OWEN & ANA - got lost in the game.

Ne t’y prend pas trop tard, mais pas trop tôt non plus, il ne faut pas que ça gâche tes derniers moments dans la maison. Mais pas trop tard, parce que tu te seras surement étalée. Surtout que tu risques d’y rester longtemps. Oh Noah, si tu avais su que j’allais moi-même me nominer stupidement, et que finalement mon séjour ne serait pas forcément si long. Mais il avait raison, il fallait que je prépare mes affaires, pas trop en avance, mais pas trop tard. Aujourd’hui me semblait être le bon jour. Je me sentais bien, la première activité m’avait mise en forme, même si je n’avais rien fait. Mes #CookiesPourOwie avaient eu l’air d’être les moins bons… mais comme je ne les avais pas fait, je ne m’en sentais pas du tout vexée. Je n’avais pas imaginé qu’Owen court directement aux toilettes après les avoir goûté, mais en même temps, il fallait s’y attendre. Je ne me sentais pas fière de lui avoir infligé ça, mais j’avais quand même bien ri. C’est mal, je sais, mais ça fait du bien. J’espérais juste qu’il n’était pas tombé complètement malade à cause de moi.

J’avais donc commencé par rassembler mes affaires dans la salle de bain, même si je n’étais pas vraiment celle qui en avait le plus. J’y avais pris mon temps, parce que la salle de bain était une des pièces que je préférais dans la maison. Pas parce que j’aime passer des heures à me coiffer, mais parce que c’était là que tout avait commencé avec Fred. Fred, encore et toujours elle, dans ma tête. J’avais beau bien m’entendre avec à peu près tous les candidats, c’est elle que je n’avais pas envie de quitter. Je jette un dernier coup d’œil, et je me dirige vers la chambre.

Et c’est là que je l’ai vu. Telle une étoile de mer échouée sur son lit. Et la culpabilité entre par mes doigts de pied et me submerge jusqu’à la pointe des cheveux. Owen est étalé sur son lit, tête dans l’oreiller, et il ne bouge pas. Il ne bouge pas d’un centimètre. Il… IL NE BOUGE PAS. Mais est-ce qu’il respire, dites-moi qu’il respire. Je cours jusqu’à lui et le retourne sur le dos, je le secoue, lui crie dans les oreilles.

OWEN ! OH NON OWEN ! REVEILLE TOI JE T’EN SUPPLIE ! JE REGRETTE, LE COUP DES COOKIES, C’ETAIT NUL MAIS REVEILLE TOI MAINTENANT ! REVEILLE TOI !

Une part de moi reste réaliste, et se dit qu’il ne peut pas être mort à cause de cookies pourris. Mais l’autre part panique complètement. Ce n’est pas possible, impossible. Non impossible. Mon visage est si proche du sien qu’il sent forcément mon souffle sur sa peau. Et moi je ne sens rien parce que je suis incapable de me calmer. J’en oublie tout ce que j’ai appris, tout ce que je suis, l’école d’infirmière me semble si loin. Toute ma vie d’avant a l’air d’avoir disparu depuis que je suis entrée dans cette maison. Alors là, dans cette chambre, face à ce corps sans vie, je panique.

Mon cœur a un raté, et le cri qui sort de ma bouche me surprend moi-même. Comme si je ne venais pas d’être assez surprise. J’aurais dû m’y attendre, à le secouer comme ça il ne pouvait pas rester longtemps endormi. Sauf que j’avais besoin d’être sûre que justement, il n’était qu’endormi. Et vu le cri que je viens de pousser, je devais vraiment penser qu’il ne faisait pas que dormir. Alors forcément, lorsqu’il se lève et me prend dans ses bras, comme ça sans prévenir, je crie. Pas parce que me retrouver dans les bras d’Owie me déplait, mais parce que je ne m’attendais pas à le voir bouger. Et encore moins à ce qu’il m’appelle maman ! Est-ce que j’ai vraiment l’air si vieille ? Il est tellement pâle, j’ai l’impression d’avoir réveillé un vampire dans son cercueil pendant son sommeil. Mais Owie n’est pas un vampire hein ? Il mange des cookies, les vampires ne mangent pas de cookies.

