FRED & ANA - I promise.

Nous ne sommes pas seuls. Cette phrase résonnait dans ma tête depuis mon entrée dans la maison. Ici, nous ne sommes jamais seuls. D’abord parce qu’on est seize candidats, enfin pour le moment on est huit + huit, et puis même si on se retrouve seul dans une pièce, il y a toujours les yeux des caméras pointés sur nous. Nous ne sommes pas seuls. On pourrait être dans un film d’horreur, cette phrase serait parfaite. Vous n’êtes pas seuls. Le pire c’est que moi-même j’ai observé mes camarades pendant qu’ils ne se doutaient de rien, et c’était tellement agréable ! Je n’imagine pas tous ces gens qui doivent nous observer de dehors. Et mon Noah, seul à la maison.

Je ne sais pas vraiment comment je suis arrivée dans la salle de bain, mais j’y suis arrivée. Et maintenant que j’y suis, je vais y rester un moment. Parce que j’ai beau être habitué à vivre en communauté, tous ces inconnus autour de moi ne me mettent pas vraiment à l’aise. Ils ne connaissent rien de mon histoire. Je crois que je ne me rends pas vraiment compte de ce que je fais. Je me mets sous la douche, tout habillée, et j’actionne l’eau. Mon short en jean me colle à la peau, mon top pèse maintenant au moins trois kilos. J’ai les cheveux qui dégoulinent, collés au visage. Je crois que j’ai encore un de ces moments d’absence. Déjà. Je vais passer pour une folle, pas le genre de folle à sauter partout, non le genre de folle qui n’entend pas qu’on lui parle alors qu’elle est assise à coté, parce que son esprit a quitté son corps. Mécaniquement, je sors de la douche, et je monte sur les lavabos. Je suis là, perchée, devant les miroirs, les bras écartés. Je crois qu’au fond, j’espère que quelqu’un entre, et comprenne ce que je fais, ce que je cherche. Mais je sais que personne ne pourra comprendre, sauf elle. Mais elle…

Je ferme les yeux, et me balance légèrement sur mes pieds, d’avant en arrière, risquant à chaque mouvement de m’étaler par terre, surtout que l’eau coule tout le long de mon corps, je sens mes pieds glissés un peu plus vers le bord. Je ne risque surement pas grand-chose, ou peut-être que si.

Si seulement elle me voyait. Elle serait là, à me demander de descendre, les bras ouverts pour m’y accueillir. Elle me dirait « Promet moi que tu vas survivre, que tu n’abandonneras jamais. Promet le moi maintenant, et ne rompt jamais cette promesse. ». Je le sais, elle serait là, parce qu’elle était toujours là, avec moi. Les yeux fermés je vois la scène se dérouler. Si seulement. Mais soudain j’entends un bruit. Un bruit sourd, quelque chose qui tombe sur le sol. Pourtant je ne crois pas avoir touché quelque chose. J’ouvre les yeux, et je regarde autour de moi. Je constate que je me suis vraiment rapprochée du bord. Je ne sais même pas comment il est possible que je sois encore là. Mon équilibre me fait parfois des surprises incroyables. Et puis je la vois, à coté des lavabos, les bras tendus vers moi. Elle est là.

Ce n’est pas possible, je suis vraiment devenue folle. Ils avaient donc tous raison, j’aurais dû me faire suivre. C’est une hallucination. Mais elle semble tellement réelle. C’est impossible. Qu’est ce qu’il m’arrive ? Ou alors… Je suis tombée et… ? Non c’est impossible. Je la regarde, je l’observe dans les moindres détails. Ce n’est pas un rêve. C’est elle. Elle est là. Mon dieu, elle est là. J’ai les larmes aux yeux, toujours perchée, je me mets à rire. Elle est là. Je la retrouve enfin. J’ai attendu ce moment si longtemps, j’en ai tellement rêvé. Mais cet espoir insensé ne m’a jamais quitté. Jamais. Je la quitte des yeux deux secondes pour descendre doucement, et une fois sur le sol, je me tourne vers elle. Et mon sourire s’efface. Mes yeux se remplissent de larmes, mais celles-ci sont douloureuses. Mais comment ai-je pu me laisser aller comme ça. Pourtant je ne suis pas folle, je l’ai entendu. « Si tu sautes, moi je saute, pas vrai ? ». Je l’ai entendu j’en suis sûre. Mais j’étais aussi sûre de la voir face à moi. Seulement la réalité nous rattrape toujours. Je viens bien d’avoir une hallucination. Une putain d’hallucination, comme jamais je n’en ai eu. Il y a bien une fille devant moi, mais ce n’est pas elle. Ce ne sera jamais elle, ce ne sera plus jamais. Une larme coule de mon œil, je lève la tête en fermant les yeux et murmure « I’ll never let go ».  

