Début de soirée, la musique fait rage, la présentatrice d'exception discute encore et encore dans le micro. Les spectateurs et les téléspectateurs sont pressés de découvrir les nouveaux candidats, mais elle continue de parler. Finalement elle annonce la première fournée de candidats, et un gingle se lance. Une vidéo se lance, plus un bruit sur le plateau. Fond noir, la lumière s'allume, une femme au milieu qui salue la caméra comme une enfant.


Ici La Voix. Nouvelle candidate, présente toi.
Hello! Hum... Je m'appelle Frédérique, j'ai 27ans, enfin 27 ans et demi plutôt, vu que je suis bientôt née. Enfin je veux dire je suis née bientôt, enfin dans l'année quoi, je veux dire j'ai bientôt 28 ans! Je suis sage-femme et j'habite dans le Nord-Est de la France depuis que je suis née. Et sinon j'adore les cup cake à la fraise! Et vous vous aimez ça?

La Voix n'est pas friande de ce genre de choses, mais elle est ravie de l'apprendre et aimerait savoir pourquoi tu as tellement voulu nous en informer?
Parce que c'est important.

La Voix n'a visiblement pas la même vision de ce qui est important que toi. Justement, dans ta vie, peux-tu nous dire ce qui est important à tes yeux?
Ce qui est important à mes yeux? Ma famille et mes amis. Ça peut sembler stupide hein, mais je crois vraiment que c'est ce qui est le plus important à mes yeux! On a tout vécu ensemble, les meilleurs moments comme les pires et je ne serais pas la même aujourd'hui sans eux! Mes poissons sont importants aussi pour moi! Je voulais les amener dans la maison d'ailleurs, parce que j'ai peur qu'ils fassent une dépression sans moi pendant que je suis dans la maison, mais vous n'avez pas voulu que je les prenne avec moi, donc du coup c'est ma sœur qui s'en occupe, vous savez, ma sœur, c'est Sascha, ma sœur jumelle, oh elle aussi elle est importante pour moi et en plus c'est elle qui va garder mes poissons pendant que je suis pas là donc elle est importante parce qu'elle est importante et parce qu'elle va s'occuper de quelque chose d'important pour moi, donc elle est doublement importante, et en plus c'est comme mon double, vu que c'est ma jumelle, vous avez saisi le jeu de mots?

La Voix a du mal à te suivre. Parles-tu toujours autant? Parce qu'il va falloir que tu apprennes à te taire dans l'aventure pour ne pas dévoiler ton secret, en es-tu consciente?
Oui! Je n'ai pas beaucoup parlé, si? Trouvez-vous que je parle beaucoup? Ai-je beaucoup parlé? Oh mince, je suis désolée, vraiment monsieur La Voix, je ne m'en suis pas rendue compte, c'est juste que je... enfin... je ne sais plus ce que je voulais dire en fait... On passe à la question suivante?

La Voix se demande si tant de naïveté et de naturel arriveront à mentir aux autres candidats pour aller jusqu'au bout. Penses-tu avoir les nerfs pour tenir jusqu'à la fin de l'émission?
Pourquoi devrais-je leur mentir? Je ne saisis pas bien votre raisonnement là... J'aime pas beaucoup mentir vous savez. Et puis votre phrase n'a pas vraiment de sens. Une naïveté et un naturel ne peuvent pas mentir, ils ne sont pas vivants... Si?

La Voix voit que tu aimes jouer avec les mots ou est-ce simplement un genre que tu te donnes?
Pourquoi me donnerais-je un genre? Je ne suis pas ici pour jouer un rôle, nous ne sommes pas au théâtre. Ce qui passe à la télé, dans une émission de télé-réalité, c'est la réalité justement. En tout cas, c'est censé l'être. Moi je serai ma propre réalité durant le jeu. Je suis Fred, je l'ai toujours été et je le serai toujours. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de plus? … Je vous trouve un peu bizarre La Voix.

La Voix te retourne le compliment et te souhaite la bienvenue dans la Maison des Secrets, elle est sûre que tu vas t'y plaire!
Merci beaucoup! J'espère que ça va me plaire ! A très bientôt!

© Fiche de Hollow Bastion sur Bazzart

Quatre-vingt-dix moutons, quatre-vingt-onze moutons, quatre-vingt-douze moutons, quatre-vingt-treize moutons… toute une ribambelle de moutons. Le plafond est toujours aussi blanc qu’il y a dix moutons, à l’exception notable de cette même araignée qui n’a pas bougé depuis des jours. Je n’ai pas faim, je n’ai pas soif. Pourtant ma bouche est asséchée et mériterait d’être abreuvée. Mes bras tendent sur les côtés du lit de ma chambre, mes jambes pendent de l’autre côté. Je ferme les yeux et me remet à compter. J’aime attendre, c’est apaisant.
Quelqu’un toque à la porte, j’ouvre les yeux, je crois que je me suis assoupie un instant. Juste un instant. Je me rassois sur le lit de ma chambre d’hôtel et je vais ouvrir la porte. Mon garde du corps personnel m’indique qu’il est temps d’y aller. Je referme la porte de la chambre, plus détendue que jamais. Une partie de mon esprit est encore dans mon rêve. Je le suis comme un être robotique, incapable de réaliser ce qui m’arrive. Ou peut-être que je me rends compte après tout. Je ne sais pas trop en fait.

