Jeu de rôle basé sur l'émission de télé-réalité « Secret Story »
 
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 Défi pool [Laury]

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Fred'
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Sweety Dreamy

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MessageSujet: Défi pool [Laury]   Défi pool [Laury] Icon_minitimeMer 31 Juil - 0:57






Défi pool

Fred’. Laury.


En fait cette piscine, je l’avais tellement rêvé, mais maintenant, je ne l’aime même pas. Je ne la fréquente pas, elle ne me fréquente pas. C’est comme ça et ça fonctionne très bien comme cela. De toute façon, elle est bien trop fréquentée, et je n’aime pas me baigner avec d’autres personnes. Mélange de bactéries, et de tellement de choses. Et surtout, il faut se mettre en maillot de bains. Et j’ai toujours détesté me mettre en maillot de bains. A croire que les gens qui ont inventé ces choses n’ont pas compris que ça ne mettait pas du tout le corps en valeur. Et puis, j’ai cette foutue manie depuis toujours de me baigner avec un tee shirt, et les gens me regardent toujours de travers. La seule nouille qui va se baigner en tee shirt à la plage, c’est moi. Les autres habitants me prendraient pour une folle s’ils me voyaient comme ça. Déjà qu’Owen m’a prise pour un homme, un transsexuel. Peut-être qu’il avait des raisons au fond. J’ai le comportement d’un transsexuel. Je m’en suis rendue compte cette nuit, quand je n’arrivais pas à dormir et que je réfléchissais. C’est pour ça qu’il est temps d’agir. Prouver que je ne suis pas un transsexuel. Que je suis une fille. Une vraie.

J’ai mis mon maillot de bains. Le brun. J’ai mis mon tee shirt par-dessus, mon short et je me suis dirigée vers la piscine. Il faisait tôt, c’était le matin, il n’y avait encore personne. Pas même de trace d’un jardinier. Pourtant il doit bien y en avoir pour entretenir la maison. J’allais être tranquille. Me tester. Ne pas trembler, ne pas avoir peur. Je n’avais même pas pris la peine de déjeuner, j’étais venue directement ici. Face à cette piscine. Et je regarde cette étendue bleue devant moi. Ça m’a l’air assez profond, on risque de se noyer là où on n’a pas pied. Je la regarde intensément, c’est elle qui me regarde à force. J’ai peur.

Je pose ma serviette par terre, juste devant la piscine. Je l’étends, et passe la main dessus pour l’aplatir. Il ne doit y avoir aucun pli. Je respire un grand coup et regarde qu’il n’y a personne qui vient de la maison. Je ne suis pas sure de vouloir faire ce que je vais faire, mais j’en ai besoin. Pour me prouver que je peux. Et que je ne suis pas un homme. Mais une femme. Je passe mes doigts sur le bouton de mon short et je les fais glisser en bas de mes jambes. Je n’ai plus que mon maillot de bains désormais, et mon tee shirt. Légendaire tee shirt de plage avec une tête de renne dessus. Je plie mon short, et vais le déposer sur un des transats. Et j’enlève mon tee shirt. Je ne me sens pas du tout à l’aise sans lui. Trop de surface dévoilée, je n’ai pas l’habitude. Et Sascha qui n’est pas là. Si elle était là, ça aurait été si simple, elle l’aurait fait si rapidement, sans problème. Mais moi… si seulement j’étais elle. Si seulement j’avais été elle. Tout aurait été plus simple et Owen ne m’aurait pas pris pour un homme vu que je lui aurai probablement sauté dessus le premier soir. Mais je ne suis pas Sascha. Alors je plie mon tee shirt consciencieusement, et le dépose à côté de mon short. Je n’ai plus que le maillot. Et je tremble. Pas parce qu’il fait froid, mais parce que j’ai peur de cette piscine qui me regarde. Je jette un nouveau regard sur la maison, personne en vue. J’aurai du manger quelque chose, cela m’aurait aidé. Je sens la caméra se tourner vers moi, les autres dorment tous, il n’y a rien d’autre à filmer, à part Ken qui ronfle. Alors ils s’occupent de moi, près de la piscine.

Je dois le faire. Maintenant. Sinon je ne le ferais pas. Je respire un grand coup, je ferme les yeux et compte dans ma tête. Un. Deux. Trois. Je glisse mes mains dans mon dos et je défais le nœud qui maintenait mon haut de maillot de bains attaché. Il est encore temps de tout arrêter, mais je n’en ai plus envie. Je suis lancée. Alors j’enlève le haut de mon maillot de bains et je respire un grand coup, avant de le poser sur mon tee shirt. Je n’ai plus que le bas de mon maillot de bains. Et la France entière doit me regarder. Et je déteste cette impression. Et je me sens nue (en même temps, c’est à moitié le cas). Et je me sens mal. Mais je me sens femme. Plus que jamais. Mes vêtements forment un monticule au sol, me rappelant, par contraste, la bassesse de ce que je suis… Je me relève et je me mets face à la piscine. Je la regarde, je la défie, et je saute. Je plonge. J’atteins rapidement l’eau et je la sens pratiquement partout sur mon corps. Je sais que beaucoup de femmes sont adeptes du monokini. Je ne supporte pas ça. Et pourtant je suis là, sous l’eau, sans haut de maillot de bains. Et j’ose dire Mince et flute à tous ceux que ça dérange. Et je me sens vivante. Et je me sens bien. Ma première grande aventure, c’est ici, c’est cette maison. Je dois me prendre en main. Changer. Remettre en cause tout ce en quoi je croyais, et monter dans le Pole Express. Alors je nage.

Et je sors la tête de l’eau et je la vois. Face à moi. Face à la piscine. Me fixant. Et mince. Et pis crotte, zut de flutte. Je l’ai fait, maintenant c’est trop tard. Alors je la regarde et je lui souris.

Coucou !

