Ici La Voix,

Gaël pense avoir découvert le secret de Khaleb.
A-t-il raison, a-t-il tort, c'est l'heure de la révélation ! Gaël, quel secret penses-tu avoir découvert ?

J'ai la fièvre du buzz en ce moment. Je m'étais même réveillé en pleine nuit pour aller buzzer Khaleb, réveillant tous mes petits camarades par la même occasion, vu que l'alarme est pas super discrète on va dire. DOnc du coup je me retrouve encore une fois dans le fauteuil avec quelqu'un en face de moi. Allons-y encore une fois. L'annonce de la Voix, les regards en coin, les sourires, tout se ressemble.

Je pense que Khaleb a eu un accident et qu'il s'est retrouvé coincé enfermé dans une mine qui se serait écroulé, ou dans une grotte qui se serait écroulé. Je pense qu'il a du y rester enfoui plusieurs jours, et qu'il aurait survécu, peut-être le seul de tout un groupe... Je sais pas trop quel intitulé donner par contre. Il a survécu après avoir été coincé dans une grotte, ou une mine qui se serait écroulée. Une mine t'est tombée dessus, une mine peut-être mon petit Khaleb?? Dis moi tout!!

J'hésitais à ajouter que je pensais que son père était mort à cette occasion, ça se faisait pas forcément ce genre de choses. Arrêtons nous à et ayons un minimum de décence...

J'étais assis sur ce siège d'un violet aux reflets prunes. Buzzé, pour la seconde fois, est toujours par Gaël. J'étais sérieux cette fois-ci, les évènements passés ne me donnaient pas réellement l'occasion de sourire. Priam piquait un câble, je ne savait pas où j'allais avec Ludivine, la révélation du secret de Juliette qui m'avait particulièrement bouleversé. Tant de chose, l'aventure portait sur sa fin. J'aurais au moins gardé mon secret assez longtemps pour en être fier. Gaël annonça qu'il pensait que mon secret était que j'avais été prisonnié des roches d'une montagne ou d'une mine, pendant plusieurs jours. Je m'éclaircis la gorge.

KHALEB- Il y a de cela quelques années j'ai été atteins d'anorexies, comme certain auraient pu le remarquer. Je suis tombé dedans à cause du femme, la mère de mon fils. Je voulais lui plaire, je voulais...être parfait. Mais ça a dégénéré, je perdais du poids, je ne mangeais plus, je n'en avais même plus envie. Il m'a fallut une attaque cardiaque pour me prendre en pleine figure que j'étais en train de mourir. J'ai réalisé que je pouvais pas laissé mon fils tout seul sur cette planète, il avait besoin de moi, je pouvais pas être aussi égoïste et penser qu'à reconquérir sa mère, qui en passant était déjà loin, et me laissais sombrer en voyant que ça ne marchait pas...Alors j'ai suivis un traitement, j'ai repris du poids, partiellement, je passais des mois entier à l’hôpital, entouré de gens qui n'avaient plus d'espoir. Jusqu'au jour où j'ai pris assez pour que je puisse ressortir. C'était il y a un an, mon père était tellement fier de moi qu'il a décidé de m'emmener faire de la spéléologie...

Je regardais mes mains et inspirais difficilement, reparler de ça, comme ça, devant ces personnes que je venais de côtoyer pendant plus de deux mois. Ça me soulageait autant que ça me faisait mal. J'essayais de ne pas croiser le regard de Ludivine, de Juliette ou de Gaël...

