La journée était longue. Nous étions tous passés au confessionnal pour aller voter et d’une minute à l’autre, La Voix nous réunirait tous dans le salon pour pouvoir nous annoncer les deux malheureux qui allaient devoir faire leur premier SAS dès la toute première semaine. J’espérais très fortement ne pas entendre mon nom, c’était une semaine de plus tranquille ici, mais rien n’était gagné d’avance et je m’en faisais comme à peu près tous les autres candidats. Je venais d’engloutir mon poulet au curry et la digestion était difficile. J’avais pris une couette bleue de la chambre – ce n’était pas la mienne mais j’allais la remettre en place avant que son propriétaire se rende compte qu’elle avait disparu – et je comatais sur un des canapés roses. Sa forme arrondie était d’ailleurs assez désagréable pour faire une sieste mais avec des coussins, j’avais réussi à me créer un petit nid douillet. Je regardais de temps en temps les autres passer et j’essayais de surprendre quelques bribes de conversations indiscrètes pour tenter d’entendre des indices quelconques. Peut-être que des personnes ayant un secret commun se sentaient tranquilles dans cette pièce où il n’y avait que moi qui dormais, mais il fallait se méfier de tout dans cette maison. Je fermai les yeux et sentis soudain mes paupières extrêmement lourdes, bien plus qu’auparavant et tombai dans les bras de Morphée instantanément.

Des mouvements à côté de moi m’indiquaient que quelqu’un venait de s’asseoir sur le canapé. J’ouvris péniblement les yeux et émergeai ma tête de sous l’épaisse couverture bleu vif. Un garçon avec qui je n’avais pas encore eu l’occasion de parler venait de s’asseoir près de mes jambes, Antoine si je me souvenais bien. J’offris un long bâillement en signe de bonjour. La production nous déversait une musique assez insupportable pour quelqu’un qui venait de se réveiller à fond dans la maison. Je me frottai les yeux.

_ Antoine c’est ça ? Je sais pas si on a déjà eu l’occasion de se présenter, Ludivine. lui lançai-je en souriant avant de poser mes mains derrière ma tête.

Il faisait assez chaud dans la pièce principale – plutôt normal pour un mois de juillet – et je passai mes jambes hors de la couette. J’étais en jogging avec des chaussettes dépareillées et un petit débardeur blanc. Je bâillai à nouveau, décidément, le réveil était difficile ! Je mis une main devant ma bouche.

_ Pfffiou, je suis désolée, mais c’est dur ! m’exclamai-je pour excuser mes manières.

Le fameux Antoine avait l’air bien occupé à manger un sandwich qui me donna l’eau à la bouche. C’était très frustrant de n’avoir aucune idée de l’heure qu’il était dans la maison, et c’était sûrement la raison pour laquelle tant de candidats prenaient des kilos et des kilos en venant ici : nous étions tellement déboussolés que nous pouvions manger des tartines de Nutella à 21h comme un gigot d’agneau à 15h. Le met – si on pouvait appeler ça un met – dont raffolaient surtout les candidats restait le sandwich : au fromage, à la viande, et même aux légumes… Je n’échappais pas à la règle mais j’avais tendance à manger très équilibré ne serait-ce que pour mon métier : pour pratiquer une discipline aussi sportive et exigeante que la danse classique, il fallait un minimum de volonté. Des blancs de poulets, des féculents, des fruits et légumes, pour le moment, je continuais à me nourrir convenablement ! Mais allait venir le moment où je finirai par, moi aussi, manger n’importe quoi à n’importe quelle heure. Je me redressai sur mes coudes tandis qu’Antoine s’excusait de m’avoir réveillée.

_ T’inquiète pas pour ça, je vais bien finir par aller manger un bout !

Il continuait de manger à pleine bouche, visiblement fascinée par la nourriture qu’il tenait entre ses mains. Il ne portait qu’un simple t-shirt et de ce que je pouvais apercevoir, il m’avait l’air très, très bien foutu. Je me surpris à penser à ça. Oula ma Ludivine, ça ne fait que trois jours que tu es là ! Ce n’est certainement pas le moment de penser à des trucs pareils ! Je m’étais toujours demandé comment, dans les saisons précédentes, les candidats faisaient. Nous étions tous jeunes, au bout d’un moment obligatoirement il y avait des rapprochements… Je devais avoir l’esprit encore un peu embrumé par mon sommeil pour penser à ça ! Il m’indiqua qu’il comprenait que je pique un somme puisque de toute façon, nous n’avions que ça à faire de toute la journée. J’étais bien d’accord avec lui. Le temps paraissait déjà long et la production ne nous donnait pas tant d’activités… C’était le début du jeu, ils attendaient sûrement que d’abord, quelques affinités se créent avant de pouvoir jouer sur ces dernières. Je décidai de plaisanter sur son secret en bluffant totalement.

_ Donc toi tu es venu secrètement en couple c’est ça ? l’interrogeai-je en souriant, faisant mine de savoir ce que je disais.

Chaque discussion était prétexte à chercher des indices sur les secrets. J’étais persuadée que comme dans toutes les autres saisons, il y aurait un couple caché. Pour moi, ça tombait sur Antoine puisque j’avais déjà eu l’occasion de parler avec les autres garçons et ils ne m’avaient pas semblé être là avec quelqu’un. J’attendais de voir sa réponse !

Le sandwich d’Antoine m’avait l’air particulièrement appétissant. J’entendais déjà mon ventre qui gargouillait, offrant un spectacle musical peut féminin. Oui, bon, j’avais faim, tout simplement ! Je tentai d’apercevoir le ciel dehors. Le soleil n’était pas bien haut dans le ciel, il devait être environ quatre ou cinq heures. Soit, nettement pas l’heure de manger un sandwich. Mais ça m’était égal, après tout, ici soit on cherchait des secrets, soit on dormait, soit on mangeait, soit on faisait du sport. Il fallait seulement que je privilégie les moments où je bougeais aux moments où je faisais ma larve, enveloppée dans des couvertures toutes chaudes. Antoine me demanda alors si je voulais qu’il m’en fasse un. Je haussai un sourcil. Quelqu’un de gentil ici ? Je ne voulais pas y croire ! Enfin, les garçons étaient plutôt agréables. Plus que les filles, en tout cas. Je m’entendais bien avec environ tous, donc c’était déjà ça.

_ Oh oui avec plaisir, c’est si gentiment proposé ! m’exclamai-je en me léchant déjà les babines.

Antoine se leva donc et partis en direction de la cuisine avec son sandwich presque terminé. Je me levai, m’enveloppai d’une couverture bleue et titubai vers la cuisine en faisant de tous petits pas pour ne pas tomber. Je m’affalai enfin sur une chaise près de la table et posai ma tête sur mes bras croisés sur la table. Antoine me demanda alors avec qui il était en couple, selon moi. Je levai la tête et fis mine de réfléchir en me mordant la lèvre inférieure. Voyons voir… pas Juliette, pas le style. Il y avait Avalon, la petite rousse, puis Angie, la brune au fort caractère et enfin Joy, la blonde avec qui je n’avais pas eu l’occasion de parler. La dernière option me paraissait la plus plausible.

_ Joy, peut-être ? Tu es triste depuis les nominations, non ? Tu as peut-être peur de voir partir la femme de ta vie ? Allez, avoue, je le sais ! lançai-je en souriant.

Tout prétexte était bon pour lui faire avouer la moindre chose.