Et maintenant ? Je suis pathétique. Je regarde Fred, qui est là devant moi, qui doit se demander ce qu’il me prend de me mettre à pleurer comme ça, après être montée sur les lavabos, après être passée sous la douche tout habillée. Alors qu’elle venait simplement prendre une douche, du moins je suppose, sauf si elle compte faire autre chose avec son peignoir. Je ramasse ce qu’elle avait laissé tomber en arrivant dans la salle de bain, et je lui tends en esquissant un sourire désolé.

Dites-moi que je ne rêve pas cette fois. Je pensais que ses paroles faisaient partie de mon hallucination, mais maintenant que c’est elle que je vois, dites-moi que j’entends bien ce que j’entends. Comment peut-elle dire et faire tout ce que Jo ferait ? Comment est-ce possible ? Je la sens tellement proche de moi, c’est comme si elle était là, à travers ce corps. Il y avait si longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi bien. C’est comme si elle était là. Comme si elle n’était jamais partie. Mais si elle n’était jamais partie, je ne serais pas là. Je ne serais pas avec Fred, dans cette salle de bain. Promets-le moi… Ne fais plus jamais ça Ana. Mon prénom a l’air magique dans sa bouche. Sa voix est si douce, et apaisante. Je sens l’urgence à travers ses mots. J’ai envie de m’accrocher à elle, maintenant. J’ai envie de me blottir dans ses bras, de me mettre à pleurer. Je suis tellement faible. Et elle semble tellement attentionnée. Elle a l’air de se soucier de moi. Vraiment, sincèrement. Elle veut que je lui promette. Elle l’attend. Elle en a besoin.

Je… Pourquoi ? Pourquoi Fred ? Je n’allais rien faire…

Je suis perdue. Complètement perdue. Comment je suis arrivée là ? Face à elle ? Comment je peux me sentir déjà si bien avec elle ? En sécurité ? Non, je suis perdue, et je ne sais pas ce que je ressens là maintenant. Voilà c’est ça. C’est toujours comme ça, après ce genre de moments… Je ne sais plus qui je suis, où je suis, ce que je fais. Et pourtant j’aimerais juste qu’elle me prenne dans ses bras, comme si c’était normal. Et après tout, pourquoi je ne le ferais pas de moi-même ? Je ne pense pas qu’elle me repousserait. Pas après ça. Elle m’a demandé de lui promettre. Elle veut que je lui fasse une promesse.

Je m’avance vers elle, doucement, tête baissée, j’ai peur de ce que je pourrais voir dans son regard. Pourtant son regard est si beau. Et tout ce que j’y ai vu lorsque je l’ai regardé après avoir réalisé que c’était elle. Elle avait l’air tellement… impliquée. Comme si elle comprenait. Comme si en un regard elle avait compris mon histoire. Comme si. Comme si. Je me blottis contre elle, j’appuie ma tête au-dessus de sa poitrine. Elle est plus grande que moi, je me sens si bien contre elle. Je te promets.

Ses bras autour de moi. Son souffle sur ma peau. Sa force contre ma faiblesse. Son merci qui se perd dans mon oreille. Ce qu’il se passe là, à cet instant, est insensé. Rien de tout ça n’a de sens. Parce que se mettre sous la douche toute habillée ça n’a pas de sens. Parce que monter sur les lavabos ça ne se fait pas. Parce que se balancer au risque de s’éclater le crâne sur le sol c’est ridicule. Parce qu’elle n’était pas censée me demander une promesse. Parce qu’elle n’était pas censée être impliquée. Parce qu’elle ne devait pas être là. Parce qu’elle ne devrait pas me serrer dans ses bras. Parce qu’elle me rassure. Parce qu’elle me redonne l’envie de me battre. Parce qu’il ne faut jamais abandonner. Jamais. Ne serait-ce que pour cela. Pour que ce jour compte.