Oh non, les cookies. Mes cookies pourris. Je les avais oubliés, alors que j’y pensais encore il y a si peu de temps. Et si… si c’est moi qui l’ai rendu malade comme ça ? J’ai honte ! Tellement honte ! J’ai fait ça pour le fun, je ne pensais pas que ça pourrait… Ok Ana, air innocent, tu ne sais pas ce qui se passe, tu n’as rien fait, rien à te reprocher, tout va bien. Mais il est en train de vomir quand même. Le pauvre… Je m’en veux, mais je garde espoir que je n’y suis pour rien. Peut-être que c’est son rêve qui lui a retourné l’estomac. Peut-être qu’il faisait un cauchemar, c’est pour ça qu’il m’a appelé maman, il pensait que je venais le réconforter après un mauvais rêve.

Innocente, tu es innocente. Je pose une main sur son dos, une main qui se veut apaisante. Je lui aurais bien tenu les cheveux si ça avait été une fille. Mais là, je ne peux rien faire d’autre que poser ma main sur son dos.

Oh non, t’es malade. Ding ding ding, ça pue la culpabilité ce que tu dis là Ana. Reprend toi. Innocente, innocente. Peut-être un truc que t’as mangé ? Voilà qui est mieux, même si je le lance quand même dangereusement sur la piste des cookies...

Mon regard se pose alors sur le seau. Qui n’est pas un seau, mais qui a quand même l’air bien étanche pour tout ce qu’Owen vient de sortir de son estomac.

Oh et… hm… tu viens de vomir dans… le chapeau de… euh… quelqu’un. J’essaye de le regarder de plus près, de savoir à qui il peut être. Mais pas de trop près quand même, parce que l’odeur me donne la nausée, et je ne voudrais pas mélanger mon vomi à celui d’Owie, question de respect. De toute façon il est moche, vas-y tu peux continuer. Enfin pas trop quand même, ça risquerait de déborder. Et je recule mon visage de ce seau improvisé, sans pour autant retirer la main que j’ai posé sur son dos. J’attrape un mouchoir de la boite qui traînait un peu plus loin par terre, me contorsionnant dans tous les sens pour ne pas quitter ma place près d’Owen. Et je lui tends le mouchoir, le regard on ne peut plus innocent, un sourire compatissant sur les lèvres.

Une grimace de dégout sur le visage, j’observe Owen poser délicatement le chapeau condamné. Tout doucement, sur le sol, sans geste brusque, telle une arme. Mes yeux s’attardent deux secondes sur son contenu, et je sens la nausée monter. Je m’éloigne donc un peu, ou peut-être beaucoup, aussi loin que le lit me le permet. Je laisse Owen à l’autre bout, avec son chapeau duquel un lapin ne risque plus de sortir. Et je me concentre sur lui, uniquement lui, oublier le chapeau, je dois oublier ce chapeau, et tout ce qu’Owen vient de mettre dedans. Urk, c’est vraiment trop dégueulasse, j’ai un nouveau geste de recul mais si je fais un mouvement de plus je me retrouve les fesses par terre. Alors je me contente de me reconcentrer sur Owen. Sur sa voix. Sa voix qui me demande ce que j’ai mis dans les cookies. A vrai dire j’en sais trop rien de ce qu’il y a dans ces cookies, ça devait être marquer sur le paquet… A l’occasion je lui offrirais un paquet vide, après avoir mangé tous les cookies moi-même, en ayant pris soin de vérifier la date.