Comme si de rien n’était. J’emmerde le monde, et je viens de prononcer mentalement le premier gros mot de ma vie. Et j’aime cette sensation. La liberté. Comme si je venais de découvrir en moi quelqu’un d’autre que ce que j’imaginais. Il ne me restera plus qu’à le prononcer à voix haute, mais ça ce sera pas pour tout de suite encore. Je ne m’en sens pas encore capable. Enfin bon, je suis là, seins nus face à une nana que je ne connais pas. Alors à ce stade-là, de quoi je ne suis pas capable ?

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Dernière édition par Fred' le Jeu 8 Aoû - 20:57, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Défi pool [Laury]   Défi pool [Laury] Icon_minitimeJeu 1 Aoû - 11:00





    Aujourd’hui allait être ce genre de jour où tout allait bien. Le genre de jour où on sait que rien ne pourra venir ébranler cette bonne humeur, cette bonne humeur solide qui semble s’être installée pour de bon, s'être déposée comme un nuage blanc, pur et léger sur notre vie. Laury ne savait pas très bien d’où il venait, peut-être qu’une certaine "conversation" avec une certaine Ana lui avait ouvert les yeux sur certaines choses, ou peut-être pas. Mais il était très appréciable, ce nuage. Plus qu’appréciable, même. Revigorant...
     
    Grâce à lui, tout ce qui l’irritait habituellement lui était aujourd’hui presque précieux. Elle avait l’impression de chérir la vie d’une toute nouvelle façon. C’est ainsi que, contrairement aux autres jours, tout lui semblait être naturellement beau et lui faisait du bien. Même ce rayon de soleil aveuglant sur ses yeux , même le déploiement lent et douloureux de ses jambes sur ce drap rugueux, même le rire idiot de certains candidats au loin, même cette masse de cheveux roux qui l’empêchait généralement d’y voir clair. Tout était là, comme tous les matins, comme ces matins sombres où elle ne pensait généralement qu'à Henry. Tout était là, mais sous un autre jour.

    Premier pas au sol et c’est là que notre histoire commence. Au pied du lit, cette combi short noire. Pliée soigneusement, comme elle avait l'habitude de faire quand elle préparait ses habits de la veille au lendemain. Mais... noir. Croyant d’abord à une mauvaise blague, une hallucination, un défaut de jugement, un problème de vue, un daltonisme soudain, Laury cligna des yeux trois fois, les frotta avant d’oter cette tignasse de cheveux de ses yeux d’un revers de la main. Non, elle ne rêvait pas... Puis elle se souvint. Ce tissu était bien noir, le seul tissu noir qu’elle possédait, en fin de compte. Qu’elle ne portait jamais. Elle l’avait elle-même placé au pied de son lit le soir dernier, elle l’avait elle-même choisi, c’était son choix.

    Mais ce matin, elle le regrettait amèrement, ce choix. Elle n’avait pas envie de mettre du noir, pas aujourd’hui. Pas sous ce beau soleil. Est-ce que la Laury du passé voulait que la Laury du présent fasse une crise de nerf ? Surement, c’était surement à ça qu’elle avait pensé en posant cette combi short au pied de son lit. Ne démordant pas à la bonne humeur dans laquelle elle avait passé les premières minutes de cette journée, elle ramassa le vêtement et l’examina.

    L'habit était loin d’être hideux. En lui-même il était même parfait. Mais pas en noir. En jaune, en rose, en mauve, en rouge, en orange, en vert, mais pas en noir. Elle brandit le vêtement à bout de bras et elle sourit. Au travers des quelques détails au crochet, elle pouvait voir la chambre presque clairement. Elle resta donc là un instant, assise sur son lit à agiter son vêtement noir devant ses yeux. Dans d’autres circonstances, un autre jour, jamais elle n’aurait fait ça. Elle se serait contentée de piétiner la combi short noire, furieuse, pour aller chercher un T-shirt multicolore. Mais là, elle l’emporta avec elle.

    Douze pas jusqu’aux toilettes, comme tous les matins. Elle essaya de l’enfiler sans penser, mais une voix dans sa tête lui répétait sans cesse : "C'est noir, noir, Laury ! L'absence de couleurs, l'absence de gaieté. Laury, tu portes un vêtement noir, il n’y a pas de couleurs, strictement aucunes. Noir !" Elle se rappelait le jour où elle l’avait acheté, où sa mère avait dû appeler la vendeuse pour la convaincre qu'elle lui allait bien, pour la convaincre de la porter. Déjà à l'époque, la pauvre Mom s’était même proposé de la lui payer si elle acceptait de la porter au moins une fois. Elle ne l’avait jamais remise depuis cette fois, convaincue qu'elle portait malchance. Mais la journée avait trop bien commencé pour qu'il arrive quelque chose à nouveau. C'était juste un hasard. Un mauvais. Et puisqu’il fallait se transcender, elle allait se transcender.

    Seize pas jusqu’à la salle de bain, dans cette tenue. Quelques coups de brosse pour discipliner ses cheveux. Elle allait se brosser les dents après avoir déjeuné, c'était mieux. Elle eut, pour la première fois depuis des siècles, l’envie de prendre le temps de se maquiller. Enfin, prendre le temps d’appliquer le seul mascara noir bon marché qu’elle avait ramené. Un mascara probablement acheté dans une quincaillerie, vu l’absence de marque.

    Ou dans un drugstore, vu la façon dont il était écrit "Luscious Voluminous Lash Blast Mascara" partout autour pour remplir les espaces vides. Quelqu'un l'avait-il gouté pour qu'il soit qualifié de "luscious" ? Elle avait dû l’acheter en Californie surement, sans réfléchir. C’était la seule année de sa vie où elle s’était sentie différente des autres parce qu’elle n’était pas "coquette". Différente des filles de son lycée, de toutes ces américaines de dix-sept ans…
     
    Dix-sept ans ?! Mais c’était il y a 4 ans… Elle lâcha le mascarpone brutalement, le laissant rouler dans le lavabo au-dessus duquel se trouvait le miroir qu'elle utilisait. Le maquillage ne se périme pas, si ? Où est la date de péremption ? Pourquoi avait-elle emmené quelque chose d’aussi vieux avec elle ? Allait-elle perdre la vue ?