Je n’ai pas envie de me détacher d’elle. Je n’ai pas envie que l’on redevienne deux inconnues. Mais c’est ce qu’il va se passer, je le sais. Et c’est ça le vrai monde, on ne fait pas de promesse à quelqu’un qu’on a rencontré il y a à peine deux jours, on ne va pas se blottir contre elle comme si. Comme si. Une fois qu’on sortira de cette salle de bain, le monde réel nous rattrapera, encore. Et ce qu’il vient de se passer ici disparaitra. Je n’ai pas envie que ça disparaisse. Ca n’a aucun sens c’est vrai, mais j’aime ce qui est insensé. Et je suis sûre qu’elle aussi. Je la pensais ailleurs, dans un monde qu’elle s’était créée, un monde où les méchants n’existent pas. Pourtant j’ai l’impression que sa naïveté n’a pas passé la porte. Je n’ai pas envie que ça se termine. Mais ça doit se terminer. Parce que nous sommes dans la Maison des secrets, et ce n’est pas ça le jeu. Je suis venue ici pour vivre, pas pour survivre comme je l’ai déjà fait. Je devrais faire des batailles d’eau avec les autres, ou préparer les repas dans la cuisine avec les autres, ou dormir dans la chambre avec les autres. On ne devrait pas être là, l’une contre l’autre, dans cette salle de bain.

Doucement je relève ma tête, et je fais un pas en arrière. Une larme m’échappe encore, mais elle se perd sur mon t-shirt trempé. Je la regarde face à moi, et j’ai le cœur qui se serre. Je la sens déjà si loin. Mes yeux se posent sur l’une des caméras, dans le coin au dessus de la porte. Et je me demande ce que la prod’ va faire de ces images. Parce qu’ils pourraient en faire tellement de choses. Et ça ne sera jamais la réalité. La réalité c’était d’être ici avec elle. Je fais un nouveau pas en arrière. Plus je m’éloigne, plus tout s’efface.

Je… Je te laisse prendre ta douche.

Mais je ne bouge pas. Je reste là, devant elle. Parce que je ne sais pas ce que je dois faire. Je ne sais pas ce que je devrais faire.

Il ne faut pas qu’elle pleure. On ne doit pas pleurer, c’est ridicule il faut arrêter tout ça. Ce n’est pas comme ça qu’on débute une relation. Elle peut recracher sa boisson sur tous mes t-shirts, ça ressemble plus à un début banal. Mais ça. Qu’est ce qu’on fait là ? Il faut arrêter. Mais je suis incapable de l’accepter, je ne peux pas accepter que ça se termine et que tout s’efface. Et sa voix me fait trembler le cœur. La bouteille de shampoing qui tombe sur le sol me fait sursauter. Me rappelle qu’il y a un monde autour de nous. Et c’est pour ça que tout ça est ridicule. On ne peut pas vivre comme si le monde n’existait pas, comme si on décidait de ce qui était « normal » ou non. On ne peut pas.

Je suis désolée Ana… Ses mots viennent me frapper en plein cœur. Ca ne peut pas se passer comme ça, ça ne peut pas disparaître si soudainement. Aussi soudainement que ça s’est produit. Je ne peux pas laisser tout ça s’effacer sous mes yeux, sans rien faire. Je ne peux pas la laisser dire ça. Je me fous que tout ça semble « bizarre », je m’en fous je ne veux pas qu’elle parte maintenant. Je ne sais pas ce que je veux, mais je ne veux pas qu’elle parte. Elle a su trouver les mots qu’il fallait quand elle est entrée dans la salle de bain. Il y a si longtemps que personne n’avait su le faire. Depuis Elle. Personne ne sait comment me parler. Il n’y avait qu’Elle.

Elle ne peut pas juste être désolée. Et puis désolée de quoi ? De m’avoir laissé croire qu’elle était impliquée ? D’être entré dans la salle de bain à ce moment précis ? Alors c’est ça, elle regrette ? Elle veut tout effacer. Elle veut que tout ça disparaisse. Que tout redevienne normal. Comme si rien ne s’était passé. Comme si elle ne m’avait pas vu me balancer, à moitié dans le vide.

