Après ces nominations, j’ai besoin de m’isoler, rester seule, ne plus être avec les personnes qui pensent que ma présence n’est pas obligatoire, complètement facultative. En une semaine, je ne manquerai à personne, en une semaine, il n’y a pas d’affinité qui se crée, enfin ce n’est que mon avis. Je tourne un peu dans la maison, après l’annonce, Gaël est sorti avec son café, il n’a pas l’air affecté par sa nomination, veinard. Les candidats viennent vers nous, avec un regard désolé, à ce moment j’ai envie de foutre des baffes, mais je n’ai pas les noms des personnes qui m’ont nominé. Je pars, seule, ce n’est vraiment pas dans mes habitudes d’être seule, mais ces derniers jours, c’est devenu une chose naturelle, un reflex. Une salle sans caméra, ça c’est l’idée. Que personne ne voit ce que tu fais. Ce qui est bien, c’est que ce n’est pas une salle avec des meubles, c’est juste, une salle. Je rentre et m’assoie par terre. Il me manque quelque chose. Je retourne dans la cuisine, et prends la dernière bouteille de champagne, et repars dans la salle CSA. Je retourne à la place et je regarde devant moi. J’essaie de ne plus penser à rien, à oublier tous les visages que j’ai aperçu quelques minutes plus tôt. Ces visages contents de ne pas être nominés, de ne pas être sur la touche. Qu’est ce qu’ils ont fait, que je n’ai pas fait ? Ou au contraire, qu’ai-je fais, qu’il ne fallait pas ? Plus mes pensées divaguent, plus la bouteille descend. Je ne tiens pas l’alcool, j’ai l’alcool triste. J’vais être en bad toute seule, dans une salle sans caméra. Le pied total.

Je relève la tête et aperçoit Gaël, un sourire sur le visage. Arrête de sourire, l’un de nous ne sera plus là vendredi. Il s’est assit avec sa tasse de café et son bouquin. Mais ce n’est pas le bouquin que j’avais trouvé. Peut être l’a-t-il déjà fini … Chaton. Il me regarde, je l’observe. Il sent la cigarette. Il sent mauvais. Je n’aime pas l’odeur de tabac froid. Mais l’odeur du café va couvrir celle de la cigarette. Enfin, j’espère.

- Tous une bande d’hypocrite. Ils sont là, à vouloir nous … nous … réconforter, mais … tout ça, c’est de leur faute ! T’es d’accord avec moi Galopy ?

Il est trop loin de moi, je vais pour me lever, et m’approcher, mais le sol en a décidé autrement, et décide de bouger, tout seul. Quelqu’un a mit la clé de la voiture dans la serrure ? On va plutôt rester là hein, on est bien là, assit chacun à un extrémité de la pièce. Je me reccroqueville, et commence à me balancer d’avant en arrière, et commence un monologue.

- Je le savais, il ne fallait pas que tu viennes Joy, tu es trop jeune, et puis qu’est ce que va dire ton père en te voyant hein ? Il ne va pas être content. Et puis tu le sais que l’alcool c’est mauvais pour toi, tu le sais, mais tu bois quand même, c’est quoi ton problème ? Les réunions avec Lucie, c’était pour t’aider pas t’enfoncer, et puis avant de partir, on s’était dit, qu’il fallait rester forte même si ça allait être dur.

Je relève la tête, prends ma bouteille et la fini complètement.

- J’espère que t’en voulais pas, sinon c’est trop tard.

Gaël me fit remarquer que l’alcool ne me réussissait pas. C’est un bon observateur, je devrait me méfier pour la chasse au secret… Il me propose son café, ça serait avec grand plaisir, s’il me l’apporte. Je sais pas si je parviendrai jusqu’à lui si je me lève. Et imaginons, sur un malentendu que je réussisse, je ne sais pas dans quel état je vais attérir à côté de lui. Il laisse sa tasse posée à côté de lui, il n’a pas l’air de bouger. « Qui est Lucie ? ». Ah, la grande question, qui est Lucie. Cette charmante et brave Lucie. Celle qui est toujours là, celle qui sait tout, ou presque, celle qui doit sans doute me regarder tous les jours pour ne pas louper une miette. Lucie, l’amie que je retrouverai plus tôt que prévue en fin de compte.

- Lucie, c’est ma meilleure amie, ma sœur, la personne sur qui je pourrai compter tout le temps, tout ça. Tout en parlant, je ne le regarde pas lui, mais son café. Peut être qu’en le violant du regard il va s’approcher qui sait ?

Ca n’a pas l’air de fonctionner. Je vais devoir tenter l’aventure. J’ai bien vu que début, ça va pas le faire, je vais essayer dans une autre position. Premier essaie à quatre pattes, mais la tête était dans le vide, ça ne fonctionne pas non plus. Je pense que c’est à ce moment là que j’ai regretté la bouteille de champagne à moi toute seule. On va y aller en rampant, ça ira beaucoup plus vite. Tel un Ken allant chercher sa Barbie dans les bras du méchant sorcier, je commence à ramper à travers la salle, heureusement que celle-ci n’est pas grande, mes genoux m’en veulent déjà. Je deviens douillette dans cette émission c’est impressionnant.