    Elle s’empressa de se rincer les yeux à l’eau, à défaut d'avoir autre chose sous la main. Simultanément, elle essayait de lire les inscriptions sur ledit mascara à la recherche d'une date, d'une indication quelconque. "Luscious Voluminous Lash Blast Mascara... Waterproof". Elle abandonna ses efforts et quitta la salle de bain, trop flemmarde pour chercher un disque de coton et le démaquillant adéquat dans les affaires des autres filles. Tant pis, elle restera comme ça et attrapera un cancer des cils. C'était la dernière fois qu’elle s’essayait au maquillage. Pour sur.
     
    Trente-sept pas pour se rendre jusque devant le frigo. Dieu que c’était loin. La brique de lait était là. Au frais, là où Laury l’avait laissée la veille, couchée à côté du saladier, contenant la reste de la veille et recouvert d’un emballage en cellophane. Comme il ne restait plus beaucoup de lait, il fallait qu’elle aille en mettre un nouveau frais pour ses colocataires.

    Dix-huit pour faire l’aller-retour du cellier au frigo. Elle n'avait croisé personne, personne n’avait encore vu qu’elle était vêtue de noir, et même s’ils le voyaient, ils ne seraient pas choqués. C’était le genre d’action qui ne pouvait choquer que sa famille, même pas ses amis, surtout pas des gens qu’elle connaissait depuis deux semaines. Seuls Pop, Mom et Jules savaient.
     
    Quinze pas supplémentaires pour se rendre devant la porte reliant la cuisine et le jardin, et un autre pas pour en franchir le pas. Lorsque l’air pur du matin vint lui caresser la visage, elle ne put s’empêcher de sourire. Nul besoin de scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour qualifier aujourd’hui comme étant et allant rester une belle journée. Et si le soleil tapait déjà aussi tôt le matin, cela voulait dire qu’elle allait probablement avoir trop chaud dans cette combi short noire qui attirait le soleil. Elle venait donc de se trouver une excuse valable pour aller se changer plus tard de la journée. Elle s’étira juste devant la porte, espérant que personne ne choisisse ce moment pour arriver. Mais pas de risque, car à part les rires qu'elle avait entendu tout à l'heure, la Maison était encore bien calme.

    C’est en voulant s’installer avec sa brique de lait sur les transats qu’elle entendit un mouvement venant de la piscine. Quelque chose bougeait dans l'eau. Quatre pas et elle l'aperçut au fond de l'eau. La sirène. Son corps et l’eau chlorée de la piscine se mêlait à la perfection. Un mélange certes hétérogène, mais une telle harmonie, une beauté indéniable... Et tellement d’émotion. Le corps et l’eau. La sirène et l’océan. Elle resta là un petit moment, admirative. Elle ignorait totalement si c’était le fait de s’être réveillée sous ce nuage blanc, pur et léger, ou si la scène qui se déroulait devant ses yeux était réellement féerique...

    Ce qu'elle ignorait également, c'était l'identité de cette jeune femme qui se baignait à moitié nue (beaucoup moins poétique tout à coup, désolée). Elle ne put cependant s’empêcher d’être attirée, comme un aimant. De ressentir cette envie pressante, ce besoin de la rejoindre. Non, pas dans l’eau, car très loin d’elle l’idée de venir polluer cette eau si bleue, si pure. Mais il fallait qu’elle y aille. Il fallait qu’elle lui parle, peu importe qui elle était. Elle parcourut les quelques mètres qui la séparait encore de la piscine, ne comptant même plus ses pas. Au diable la combi short noire, au diable Secret Story, au diable le lait. Il fallait qu’elle y aille, avant que la sirène ne s'éclipse.

    Elle vint s’asseoir nonchalamment au bord de la piscine en tailleur, la brique de lait posée à sa droite. Elle admirait maintenant ce spectacle enchanteur de plus près, un petit sourire au coin des lèvres. Une telle attitude lui aurait semblé tellement maladroite et presque perverse en temps normal, mais là, elle n'y avait même pas pensé. Quand la sirène sortit enfin la tête de l’eau, elle reconnut vaguement Fred'. Si elle avait su que la jeune femme allait lui offrir un tel spectacle, elle se serait levée plus tôt.

    Elle n’aurait pas perdu autant de temps dans la salle de bain avec ce mascara périmé, elle n’aurait même pas pris la peine de se coiffer, ni même de réfléchir aussi longtemps à cette combi. Elle serait venue ici directement, en pyjama s'il le fallait, pour assister au spectacle aux premières loges dès son commencement. Et soudain, la sirène lui sourit et la salua. Toujours enfouie dans sa fantaisie marine, Laury lui offrit elle aussi un large sourire avant de la saluer à son tour :


    Ola ! Smile

    Et son sourire ne s’en alla pas. Elle ne savait pas quoi dire d’autres tant elle était encore sous l’emprise de cet enchantement qui l’avait prise au dépourvu tout à l'heure. Elle ne réalisait pas que devant elle se tenait une candidate, seins nus. Une candidate qui allait peut-être être embarrassée qu’elle la voit ainsi. Qui avait même surement envie d’être seule, ce matin. Ce sourire béat toujours scotché sur le visage, il fallait qu’elle parle, mais elle pouvait, pas dans cet état. Cachant tant bien que mal son admiration et tous les sentiments qui s'étaient bousculés dans sa tête tout à l'heure, elle demanda, innocemment :

    Elle est bonne ?

    L’eau. L’eau, était-elle bonne ? Pas juste "elle est bonne", bon sang… Elle mit un temps fou, mais elle commençait à réaliser. Comme si elle se réveillait une seconde fois. Se réveiller d’un rêve magique. Elle réalisa que la créature était humaine. Que la "créature" était sa colocataire simplement venue pour se baigner en monokini. Il n'y avait pas de sirènes, il n'y en avait jamais. C'était juste une fantaisie... Laury parlait à Fred', Laury était simplement en train de parler à Fred'. Fred', sa colocataire, seins nus, et malheureusement pas Fred' la sirène.