-On était dix dans l'expédition, neuf civils et le moniteur. J'étais tellement heureux, c'était la première fois que je descendais sous terre, avec mon père en plus ! J'avais tellement peu partagé avec lui que je n'y croyais toujours pas...Nous sommes descendus à environ huit cent mètres sous terre...quand le sol a commencé à trembler, les murs vibraient, il y avait un bruit sourd puis soudain des pierres qui tombent, qui roulent. Tout s'est passé tellement vite...Une vieille femme, un petit garçon, moi et mon père sommes restés coincés alors que le reste de l'équipe était en sûreté de l'autre côté. Nous avons criés pour nous entendre, j'ai épuisé ma voix, j'ai crié, crié, je les entendais à peine. Ma jambe était coincé entre deux pierres, mon dos, bloqué par des milliers de petites roches, je ne pouvais presque plus bouger, mon visage était écrasé contre la pierre...elle était humide, poisseuse. J'ai paniqué, j'ai essayé de me sortir de là tout seul, je me suis ouvert l'avant-bras. Puis l'adrénaline est retombé. On était quatre, coincés, pris au piège. La vieille femme a rapidement fermé les yeux et j'ai su qu'elle ne les rouvrirait pas. Le petit garçon lui parlait, même si elle était aussi froide que la pierre. Il lui parlait, il lui chantait des comptines. Des comptines d'enfant que je continue d'entendre dans mes cauchemars. Il chantait, il n'a jamais pleuré. Il réalisait pas, il réalisait pas qu'on allait tous mourir là en dessous, que personne ne viendrait nous chercher...Je croyais que c'était la fin.

Je m'arrêtais pour reprendre mon souffle et entremêler mes mains ensemble

- On avait plus aucune notion du temps, mon père bougeait de moins en moins et...et je l'ai supplié de rester, de tenir bon. Il m'a dit...que..que je devais garder les yeux ouverts, que je ne devais pas dormir, que je devais rester éveillé, attentif, qu'à tout moment je pourrais sombrer. J'étais paniqué, j'avais peur...il..il a commencé à devenir pâle, à parler doucement. Je l'ai supplié, je lui criais de me regarder, de pas tomber, de pas dormir, de rester avec moi. Je l'ai prié, supplié, j'ai essayé de lui attraper la main, j'arrivais pas. J'ai même pas été foutu de tenir la main de mon père pendant qu'il mourrait, sous mes yeux et sur les comptines du gosse...Il est mort alors que nous en étions à nos quarante-cinq heures sous terre. J'avais froid, je voyais son corps qui bougeait plus, j'avais beau l'appeler, je trouvais même plus la force de pleurer. Même pas la force de mourir. Et là, j'ai eu...Ezeckiel est venu à moi, son image. Mon fils, il était dehors, il était au chaud dans son lit peut être. Je pouvais pas le laisser, je pouvais pas mourir là sans jamais lui avoir donné la possibilité d'avoir un père. J'avais pas fait tout ça, j'avais pas repris tout ce poids, pour lui sans que je n'ai ma chance d'être un bon père. Mon fils, mon enfant, j'ai pensé à lui, j'ai prié, je me fixais sur son image, sur son sourire et les brides de son rire. Il était là, tout autour de moi. Alors que j'avais l'impression de couler, j'avais peur, comme une crise de panique, je n'arrivais plus à respirer. Je me noyais et j'avais la possibilité de me raccrocher à mon fils. C'était choisir de ne pas ouvrir la bouche pendant qu'on se noie, de la garder fermer jusqu'au dernier moment. Mais on le fait quand même...C'est un réflexe. Mais je pouvais tenir bon, jusqu'à ce que le réflexe cesse...j'aurais plus de temps...pas beaucoup, mais assez pour remonter à la surface, plus de temps pour être secouru. Mais plus de temps pour agoniser, souffrir et avoir l'impression que ma tête explosait. Mais la question était de survivre...alors qu'est-ce qu'un peu d'agonie pour pouvoir revoir le visage de mon fils ? Mais si ça s'empirait par la suite...si c'était l'agonie maintenant, et l'enfer après...Si me battre pour revoir mon fils était me promettre une nage en enfer, alors j'y aurais plongé. Je me sentais partir, au bout d'un moment ça a cessait de faire mal, je n'étais plus effrayé...tout était plus calme. Puis mon subconscient m'a rappelé Ezeckiel, alors j'ai tenue bon, j'ai chanté avec le petit. On était en train de réciter une fable de La Fontaine lorsque les secours sont arrivés...Ils nous ont tout les deux sortis de là.

Je ravalais mes larmes et passais mon visage entre mes mains avant de relever cette dernière

-Ils ont essayés...le petit..il était coincé entre deux rochers, les secours n'ont pas réussi à le bouger sans que les pierres ne le sectionnent...il n'est jamais remonté. Gaël, je suis resté coincé 55 heures à plus de huit cent mètres sous terre. Tu as trouvé mon secret.

J'osais enfin relever le visage vers eux. Voilà, Khaleb, c'est ça.