- Ma Barbie ! Je t’es délivrée du méchant sorcier ! Viens donc avec moi ! Tu seras en sécurité !

Et le café se mit à parcourir ma gorge. Ce liquide chaud me fait le plus grand bien. Je n’ai sans doute pas retrouvé toutes mes idées, mais les principales sont là.

- Et toi tu as une Lucie dans ta vie ?

J’étais toujours par terre, face à lui. Si on regarde la scène avec du recul, on pourrai croire qu’il allait me raconter une histoire, et que moi, telle une enfant, j’allais boire ses paroles.

Pourquoi tu souris en coin ? J’te fais de la peine peut être ? J’ai seulement bu un peu trop, ça arrive à tout le monde. Le reste du temps, je suis adorable, faut juste me voir le reste du temps. T’es arrivé au mauvais endroit, au mauvais moment. Il n’y a pas de quoi me regarder de haut, et me prendre en pitié. Je réagis comme je le veux. Si je veux rester ivre le reste du temps de mon aventure, je le ferai. Mais je n’en ai pas envie. Carpe Diem, Cueille le jour. J’y penserai.

« Moi? Une Lucie? A ton avis? Ahaha! Tu trouves que j'ai une tête à raconter toute ma vie à quelqu'un qui traînerait avec moi juste pour mon blé? Nan, j'ai pas de Lucie, c'est pas plus mal tu sais. Je me confie pas, j'ai pas besoin de confier quoi que ce soit. »

Toi tu as du blé ? Et tu t’en vantes. C’est bien. Avoir une Lucie, même qui traînerait avec toi juste pour ton « blé », c’est toujours mieux que de ne pas avoir de Lucie du tout. Et puis ce n’est pas dans les caractéristiques d’une Lucie. Elle est là pour toi, pas pour ton argent, j’en sais quelque chose.

« T’as un Jules ? » Non, je ne connais pas de Jules, toi oui peut être ? Enfin, si j’en ai connu un, il y a longtemps, mais ça ne s’est pas très bien fini entre nous, il ne veut sûrement plus entendre parler de moi, et je pense pouvoir dire que c’est réciproque. A moins que sa question ait un double sens. « Jules » dans le sens copain. Ca y est je crois que je retrouve mes esprits. Si je commence à voir le double sens des mots, je peux dire que je suis quasiment redevenu moi-même.

Je dois être dans un état, physiquement parlant, désespérant. Je souffle à Gaël un « Je reviens » et essaies tant bien que mal à me relever, et aller dans la salle de bain pour me passer de l’eau sur le visage, je suis complètement démaquillée avec toute cette folle ambiance. L’alcool n’est vraiment pas mon point fort. Mais au moins, je ressemble plus à quelque chose. Je fais un tour dans la cuisine, me fait une nouvelle tasse de café, et prends un fond de bouteille de vin qui traînait. JE me dirige vers la salle csa, et tant la bouteille de vin à Gaël, « J’ai trouvé que ça comme bouteille, m’en veux pas. » Puis je réponds aux questions qu’il m’avait posé avant de partir.

- Il y a eu un Jules dans ma vie, mais ça ne s’est pas très bien passé avec lui. Côté copain, les garçons ne me voient pas comme une fille « normale » à cause du boulot de mon père. Donc c’est assez compliqué d’avoir un semblant de relation. Dans la vie, la vraie, je ne suis pas du tout comme je suis depuis 2 jours. Le fait de changer d’environnement peut être, je sais pas. Et toi, un Jules ? Ou une Juliette ? Ou peut être une Perrie ?

Je sais déjà ce qu’il va me répondre. « Ai-je une tête à avoir quelqu’un dans ma vie ? blablabla. Et puis même si c’était le cas, pourquoi je te le dirai à toi ? On ne se connaît pas. »

- T’es pas obligé d’être honnête, mais dit toi qu’ici, on est que tous les deux, il n’y a pas de caméra, et vendredi soir, l’un de nous deux ne sera plus là. Alors, qu’est ce que tu perds ?

A quoi ça sert à quoi d’avoir un pote si tu ne lui raconte pas ta vie ? Si tu lui raconte pas tes peines ou tes au contraires, tes moments sympas de la vie ? Quelque chose que je ne comprends pas. Il n’a personne dans sa vie et s’en « balance ». Mais, il n’est pas bien ce type. Un enculé ou un romantique , t’as pas quelque chose entre les deux ? Un juste milieu quoi … Du coup il compense avec le boulot, sa boîte c’est sa vie. Intéressant, quelle genre de boîte ? D’armement ? Il prend la bouteille que je pensais vide après sa descente, mais il restait une goutte, t’as raison, faut pas gâcher. « Il fait quoi ton père pour qu'on te voit pas comme une fille normale? C'est un mac ou quoi? » Un mac, pourquoi pas. Mais pas du tout.

- Mon père est le plus grand garagiste de brive, et je l’aide beaucoup, que je dis aide, c’est que je sais monter un moteur toute seule quoi. Et ça, tu peux être sûr que ça fait fuir n’importe quel mec de mon lycée. On ne choisi pas sa famille comme on dit !

C’est la première fois que je parle de mon père, et sûrement la dernière.

- C’est quoi comme genre de boîte ?

Ah oui, il ne veut pas parler de lui. Peut être que sa boîte il voudra bien …