    HG - 1840 mots. A toi : bazooka, inexorable, saphir, normand, collision. What a Face


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MessageSujet: Re: Défi pool [Laury]   Défi pool [Laury] Icon_minitimeJeu 8 Aoû - 21:00






Défi pool

Fred’. Laury.


Cet endroit. Cette maison. Cette place. Elle nous change. Je ne pensais pas que cela serait aussi flagrant. Je ne pensais pas que je changerai ici. Je n’avais aucune raison de changer. Je pensais que j’étais quelqu’un de correct, d’à peu près respectable. Je n’ai jamais rien fait de mal, à personne. Je n’ai jamais blessé, ni jamais tué. Je ne pense pas avoir fait souffrir quelqu’un dans ma vie, ou alors pas de manière volontaire. Je me pensais une personne respectable, mais cette maison, cet endroit, cette place. Cela remet tout en question. Mon prénom, mon nom, mon identité. Tout est remis en cause, tout devient étrange. Je ne sais plus qui je suis, je ne sais plus ce que je suis. Parce que tout est à refaire, tout est à recommencer. Venir dans cette maison, venir vivre cette aventure, c’était me confronter à une collision douloureuse entre mon passé exposé aux quatre vents, et mon avenir, pas encore tracé. Mon présent ne s’en est pas encore remis. Il ne sait plus où il est, attiré vers ce passé que je cherche à rejoindre, luttant pour ne pas y retourner, et ce futur qui me tend les bras, mais qui m’est inconnu.

Tout est remis en cause, remis en question. Ce sentiment ne me quitte pas tandis que je sens l’eau se glisser entre les pores de ma peau. Je ne suis pas cette fille à moitié nue dans la piscine, je ne suis pas cette sirène divine qui nage dans l’eau. Je ne suis pas cette personne, je ne sais pas qui je suis. Et je ne sais pas où je suis. Toutes ces relations fausses. Spoliées d’avance. On nous demande de mentir, de cacher. De se cacher. Et de se mentir à soi-même. Et à force de se cacher soi-même, on en perd sa propre identité. Comme lorsque j’étais enfant. Je suis à moitié moi, à moitié Sascha. A moitié elle, à moitié moi. Cette fille, les seins nus, ce n’est pas moi, c’est elle. Moi je ne suis qu’une autre, qui attend, cachée dans l’ombre, que son moment arrive. Et je la laisse nager, là, à ma place, dans l’eau. Montrer ses seins à la France entière. Si cela l’amuse, peut-être, moi cela ne m’amuse pas. À quoi en suis-je réduite ? Est-ce pour attirer l’attention sur moi ? Je n’ai pas pu me réduire à cela, quelle honte sur moi, non, je ne suis pas cette fille, pas celle qui joue la provocatrice pour attirer le regard. Je suis celle qui me cache sous les vêtements larges, et les couleurs fades.

Ici, tout est différent. L’eau que je sens me chatouiller les hanches me le rappelle assez. L’eau que je sens me chatouiller le dessous des seins me le rappelle assez. Et pourtant je ne regrette pas. cette eau, saphir brillant, c’est comme si c’était l’endroit exact où je devais être. L’endroit précis où l’on devait me trouver. Et rien ne me semble plus normal que ma présence dans cette eau. Et je ne regrette pour rien au monde d’avoir fait ce que je viens de faire. Et même le regard de cette jeune femme qui me fixe, même le regard de ma colocataire qui me fixe, même cela, ça ne me fait pas regretter. Rien ne semble pouvoir me faire regretter ce que je viens de faire. C’était trop bon.

Elle me salue. A l’espagnol. Ma tenue n’a pas l’air de la gêner. Je l’ai presque oubliée. Cette chose que je n’aurai jamais crue capable, je suis en train de le faire. Afficher mon corps ainsi. Ce corps que j’avais si souvent pris pour celui de Sascha. Ce corps que Jo avait confondu avec celui de Sascha. Ce corps qui m’écœurait après cela… Je l’affichais. Ouvertement. Et je m’en balançais comme de ma première chaussette. Et Laury qui me fixe, bizarrement. Sans raison. Avec ce sourire qui ne la quitte pas. Comment ça se fait qu’elle a ce sourire ? Sur elle ? En me regardant ? Il n’y a aucune raison de sourire en me regardant. Et je me demande pourquoi elle sourit comme cela. Si c’est mon corps qu’elle regarde. Alors je me regarde à mon tour. Mes pieds au fond de la piscine, mes jambes, mes cuisses, mon maillot de bains, mon ventre, cette petite bosse de graisse que je n’ai jamais réussie à perdre, mon nombril, mes seins, mes bras, mes mains, et mon reflet dans l’eau. Qui me fixe. Je me fixe. Dans l’eau. Et je me dis que ce que j’y vois n’est pas si désagréable en réalité. Cette bouche qui me sourit enfin en me regardant. Et ce sourire mesquin qui apparaît, moqueur, inexorable . Et d’un geste de la main, je fais trembler l’eau, pour que mon reflet s’efface.

Elle me demande si l’eau est bonne et je relève la tête, instinctivement. Elle semble gênée, je ne comprends pas pourquoi. Elle n’a pourtant rien fait de mal que de me poser une question. Je m’approche un peu plus du bord, m’éloignant de ce que j’ai vu dans l’eau, m’approchant d’elle.

Oui elle est bonne, très fraîche, sans être trop froide, enfin tu vois ce que je veux dire… elle n’est pas si chaude, mais elle n’est pas froide non plus pour autant… tu vois ?