Non. Non. Ne sois pas désolée. T’as pas le droit d’être désolée. Ne me laisse pas. Ne me laisse pas je t’en supplie. S’il te plait. Me laisse pas. Fred. FRED !

J’avance vers elle d’un bond, j’attrape son bras, et je la force à se tourner vers moi, je veux l’éloigner de cette porte, et je ne veux pas qu’elle me tourne le dos. Non, pas déjà, pas maintenant, pas si vite. Pas déjà.

On est ridicule je sais, on est pas crédible. Mais je me fous de pas faire comme tout le monde ferait. Elle ne peut pas quitter cette pièce, elle ne peut pas me laisser là. Elle est entrée, elle ne peut pas repartir comme ça. C’est trop facile de tourner le dos, comme si rien ne venait de se passer. Peut-être que rien ne vient de se passer. Non, je ne veux pas y croire. Quelque chose vient de se passer. Pour moi, tout ça compte. Pour elle ? Et si pour elle tout ça n’était qu’un jeu ? Non c’est impossible. Les larmes qui menacent de quitter ses yeux d’une seconde à l’autre sont réelles. Dis-moi que tout ça est réel. Dis le moi. Ne pars pas. Ne me laisse pas toi aussi. Dis-moi que c’est faux, que les gens ne partent pas toujours. Dis-moi que toi tu restes, que tu n’iras nulle part. Ne me laisse pas.

Dis-moi que c’est réel. Ce n’était qu’un murmure. Mais je sais qu’elle m’a entendu. Je relâche son bras, et je plante mon regard dans le sien. Il n’y a rien à comprendre dans tout ça. Je ne veux pas comprendre.  

Le temps glisse sur les parois de la bulle que l’on a créé, ensemble, elle et moi, ici, maintenant. Je n’arrive plus à imaginer qu’il se passe des choses en dehors de cette salle de bain. Qu’il y a des gens dans la maison, qui sont en train de discuter, de dormir, de s’amuser. Je n’arrive plus à imaginer quoi que ce soit en fait. Je la regarde, j’attends qu’elle me parle, qu’elle me dise ce que je veux entendre. Je ne te laisserai pas… Jamais. Non, non ne me dis pas ça, je ne veux plus jamais entendre ça. Elle aussi me l’avait dit, elle me l’avait promis, et pourtant elle est partie. Elle m’a laissé seule. Les gens finissent toujours par partir. Même quand ils veulent rester. Non, Fred ne peut pas me dire ça, elle ne sait pas, je ne veux pas qu’elle me dise ça, je ne veux pas. Elle pose ses mains sur mes joues. Elle me sourit. Mais pourquoi m’a-t-elle dit ça? Pourquoi ? Je nous sentais tellement liées, un lien qui s’est formé si vite, mais si fort. Et ses mains sur ma peau. Ses yeux posés sur moi. Son sourire. Je sens qu’elle voudrait que je lui rende ce sourire. Mais je ne peux pas. Je ne peux plus maintenant. Mes larmes se mettent à couler, innombrables, glissant sur ses mains.

Mais qu’est ce que j’ai fait ? Qu’est ce que je fais ? Je ne peux plus rester ici, j’étouffe. J’étouffe de culpabilité, de honte de m’être laissée aller dans cette maison, si tôt, de m’être laissée aller vers elle, avec elle. Il faut tout arrêter, maintenant. Impossible. Tout arrêter. J’ai tellement envie que ce soit réel Ana… alors même si ça ne l’est pas… faisons de ça notre réel, tu veux bien ? Je reste là, d'accord? Avec toi... Ici...  Mais non je voulais simplement que ce soit réel, je ne veux pas qu’on se cache dans notre réel. Je veux le vrai réel, le réel de tout le monde. Les larmes coulent, toujours. Ca fait tellement mal. Je revois tout ce qui vient de se passer, je me revois dans la douche, monter sur les lavabos. Je la revois entrer, je revois Son visage. Et je l’entends, j’entends sa voix, prononcer les mots exacts. Je me vois dans ses bras, je m’entends lui promettre. Je revois tout ça, comme si j’essayais de me souvenir d’un rêve. Tout ça n’est pas réel.