Tu as voulu m’empoisonner ? Oh la oh la, doucement. Qu’est ce que c’est que ces grands mots ? L’empoisonner ! Pourquoi j’aurais voulu l’empoisonner ? Evidemment qu’il ne comprend pas, il n’y a aucune raison pour que je veuille l’éliminer, d’ailleurs je ne veux tuer personne, je n’ai jamais voulu tuer personne. Mais… il est sérieux, il pense vraiment que je lui en veux pour quelque chose, que j’ai voulu l’empoisonner ? Mais je suis innocente ! Peut-être même que mes cookies n’y sont pour rien ! Mais oui voilà, voilà ce que je dois dire, ce que je dois défendre. Après tout, dans mon plan, je ne suis pas censée savoir que mes cookies sont responsables de… son état. Jouer la carte de l’innocence.

Quoi ? Mes cookies ? Tu penses que c’est à cause de ça que tu as vidé ton estomac dans le chapeau de je sais pas qui ? Mais non, c’est pas possible, j’ai rien mis de spécial dedans. Je… Je… Tu… Enfin je n’aurais aucune raison de vouloir t’empoisonner Owen, sois pas bête. Tout le monde t’aime ici…

Je ne suis déjà plus très sûre que ce soit la meilleure solution, l’innocence. La vérité aurait forcément été plus simple, il aurait su pourquoi il était en train d’agoniser sur ce lit, j’aurais même pu dire que je n’avais pas vu la date quand je les ai mis sur la table, et il ne m’en voudrait même pas. Enfin je crois. Sauf que ce que j’avais fait, c’était un peu de la triche. Et s’il allait demander à La Voix de me sanctionner de ne pas avoir respecté les règles de l’activité, je risquais encore une fois de payer mon geste innocent. Un indice sur mon secret, ça suffit, j’ai assez payé.

Comment peut-il rester là assis si près de ce chapeau rempli de… des restes à moitié digérés qu’il a ressorti de son estomac ? Peut-être que le fait que ce soient ses restes le dégoutent moins. Mais quand même. Je le regarde, toujours compatissante, mais avec la peur qu’il finisse par m’en vouloir pour le reste de l’aventure. Lorsqu’il me demande quel personnage Disney je pourrais être, mon inquiétude s’accroit. Les cookies ne lui ont vraiment pas réussi. Ca n’a pas l’air de lui avoir retourné que l’estomac. Je n’ai aucune idée de quel personnage je pourrais être. Je n’ai jamais comparé ma vie à un Disney, je n’ai jamais voulu être une de leurs princesses, je n’ai jamais voulu trouver un de leurs princes charmants. J’aurais peut-être aimé une petite fée, qui aurait protégé ma vie, qui aurait sauvé Jo. Me voyait-il comme une sorcière à cause de cette histoire d’empoisonnement ? C’était le mot qu’il avait utilisé, il pensait que j’avais voulu l’empoisonner. C’est pour ça qu’il me le demande, je le sais maintenant. Et je ne sais pas ce que je pourrais lui répondre, parce que je ne veux pas être un personnage Disney.

Je le regarde poser son front contre le mur. Et le voir comme ça… je ne tiens plus, trop de culpabilité. Je me glisse vers lui, omettant ce foutu chapeau posé sur le sol, et me colle contre son dos, posant ma tête sur son épaule.

Excuse-moi Owen je voulais pas te rendre malade… t’as raison c’est de ma faute et je m’en veux vraiment tu sais. Mais quand La Voix a annoncé cette activité j’ai pas réfléchi, je voulais vraiment participé et je me suis souvenue de ce paquet de cookies qui trainait sous mon lit et… enfin voilà personne n’aurait dû les manger en fait et je te les ai donné, je suis tellement désolée, j’aurais pas dû je sais pas ce qui m’a pris. Je veux pas être la méchante sorcière, ou la belle-mère de Blanche-Neige, ou je sais pas quel autre personnage que tu imagines à ma place là maintenant. Je suis désolée. Dis moi que je suis pas la méchante sorcière s’il te plait.

Et encore une fois je ne sais pas ce qu’il me prend mais mes lèvres se posent sur sa joue. Comme une supplication, comme si ça pouvait suffire pour qu’il me pardonne de l’avoir mis dans cet état.