Pas sure qu’elle voit. Pourquoi je n’arrive pas à être plus claire que cela, quand on me pose une simple question ? Il faut toujours que je sorte les mots plus vite que la musique, comme si je me mettais à tirer avec un bazooka sur une foule en délire. Alors je lui souris. Comme je peux. Pour éviter qu’elle ne me trouve bête. Pour éviter qu’elle ne me trouve stupide, et gourde. Ce que je suis. Trop souvent. Trop gourde. Parler. Il faut que je parle. Enlever le malaise de mon esprit en l’occupant à autre chose.

Tu veux me rejoindre ? Tu verras par toi-même comme ça si elle est bonne.

Puis mon regard fut attiré par la brique de lait à côté d’elle. Ce lait… Est-ce qu’elle sait que ce n’est pas bon pour elle ? Parce qu’elle est adulte et donc trop grande pour en boire ? Que son corps ne parviendra pas à utiliser le lactose qu’il contient et que cela peut lui provoquer de l’arthrose ? Est-ce qu’elle le sait tout cela ? Moi je le sais, et je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’elle se met en danger sur le long terme.

Il est bon ?

Je lance un coup d’œil vers la brique de lait, espérons qu’elle va comprendre de quoi je parle. Je m’approche encore du bord et pose les coudes dessus, croisés, pour la regarder. Je dois lui dire pour le lait. Mais en même temps, elle boit et elle mange ce qu’elle veut non ? Non ! Elle ne doit pas être consciente que ce n’est pas bon, il faut la prévenir. Mais si je la préviens, elle risque de se vexer. Comment je réagirais-moi si on me disait que le lait n’est pas bon ? Ben déjà je ne bois pas de lait, donc on ne pourrait pas me le dire. Fin de la discussion. Oui mais… FIN de la discussion j’ai dit.

Et je la regarde. En souriant, encore. Comme une idiote. Parce que je ne sais pas quoi faire d’autre. Alors je finis par sortir de l’eau, en prenant appui sur mes coudes, pour m’assoir à côté d’elle, fixant toujours sa brique de lait, même si je ne veux pas le faire. C’est inconscient. Mon esprit lit ce qui est marqué sur le devant du paquet. Pur lait de Normandie. Du lait normand ? (et je l’ai casé finalement aussi mouhahaha !) Ou du lait de vaches normandes ? Il y a du lait d’ailleurs ? Je ne m’étais jamais posé la question ? Mes connaissances culinaires sont donc encore limitées.

Tu ne devrais pas boire ça…

Et mince, je n’ai pas pu m’en empêcher, non mais quelle gourde ! Laisse-la donc boire ce qu’elle veut ! Comme si je voulais encore une fois faire mon intéressante ? Je ne pouvais pas la laisser tranquille non ?

Enfin si tu peux. Oublie ce que je viens de dire. Tu veux te baigner ? Tu aimes te baigner ? J’ai longtemps eu peur de me noyer, tu vois ? Quand j’étais petite ? Mais vu que je voulais devenir un poisson, et bien ça me motivait pour apprendre à nager. Tu sais nager ?[/color]

Et je parle, je parle, je parle, encore une fois, trop. Elle va me prendre pour je ne sais pas quoi, je devrais ajouter quelque chose, n’importe quoi, mais quoi ? Et puis tout à l’heure, je l’ai invitée à venir se baigner avec moi et je suis ressortie de l’eau, je suis complètement stupide. Et comme un besoin de me justifier, je la regarde, avant de regarder au loin, le mur du jardin. Celui qui nous tient prisonnier en réalité.

Excuse-moi, je suis bête parfois. Enfin pas que parfois tu sais. Tu penses que je suis bête ? … Oublie.. Tu sais, ici, j’ai parfois l’impression d’être dans une bulle. Ou une prison. Mais dorée. Tu vois ce que je veux dire ? on pense à notre secret tout le temps, peut-être, mais à côté de cela, on ne sait pas ce que les gens en pensent… dehors.. ce qu’ils pensent de nous, tout ça, on ne sait pas. et on reste là, à s’amuser, à vivre notre vie, ou en tout cas ce qu’elle est là, en ce moment, mais on ne pense pas que dehors, derrière ces murs, il y a des gens qui ont eux aussi une vie et qui nous regardent, et qui nous jugent. Je les voyais tout le temps au début, je ne voyais qu’eux, et maintenant je les ai oubliés. C’est comme s’ils n’existaient plus réellement, comme s’ils étaient… comme s’ils n’étaient plus vraiment là. Mais pourtant rien n’a changé. Je me suis juste habituée. Mon cerveau s’est habitué. Et ça me fait peur, tout ça, le fonctionnement du cerveau humain. C’est incroyablement impressionnant de savoir ce dont il est capable… et ça me fait peur ! Et ça m’a fait beaucoup changé, en fait, tout ça, vous, ici, les relations que l’on noue ensemble et… je crois que je ne me connais plus. Je suis redevenue étrangère à moi-même. C’est pour ça…

Je me montre du doigt, mes seins nus, mon torse nu.

Pour ça que je suis venue ici ce matin. Pour réapprendre à me connaître. Comme lorsque l’on met un bébé nu dans l’eau. Pour qu’il apprenne à maîtriser son corps. Moi je suis venue pour réapprendre qui je suis. Tu comprends ?

Et je refixe la bouteille de lait, avant de me mettre à frissonner. Je ne sais pas si c’est l’air, la discussion (ou plutôt mon monologue en l’occurrence) ou encore l’eau qui coule de mes cheveux le long de mon dos, mais je me mets à frissonner légèrement. Et je retourne dans l’eau de la même manière que j’en suis sortie. Comme si de rien n’était. Retourner là où je me sens bien. Mon élément.



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MessageSujet: Re: Défi pool [Laury]   Défi pool [Laury] Icon_minitimeDim 11 Aoû - 18:04





    Le plus dur quand on redescend sur Terre après une illusion, après ce genre d’illusions, ce n’est pas toujours de constater que la réalité est très différente de la fantaisie. De mesurer à quel point elle est décevante. De réaliser que tout n’était qu’un rêve et que le réveil sera brutal. Parfois, on est déçus, mais pas déçus de la réalité. On est déçus de nous-même, de l’étendue de notre bêtise. De notre naïveté. De toutes ces choses que notre esprit crée et qu’on ne contrôle pas.