Je pose mes mains sur les siennes, et les écarte de mon visage lentement. Ca fait si mal. Je lâche ses mains, et laisse tomber les miennes, impuissante. Je la regarde encore, je n’arrive pas à croire ce que je m’apprête à faire. Je ne peux pas le faire. Mais je dois le faire. Il le faut. Et les larmes coulent, encore. Je secoue la tête de droite à gauche. Pardonne-moi. Pardonne-moi. Les mots ne passent pas mes lèvres, mais je les pense si fort. Je veux qu’elle m’entende. Pardonne-moi. Je ne veux pas. Je passe à côté d’elle.

Mes pas sont lourds, je me dirige vers la porte. Je pose un pied dans le couloir. Et la bulle éclate.

never ends forever

La bulle éclate. Tout est fini. Rien n’a commencé, mais tout est fini. Je suis sur le point de quitter la pièce. Et il n’y aura pas de retour en arrière possible. Je dois partir, je dois la laisser. Je dois laisser ce qu’il vient de se passer derrière. Mais mes muscles ne m’écoutent pas, je suis incapable de bouger. Je suis bloquée là, un pied dans le monde réel, l’autre avec elle. Et je regrette déjà. Je voudrais tout revivre, une nouvelle fois. Je voudrais remonter sur les lavabos, l’entendre me dire Si tu sautes, moi je saute, pas vrai?  , je voudrais recommencer. Je voudrais retrouver la sensation de La retrouver, de La voir devant moi. Je voudrais tant de choses, mais pas partir.

Je l’entends glisser, j’entends sa respiration. J’entends ses larmes. Mais qu’est ce qu’il nous arrive ? Qu’est ce qu’il se passe ? Que quelqu’un m’aide à comprendre, comment tout ça peut arriver comme ça. Mais il n’y a personne pour m’aider. Non, la seule personne qui pourrait m’aider c’est elle, elle assise sur le sol dans cette salle de bain. Elle que je viens d’impliquer dans ma vie, sans qu’elle ne demande rien. Elle qui s’est trouvée là, à ce moment précis, et qui le regrette peut-être maintenant. J’imagine ses pensées, elle aurait voulu ne jamais entrer ici, ne jamais me voir là. Et ça me fait mal d’imaginer qu’elle peut penser ça. Pourtant c’est ce qu’elle doit penser. Je n’avais pas le droit de lui faire ça. Je n’avais pas le droit de la forcer à s’impliquer. Je n’avais pas le droit. Je dois la laisser reprendre sa vie, sans moi, une vie normale. Parce que je n’avais pas le droit de lui faire ça. Je m’en veux tellement. Pardonne-moi. Pardonne-moi.

Pardonne-moi.

Les mots m’ont échappé, mes pensées ont parlé pour moi. Il est temps que je m’en aille maintenant. Je ne veux plus jamais la faire pleurer. Je n’avais pas le droit. Mais qu’est ce que j’ai fait. Je n’avais pas le droit. Je voudrais tout recommencer, je voudrais tout annuler, je ne veux pas la faire pleurer. Je n’ai pas le droit. Pourquoi, mais pourquoi. Elle n’a jamais voulu, elle n’avait pas besoin de ça. Elle n’a pas besoin de moi. Je dois la laisser maintenant, je dois partir. Elle reprendra sa vie, sans moi. Ou avec moi, mais simplement. Sans ce truc. Sans ce lien bizarre qui vient de se créer entre nous. Comment pourrait-on l’effacer ? Ca ne s’effacera jamais. Jamais. Parce qu’elle ne me laissera jamais. Elle me l’a dit. Elle reste là, avec moi. Et pourtant je dois la laisser.

Je ne me retourne pas, je ne peux pas regarder en arrière. On ne peut pas revenir en arrière. Plus rien ne sera comme avant. Et pourtant tout redeviendra comme avant. Je pars. Mon corps bouge enfin, je m’éloigne. Je l’ai quittée. Je suis partie. Et chaque pas est une lame qui s’enfonce en plein cœur.