Aujourd'hui est un jour de deuil ! La production nous a livré le reste de nos affaires et... ces abrutis ont réussi à perdre mon pantalon rouge ! Pile le jour où je voulais le porter, évidemment. Parce que oui, avant de m'endormir, je choisis ce que je vais mettre le lendemain. Et il n'est pas question de changer d'avis le matin venu ! Le choix de mon look est quelque chose de fondamental. Cela doit se faire comme un rituel. Décision, sommeil, habillage. Ces étapes ne doivent changer d'ordre sous aucun prétexte. Alors imaginez mon état quand j'ai appris la disparition de mon pantalon !

J'ai donc pour mission de trouver un candidat avec un pantalon rouge. Si personne ne m'en prête un, je suis capable de me balader en boxer toute la journée ! Je me mets donc à fouiller dans les armoires. Il y a en a bien au moins un dans cette maison ! De préférence celui d'un garçon, parce que je suis pas sûr de rentrer dans le pantalon d'une fille... Et encore, ça ne m'étonnerait pas que mes mensurations soient les mêmes que celles de... Comment elle s'appelle, celle-là, déjà ? J'm'en souviens plus... Tant pis, j'ai pas le temps de chercher un prénom, l'heure est grave !

Je viens de fouiller la première des deux armoires, résultat négatif. Je m'attaque à la seconde en priant pour y apercevoir du rouge flash ! Je l'ouvre, et waouh, ça fait cinq jours qu'on habite ici et les fringues des candidats sont déjà en bordel complet. J'ai bien fait de tout laisser dans mes valises. Je suis bien trop méticuleux et attaché à mes vêtements pour laisser les autres ne serait-ce que les chiffonner. Je plonge mes mains dans la masse d'habits. C'est pas possible, un tel bazar ! Et toujours pas de rouge à l'horizon... Il va falloir employer les grands moyens. Je prends les vêtements par tas, les inspecte et les laisse tomber par terre. Tant pis pour les autres, ils n'ont qu'à avoir un minimum d'ordre. Comme s'ils s'y retrouvaient dans ce foutoir...

Comme à mon habitude, je commence à m'énerver tout seul. Je dois avoir l'air stupide, à marmonner comme ça. Heureusement, il n'y a personne d'autre dans la pièce. Perdu dans mes pensées, je ne regarde même plus ce que j'ai en mains... Eh ! mais c'était quoi, ça ? Je me baisse pour regarder le tas que je viens de laisser tomber. Miracle, UN PANTALON ROUGE ! Je l'essaye immédiatement et second miracle, il me va comme un gant ! Un peu serré, c'est vrai, mais tant pis. C'est mieux que de flotter dedans.

Ayant maintenant recouvert mon corps de rêve de vêtements à sa hauteur, je m'en vais vers la salle de bain pour me coiffer. A peine entré, j'aperçois Priam, le playboy de la maison, sortir de la douche. Il me regarde intrigué en fixant le pantalon. Oups, ça doit être le sien... Je n'ai même pas le temps d'ouvrir la bouche pour lui expliquer que la porte s'ouvre brusquement, manquant de me détruire la joue pour la seconde fois. J'aperçois Ludivine entrer, aussi rouge que le pantalon.

- QUI A OSÉ BALANCER TOUTES MES AFFAIRES PAR TERRE ?

Oulah. Elle est fâchée la Ludi. Et Priam va sûrement pas tarder à se mettre dans le même état... Comment leur expliquer ? J'ai la phobie de ne pas porter ce que j'avais prévu alors j'ai emprunté le pantalon de Priam tout en balançant les affaires de tout le monde par terre ? Oh oui, idéal comme justification !

- Hum, en fait je cherchais un pantalon rouge... La prod' a perdu le mien donc... hum, comment dire...

Me voilà dans une situation assez embarrassante. Autant j'ai des raisons valables concernant mon comportement déplacé de vendredi, autant là c'est entièrement de ma faute... Quel con, je n'ai même pas pensé à ranger, obsédé par mon apparence... Ne rêvez pas, c'est au-dessus de mes forces de faire des excuses ! Et comme souvent, je me défends grâce à l'agressivité.

- Et puis de toute façon elles étaient en boule tes affaires, alors dans l'armoire ou par terre, j'vois vraiment pas ce que ça change !

Je sais, j'aggrave mon cas... A croire que je resterai un connard de narcissique toute ma vie...

J’étais allongée sur un transat depuis un bon moment. J’avais pris mon petit-déjeuner seule m’étant levée très tôt, du coup, alors que les autres se préparaient, mangeaient et se douchaient, j’étais seule à prendre un premier soleil plutôt doux qui reflétait des rayons qui me paraissaient inoffensifs sur la peau. Les lunettes sur le nez, j’avais pris place en face de la chambre bleue où l’on pouvait voir une toute petite partie du dressing. Je commençais à somnoler quand soudain je vis de grands jets qui parvenaient du dressing. Quelque chose bougeait anormalement, là-bas. Je me levai en trombe et partis en direction du côté bleu de la maison.