    C’est pourquoi Laury n’était pas déçue que la réalité ne soit pas réellement sa fantaisie. Elle était déçue d’elle-même, de la façon dont elle s’était encore méprise... Mais pas déçue que Fred’ soit Fred’. Parce que, si elle n’était pas une sirène, elle y ressemblait. Elle en avait toutes les caractéristiques et Laury le comprit immédiatement. Qu’elle n’était pas venue voir une vraie sirène, mais une copie quasi-conforme.

    Poussée par cette fougue, cette même fougue qui avait rythmé les précédentes années de son existence, elle avait foncé tête baissée et la voilà face à cette femme qu’elle ne connaissait pas, avec ce sourire qu’elle ne connaissait que trop bien. Ce sourire provocateur qu’elle souhaiterait oublier à tout jamais, ce sourire qui l’avait attirée dans tellement de situations délicates auparavnt. C’était assez, il ne fallait plus s’y méprendre. Plus jamais, c’était une nouvelle règle.

    "Tu sais ? tu vois ? tu comprends ?... Tu vois ce que je veux dire ?". C’était ce que Fred répétait, comme pour ponctuer toutes ses phrases. Avait-elle réellement besoin qu’on la comprenne, qu’on sache, qu’on voit ? Ou n’est-ce qu’un tic de langage ? Quoi qu’il en soit, c’était des questions. Et il faut répondre aux questions, c'est la règle. Et il faut suivre les règles, c’est la règle numéro un. Et c’est ainsi qu’elle se mit à sourire, avant de hocher la tête et de mentir :


    Je vois, oui !

    Mais non, Laury ne voyait pas, elle ne savait pas et elle ne comprenait pas. Elle ne savait pas la différence entre "froid", "frais" et "pas si chaud". Elle ne comprenait pas du tout ce que sa colocataire voulait dire. Elle n’a jamais rien su et c’est pour ça qu’elle était là aujourd’hui. A cause de cette fougue, dont elle ne savait pas les conséquences. Mais elle aurait aimé savoir, elle aurait aimé que tout soit clair. Tout ce qu’elle a compris avec le temps, elle aurait aimé que ça soit clair avant. Pour éviter tout ça. Mais c’était trop tard.

    Non, elle ne voyait pas. Elle ne comprenait pas du tout et elle avait menti. Mais est-ce qu’il est encore trop tard ? Trop tard pour comprendre ? "Est-ce qu’il est encore trop tard pour faire partie de ta vie, Fred’ ? Est-ce que je peux encore faire partie de ta vie un petit peu, jusqu’à ce que je comprenne ta définition de froid, de frais et tous les autres mots ? Est-ce que je peux rester là encore un petit peu, jusqu’à ce que je voie ce que tu veux dire ? Ou bien est-ce qu’il est également trop tard pour ça ? Trop tard pour essayer ? Est-ce qu’il faut que j’arrête ?  Que je m’en aille et qu’on écrive sur ma tombe que "Laury nous a quitté trop tôt" ? D’ailleurs, est-ce que quelqu’un pourra aller rectifier et écrire : "Laury nous a quittés trop tard"… Tu ferais ça pour moi, Fred' ? Qui ferait ça pour moi ?" Personne.

    L’invitation de la jeune femme vint la tirer de cette étrange réflexion. Encore une fois, elle s’était méprise. Ce n’était pas la fin, pas encore. C’était le début de la journée et tout juste le début de leur relation. Tout allait bien, il y avait encore du temps, un petit peu de temps pour comprendre, voir et savoir. La rejoindre était une bonne idée et elle aurait accepté sans hésiter en temps normal. Mais pour ça, il fallait qu’elle retourne dans la maison. Elle n'avait plus le temps d'aller enfiler un des ces maillots de bain, c'était trop tard. Le vert ou le rouge ? Ou l’orange qu’elle adore. Ou celui avec les fleurs roses peut-être... Il fallait choisir, et ça aussi allait lui prendre du temps. Non, elle ne voulait pas partir pour se changer, c’était hors de question. Elle répondit donc poliment :


    Merci, mais je vais te faire confiance sur ce coup-là !

    Soudain, quelque chose semblait déranger sa colocataire... Alors qu'elle suivit son regard, elle redécouvrit cette brique de lait. Cette brique qu’elle avait apportée mais presque oubliée. Quand Fred' lui demanda "s'il était bon", elle s'empressa de saisir la bouteille, but une gorgée et hocha la tête, le sourire aux lèvres. Il était frais, exactement sa définition de frais. Mais apparemment, ce n’était pas tout. Alors que la jeune femme se rapprochait d’elle pour venir s’accouder au bord, elle sentait très bien que ce n’était pas tout.

    Fred' était maintenant sortie de l’eau et s’était assise à côté d’elle. Quelque chose d’autre la tracassait. Malgré son sourire, c’était quelque chose de plus important que le goût du lait. "Tu ne devrais pas boire ça…" Pas boire de lait, mais pourquoi ? Pourquoi ne l’avait-on pas prévenue de cette règle ? Etait-il encore une fois trop tard pour faire marche arrière ? Le lait était bon, chargé de tous ces souvenirs qu’elle avait collectionnés depuis le début de l’aventure, alors pourquoi ne fallait-il pas en boire ? Elle eut un petit rire avant de demander :


    Ah bon ? Pourquoi ?

