tête enfouie sous les couvertures. Notre cabane venait de rendre l’âme. Je me relevai sur les genoux pour le laisser respirer en tentant de retrouver mon chemin vers la sortie, la tête encore camouflée.

_ Oh nooon, notre cabane ! m’exclamai-je la voix bloquée et camouflée par la tonne de couvertures bleues.

L’oxygène diminuait au fur et à mesure que nous nous efforcions de quitter les ruines de notre cabane. Les couvertures pesaient une tonne sur mon pauvre petit dos mais je songeais surtout à Priam qui en plus de devoir supporter les couvertures et les matelas, assumait une partie de mon corps qui devait lui donner encore plus chaud qu’autre chose. Je tentais de me débattre mais rien n’y faisait, les couvertures m’engloutissaient un peu plus à chacun de mes gestes. J’essayais de me décaler de Priam pour le laisser un peu mieux respirer mais je n’arrivais pas à trouver comment me sortir de là. C’était bien la peine d’avoir tout déménagé pour que notre cabane ne dure qu’une dizaine de minutes ! Priam n’arrêtait pas de dire en criant que nous étions en panne d’oxygène, mon capitaine. Effectivement, l’air se faisait rare et la chaleur devenait plus qu’étouffante. Il fallait procéder méthodiquement, sinon, nous allions bientôt nous faire avaler par une cabane vivante ! Soudain, Priam arrêta net de bouger. Je continuais à gesticuler comme une anguille mais lui avait décidé de se laisser porter par le vent. J’étais persuadée que ce n’était pas la bonne solution mais au bout d’une demi-minute, il cria qu’il avait enfin trouvé la sortie. Génial ! Je sentis alors son bras passer sous les couvertures et attraper ma main pour me sortir de l’enfer. Enfin, je voyais de la lumière ! De l’air !

_ Aaaah ! J’ai jamais aimé autant respirer ! m’exclamai-je en inspirant un grand coup.

Je me tournai alors vers la cabane – ou plutôt ses ruines – et fis mine de fondre en larmes en me jetant sur Priam. Pour bien faire croire à ma détresse psychologique, je me mis à sangloter comme dans les films – très mal, il en va sans dire.

_ Notre caaabaaaane ! gémis-je en me mettant soudain à rire en constatant à quel point j’étais mauvaise actrice.

Je contemplai les restes de notre travail en essayant de relever quelques couvertures pour apercevoir les matelas. Quelqu’un passa alors dans la chambre, fixa Priam puis moi, leva les yeux au ciel et se dirigea vers le dressing sans nous adresser un mot. D’accord, nous étions de grands gamins, mais pour ma part, je le vivais bien !

_ Désolée de t’avoir étouffé. m’excusai-je en rougissant.

Priam regardait les restes de notre cabane avec un peu plus de retenue que moi. C’était maintenant un beau souvenir ! En quittant cette maison – et je l’espérais le plus tard possible – je ne manquerais pas de lui faire une petite dédicace ! Priam assura qu’au moins, nous avions pu goûter dedans et ce n’était pas une mince affaire. Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il était mais il était vrai que je n’avais même plus faim, du moins pour le moment. Et passer pour une gamine ne me dérangeait pas, puisque de toute façon nous ne faisions que nous amuser et que certains candidats de la maison manquaient cruellement de laisser-aller. Après mes excuses, Priam rétorqua que de toute façon j’avais fait ça pour me débarrasser de lui et avoir un adversaire en moins ! Je fis la moue en souriant : si je voulais me débarrasser d’adversaire, j’aurais commencé par d’autres que j’appréciais bien moins que lui. Il s’étala ensuite sur les couvertures et les matelas entassés et me tira à lui. Je tombai à mon tour sur lui, tandis qu’il m’enlaçait de ses bras en me demandant des informations sur moi, sur ma vie, mes goûts et mes études.

_ Je suis ballerine, je passe ma vie à danser. Huit heures par jour, donc c’est la réponse à toutes tes questions : ce que j’aime faire, ce que j’ai étudié et ce qui me permet de gagner ma vie.

La danse commençait déjà à me manquer. Il allait vite falloir que je passe au confessionnal pour demander s’il pouvait me prêter une barre et un tapis pour que je m’entraîne, sinon j’allais me raidir et c’était très mauvais ! Je posai ma tête sur le torse de Priam. J’appréciais le contact physique et on en manquait cruellement dans la maison. Et puis, j’avais l’impression qu’avec lui c’était plus facile, déjà nous étions rentrés les premiers dans la maison, c’était le premier avec lequel j’avais pu discuter et il était d’une simplicité qui me plaisait énormément. Je ne me prenais vraiment pas la tête quand j’étais avec lui.

_ Mais toi, qu’est-ce qui occupe ta vie ?