Les habits étaient sans dessus-dessous. Quelqu’un venait de sortir absolument toutes mes affaires de leur valise et à présent, tout était enroulé en boule et formait une masse informe avec d’autres vêtements d’autres candidats. Je sentis le sang bouillir dans mes temps. Quel irrespect ! Certes, je n’avais pas très bien rangé mes affaires mais là, on avait clairement fait exprès de tout jeter comme ça ! Je poussai la porte qui menait à la salle de bain, plus énervée que jamais. Justement, deux hommes s’y trouvaient : Priam, que je connaissais bien, et un candidat avec lequel je n’avais pas encore eu le temps de parler. Hors de moi, je demandai qui avait sorti toutes mes affaires en hurlant. L’inconnu au bataillon marmonna qu’il cherchait un pantalon ou quelque chose comme ça, avant que Priam n’explique que prendre son pantalon ne le dérangeait pas tant qu’il était prévenu. Je le comprenais tout à fait, mais le jeune homme se retourna vers moi pour m’indiquer que de toute façon, par terre ou rangées, ça ne changeait pas grand-chose vu qu’elles étaient totalement en boule.

_ Mais tu te prends pour qui toi !? Tu crois que parce que tu es un pseudo-rebelle tu vas pouvoir me faire la leçon !? lui hurlai-je, plus rouge de colère que jamais.

D’accord, j’avais promis de ne pas m’énerver… Mais dès le matin, il m’insupportait ! J’inspirai un grand coup et décidai d’agir pour lui montrer ce que ça faisait. Au moins, que je m’énerve pour quelque chose, il comprendrait peut-être mieux qu’en racontant n’importe quoi et en criant ! Je partis en direction du dressing. La seule valise que je ne connaissais pas – et qui était bien rangée – était au nom de Gregor. Je la sortis et la retournai pour en faire sortir toutes les affaires, puis je mélangeai tout.

_ Maintenant quand tu auras un problème, tu viendras directement me voir !

On n'a jamais le temps d'en placer une dans cette maison. La plupart des candidats démarrent au quart de tour à la moindre contrariété, sans laisser la moindre chance de fournir des explications. C'en est vite devenu exaspérant pour moi. D'autant plus qu'en parallèle, eux me prennent pour un garçon négatif qui passe son temps à se plaindre du comportement des autres. Ça doit être vrai. J'ai commencé cette aventure sur de mauvaises bases, et depuis, les défauts de chacun me semblent insupportables.

Quand Priam m'a fait la leçon à propos du respect, je me suis senti coincé. Tout le monde a déjà ressenti ça. Cette situation où vous n'avez pas voulu mal faire, mais où les apparences sont strictement contre vous. Je ne savais pas à qui appartenait ce pantalon. Je comptais trouver l'identité de son propriétaire et lui demander si je pouvais le porter pour la journée. Mais quand Priam m'a reproché de ne pas l'avoir prévenu, je n'ai pas su me justifier.

Que Ludivine ait renversé mes affaires m'a laissé perplexe. D'un côté, je la déteste car elle s'est attaquée à quelque chose de très important à mes yeux. De l'autre, je me sens impuissant car je ne peux rien faire, le mal est fait. Je ne peux ni me venger, ni la frapper, parce que je ferais plus de mal à moi-même qu'à elle. Je ne peux que continuer à la haïr.


Me voilà face à mes chers vêtements, chiffonnés, en boule. Je suis on ne peut plus vexé que quelqu'un ait osé les mettre dans cet état. Tellement vexé que je ne veux pas subir la vengeance de Ludivine en les rangeant sous ses yeux. Je réalise que je me sentirai beaucoup mieux si j'assume mes actes. Ça m'évitera de garder une boule dans l'estomac et de détester Ludivine et Priam alors qu'en réalité, c'est contre moi que je suis en colère. Le simple fait de prendre cette décision me procure un sentiment de fierté. D'autant plus que je pense à Garance qui sera heureuse de me voir laisser mon orgueil de côté.

Je retourne dans la salle de bain pour parler à Priam. Sur un ton neutre, je mets au clair ce qui vient de se passer.

- Ça t'ennuie si je le porte aujourd'hui ? Je ne savais pas à qui il appartenait donc je l'ai pris directement, mais je comptais demander la permission à son propriétaire. C'est vrai que tu dois avoir une taille en moins que moi, mais ça ne me dérange pas de le porter comme ça.

Pas question de faire de même pour Ludivine. Je la déteste. Rien que par principe, je la déteste. Personne n'a le droit de toucher à mes vêtements. Surtout pas elle. Mais j'ai pris la décision de réparer mes erreurs, alors je vais ramasser ses habits. Et par la même occasion, je vais lui montrer le bon exemple en les pliant. Ce n'est sûrement pas en me voyant faire qu'elle va se décider à avoir de l'ordre, mais ça sera ma façon de lui apprendre à respecter mes vêtements comme les siens. A haute voix, sans m'arrêter de ranger et comme si elle n'était pas là, je dis :

- Apparemment, tu n'as aucune idée de ce qu'est un rebelle.