    Elle était curieuse, elle voulait qu'on lui explique à nouveau ce qu'elle avait fait de mal, mais Fred’ avait continué à parler. Elle avait changé de sujet hâtivement. Elle était retournée au sujet de conversation précédent et avait posé des questions. Des questions, auxquelles il fallait répondre, c’était la règle : non elle ne veut pas se baigner, pas ce matin, mais elle aime se baigner, oui elle voyait ce que Fred' voulait dire en parlant de noyade, enfin non pas vraiment mais elle aimerait voir dans un futur proche, oui elle savait nager, mais elle n'a pas appris pour les mêmes raisons que Fred', elle a appris parce qu'ils habitaient à la mer et qu'elle voulait y aller avec son frère, mais elle aimait bien les poissons aussi…

    Rien d‘intéressant dans ces réponses, des réponses à des questions au lance-pierre, pour changer de sujet. Mais Laury ne pouvait pas y répondre. Elle allait encore enfreindre les règles, mais ce n'était pas à ces questions qu'elle voulait répondre. Elle voulait se justifier, s'excuser d'avoir bu du lait. Mais est-ce que Fred' comprendrait ? Si elle lui disait pourquoi, pourquoi elle buvait du lait, est-ce qu’elle comprendrait ou est-ce qu’elle maintiendrait son idée sur le lait ? Est-ce qu'elle lui pardonnerait ? C'était un risque à prendre. Elle fixait la brique de lait qu'elle tenait et se mit à expliquer, pour la jeune femme assise à côté d'elle :


    J’en bois pas beaucoup du lait, normalement. En fait, j’en bois beaucoup parce que je suis ici. Je change tout le temps, parce que j’utilise ma mémoire sensorielle. Je sais pas si ça parait stupide, mais il faut que j’aie des "souvenirs gustatifs" de tout, c'est pour ça que je bois beaucoup de lait, comme ça quand je reboierais du lait après tout ça, je penserais à Secret Story. Je change tout le temps, c’est jamais quelque chose de très bon pour la santé mais comme je change tout le temps, alors ça va, non ? Ici c’est le lait, mais avant ça c’était le beurre de cacahuète, et encore avant ça c’était le sirop de cassis... Et maintenant quand je mange du beurre de cacahuète, je pense à l'avant Secret Story, et quand je bois du sirop de cassis, je pense à l'avant-avant Secret Story. Et quand je boirais du lait, ça me rappellera tous les matins que j’ai passé ici. Y compris celui-là, ce matin. "Tu vois ce que je veux dire ?"... Mais après j’arrêterais de boire autant de lait, promis.

    D'un air penaud, elle avait reposé sa brique de lait et s'était mise à dévisager sa colocataire. Et son regard implorait le pardon. Pardon de briser encore une fois une règle, parce qu'elle faisait ça involontairement. Pardon de boire du lait, elle ne le refera plus... Elle voulait s'excuser, elle avait honte, honte de boire du lait et d'enfreindre les règles... Mais contre toute attente, c'était Fred' qui s'excusa... Et les mots qui suivaient ses excuses glissaient sur l’air comme des cheveux sur un oreiller en satin. "Merci."

    Elle parlait, sans s’arrêter, et une fois encore, Laury eut ce sourire benêt en l’écoutant. Comme à chaque fois qu’elle écoutait quelqu’un parler. Elle était enchantée, comme amoureuse des mots qu’elle entendait. Tous les mots. Même si ce n'étaient pas des mots rassurants, ni des mots joyeux. Ces mots qui pleuvaient sur elle étaient frais. Sa définition du "frais". Un frais agréable, comme celui de la pluie... "Alors toutes ces questions, on se les pose tous ici ? Je suis pas la seule ? Alors c'est la faute du jeu, pas la mienne..."

    Quand elle eut fini, Fred' retourna à l’eau. Trop occupée à chérir chacun de tous ces mots qu’elle avait entendus, Laury ne remarqua pas le frisson de la jeune femme et se mit à paniquer. Pourquoi s’en allait-elle ? Elle s'était habituée à cette proximité et voilà qu'elle s'éloignait à nouveau. Pourquoi ? Non, il fallait qu’elle continue à parler. Encore, jusqu’à ce qu’il fasse nuit. Jusqu’à ce qu’elle sache, qu’elle voie, qu’elle comprenne. "Non attend, je veux tout savoir alors reste là et explique-moi tout, parle encore"...

    Sauter dans l'eau pour la rattraper. Mais encore une fois, ces règles. Il fallait se baigner avec un maillot de bain, c'était la règle. Mais que ferait-elle si Fred’ disparaissait pendant qu'elle choisissait et mettait son maillot de bain ? C’était une urgence, personne n’a le temps de s’en aller enfiler un maillot de bain quand c’est une urgence. Et puis, elle avait un peu envie de rester habiller en noir. Parce que se changer serait briser les règles qu’elle s’est fixée elles-mêmes. Celle de rester habillée comme ça jusqu’à ce qu’il fasse trop chaud. Vite, il fallait qu’elle choisisse une règle à briser, tant pis.

    Elle sauta donc dans l'eau et se mit à marcher en direction de Fred'. C'était dur de marcher dans l'eau, chaque pas était lourd, mais l'eau était effectivement bonne, fraîche, sans être trop froide, pas si chaude, mais pas froide non plus... exactement comme Fred’ l’avait décrite. Elles avaient donc la même définition du "froid", du "frais" et du "pas si chaud", c'était génial. Mais encore une fois, Laury n'avait pas le temps de s’extasier, pas le temps, sinon il sera encore trop tard. Elle tendit la main et attrapa le poignet de sa colocataire doucement. Et elle se posta devant elle, toujours dans cet état de panique. Cette peur de perdre, la peur de la disparition. Il fallait qu'elle parle, qu'elle justifie son geste.


    Mais le problème... le problème c'est qu’on n’a pas d’agrafeuse ici. On a l’impression que c’est un autre monde, mais en fait c’est juste cette absence d’agrafeuse. On écrit l’histoire de notre vie sur des feuilles, pleins de feuilles volatiles. On a pas encore fini, mais ici on n’a pas d’agrafeuse, alors il suffit d’un coup de vent pour que toute notre histoire soit désordonnée. Alors qu’à l’extérieur, de l’autre côté des murs, il y en a pleins, des agrafeuses différentes, on a toutes les nôtres. Mais ici elles ne sont pas là, alors on les oublie un peu, mais ça veut pas dire qu’on doit s’arrêter d’écrire l’histoire. On trouvera un nouveau moyen d'organiser nos écrits. Est-ce que tu l'as trouvé ce matin, ta nouvelle agrafeuse ?