On marche, on roule, on remarche, on roule à nouveau. Beaucoup  de route, pour pas grand-chose en réalité. Nous avons tourné en rond dans la capitale. Ou alors mon sens de l’orientation est détraqué. Il doit l’être. On me tend un badge avec mon prénom d’écrit dessus, en lettres majuscules. Je n’aime pas beaucoup cela, les majuscules, pour mon prénom. Déjà on n’écrit pas un prénom en majuscule. Et dans mon prénom, il y a des accents, et donc ça ne va pas avec les majuscules. J’essaye de leur dire mais on me met le badge autour du cou et on me fait rentrer dans les loges. Je ne m’appelle pas FREDERIQUE. Des lumières. Partout. Des gens qui courent. Ils me donnent le tournis. Un homme en train de manger un sandwich, il s’est fait une tâche de moutarde sur la veste. On me fait avancer, je n’écoute pas ce qu’ils me disent, je n’aime pas les lieux inconnus. Une loge, on me fait entrer, je dis bonjour, personne ne me répond. Une maquilleuse va arriver. J’attends. En regardant autour de moi. Personnes qui marchent, dans tous les sens, ne me regardent pas. Câbles qui traînent au sol. On risque de tomber. Personne qui le remarque. La peur qui monte. Quelqu’un va finir par tomber sur ces câbles. Ils ne l’ont pas vu ? Ce badge avec un autre prénom que le mien. Je ne le reconnais pas. Trop de foule, je ferme les yeux et je compte dans ma tête, les secondes qui passent. Le calme complet, le calme plat, le calm….

La porte s’ouvre, je rouvre les yeux, une femme qui entre. Sans un mot, elle m’applique couche de fond de teint et autre maquillage. Je tousse, je n’aime pas la sensation de ces trucs sur ma peau. Elle repart sans un mot, on m’apporte une tenue. Une robe. Je n’en veux pas, je garde mes vêtements. Je frotte mon visage pour enlever ce maquillage. Je n’aime pas ça du tout. On revient me chercher, c’est mon tour. Je marche, sans but. Je ne sais pas où je vais. Ces câbles toujours au sol, je regarde mes pieds, ne pas tomber. On me lance dans la fausse aux fauves, des gens partout. Ça crie, ça hurle. Je sais que je dois marcher, entrer dans cet endroit, j’ouvre la porte, le SAS, le silence. On m’équipe en micro, je n’aime pas qu’on s’approche autant de moi. J’ai le regard perdu dans le vide, cette salle, ce réduit est tout blanc, rien pour accrocher mon regard. Panique. Je ne sais pas quoi faire. Sourire niais pour éviter la gêne, une lumière rouge, caméra allumée, go !


Bonsoir Frédérique. Dans quelques minutes vous allez faire votre entrée dans la maison des secrets, comment vous sentez-vous à quelques minutes d’intégrer la maison ? Stressée ? Impatiente ?

Bonsoir M. Castaldi. Je me sens bien et vous ?

J’entends des rires dans l’oreillette, je la remets en place, je ne comprends pas pourquoi ils rigolent. Ils se moquent de moi. J’ai quelque chose sur le nez ? Je vérifie, non rien. Tant pis, j’affiche un sourire distrait, je ne sais pas quoi faire d’autre.

Ca a le mérite d’être clair ! Dites-nous tout Frédérique, quelle sera votre stratégie pour aller loin ? Et pour préserver votre secret ?

Je ne peux pas prévoir de stratégie puisque je n’ai pas tous les éléments de départ. Dès qu’un facteur humain entre en jeu, rien n’est prévisible et donc euh… Je vais faire de mon mieux ! Pour le secret, et bien je vais essayer de me comporter normalement et de ne rien laisser transparaître si toutefois la discussion tourne dans le sens de mon secret. Pour le reste, je n’en sais encore rien.

A votre avis, quelle place allez-vous occuper dans la maison des secrets ? Allez-vous tenter de garder une bonne image auprès des autres candidats ? Car après tout il faut se méfier des apparences, n’est-ce pas Fred ?

J’aurai la place que les autres candidats voudront bien me laisser. Je ne sais pas ce qui m’attend à l’intérieur M. Castaldi, mais je donnerai l’image de moi que mes proches ont. Je resterai celle que je suis et mon image restera inchangée par rapport à l’extérieur de cette émission. Mon apparence n’est pas trompeuse. Je reste Fred, quoi qu’il arrive !

Merci beaucoup pour vos réponses. Je vous souhaite bonne chance pour l’aventure, et apprenez à vous méfier des apparences Frédérique !

La caméra s’éteint, je reste seule dans le SAS. On vient m’enlever mon micro, mon oreillette et on m’en met d’autres. Personnes qui bougent dans tous les sens, qui courent. On me fait un geste que je ne comprends pas. La porte. Je dois l’ouvrir. Les deux mains sur la poignée je pousse de toutes mes forces. Insuffisant. Un technicien vient m’aider à l’ouvrir, et me sourit. Remerciements. J’entre dans la maison. Premier soir. Nouveau lieu. La nouveauté me fait peur. Je ne sais même pas l’heure qu’il est…

© Fiche de Hollow Bastion sur Bazzart