    Comme pour ponctuer ses dires, elle sourit. Un petit sourire niais, à l'image de cette comparaison, cette question, cette métaphore filée, cette explication, Dieu sait ce que c'était... Oui, c'était niais, mais c’était comme ça qu’elle aimait voir la vie. Croire qu'on nous a donné un stylo à la naissance, qu'on nous a un peu forcés la main mais qu'on l’a pris. Et avec, on est en train d'écrire l'histoire de notre vie, en ce moment même. Elle lâcha finalement son emprise sur le poignet de Fred' et la regarda, en attendant sa réponse. En attendant qu'elle parle encore. Elles étaient toutes les deux dans l’eau, Fred' presque nue et elle, toute habillée, en train de parler d'agrafeuses.


2097 mots (oups). Cafetière, Égypte, fermier, autruche, braconniers

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MessageSujet: Re: Défi pool [Laury]   Défi pool [Laury] Icon_minitimeJeu 22 Aoû - 21:06






Défi pool

Fred’. Laury.


Laury voulait faire bonne figure, ou du moins c’est l’impression qu’elle donnait. Comme si elle voulait absolument correspondre à l’image qu’elle pensait que j’attendais d’elle. Comme si elle voulait que j’attendre quelque chose de particulier de sa part. Mais je ne savais pas si j’attendais quelque chose d’elle, et puis quand bien ce serait le cas, je n’avais aucune idée de ce que j’étais en droit ou en devoir d’attendre d’elle. J’appréciais sa présence, pourtant quelque chose me déstabilisait énormément dans sa personne. Quoi, je n’en avais aucune idée, mais c’était bizarre. Et c’était là, présent. Plus présent que jamais. Et je ne pouvais pas enlever cette idée de ma tête. Au fond, je crois que j’aurai préféré qu’elle ne fasse pas tout ce qu’elle pensait que j’attendais d’elle. Je n’attendais pas de réponse à mes questions, ou tout du moins pas de réponse prononcée réellement, à voix haute, comme elle venait de le faire. Je voulais… j’espérais qu’elle me comprendrait. Et qu’elle n’aurait pas besoin de l’énoncer à voix haute pour me le dire. Parce que j’aurai simplement compris qu’elle avait compris. Ou peut-être que je voulais qu’elle réponde en fait. Je ne sais pas. Mais elle comprend. Donc tout va bien. Je me sens bien lorsque l’on me comprend, j’ai sans arrêt l’impression que l’on ne me comprendra pas, que l’on ne me comprend pas. Moi-même, j’ai bien souvent du mal à me comprendre, alors comment les autres le pourraient-il ? Alors qu’ils ne sont pas moi, et qu’ils ne sont pas dans mon esprit ? Et pourtant Laury comprenait. Ou faisait tout comme après tout. Peu m’importait, j’avais le sentiment qu’elle me comprenait.

Du coup, j’étais presque déçue qu’elle ne vienne pas dans l’eau avec moi. J’aurai bien aimé qu’elle vienne nager à mes côtés. Je ne sais pas pourquoi au juste, mais je crois que j’aurai apprécié. De la voir à mes côtés. Dans cette piscine. Comme cela, j’aurai été sure qu’elle comprenait, et que ce n’était pas une simple façon de parler. J’aurai été sure qu’elle disait ce qu’elle pensait. J’avais beau me dire que le fait qu’elle me fasse confiance était une bonne chose, mais j’aurai quand même aimé qu’elle vienne, c’est tout. Pour me sentir moins seule surement. Pour ne pas avoir l’impression d’être la seule à me sentir étrangère à moi-même, et à avoir besoin de se redécouvrir. Mais Laury n’était pas ce genre de filles, non. Elle, elle savait qui elle était, elle avait confiance en son physique et en sa personne. Elle assurait et en mettait plein la vue. Elle avait cette classe et cette allure que j’aurai tant aimées avoir, mais que je n’avais pas et que je n’aurai probablement jamais.

Elle but encore de son lait, directement à la bouteille. Et même si je savais que ce n’était pas bon, je la trouvais mignonne. Là en train de boire directement au goulot pour me prouver qu’il était bon. Mais il ne l’était pas. Elle buvait quelque chose qui allait détruire son organisme, sur le long terme certes, mais ça allait le détruire tout de même ! Elle allait se retrouver à avoir de l’ostéoporose en étant vieille. Parce qu’elle deviendrait vieille, c’était certain. Surement beaucoup plus que moi. Ou pas qui sait. Mais en tout cas, je n’aurais pas d’ostéoporose à cause du lait moi.

C’est dangereux pour la santé. Le corps humain n’arrive pas à fixer le lactose d’origine animal, qu’il y a dans le lait de vache ou d’autruche par exemple. Tu devrais boire du lait végétal, soja, amande, riz, ou autre, mais pas animal. Tu n’as jamais remarqué que nous étions les seuls animaux adultes à boire du lait ? Tu ne t’es jamais posé la question ? Et ne me dis pas que les chats en boivent, parce qu’à part le chat du fermier du coin, et ceux que l’on a chez nous, les chats de gouttière n’en boivent pas dans la nature. On a détourné leur alimentation normale et naturelle et c’est très mauvais. Il faut vraiment faire attention à ce que l’on mange, tu sais ?

Je sais qu’il faut faire attention, mais je me sens obligée de demander confirmation. Comme si elle savait. Elle ne sait pas vu qu’elle boit du lait, et vu qu’elle vient de me demander de lui dire pourquoi elle ne devait pas en boire. C’est donc qu’elle ne sait pas. Oui voilà, elle ne sait pas. Mais je demande quand même si elle sait. Pour avoir confirmation. Parce que je suis comme cela moi, jamais sure de moi, même quand je suis persuadée de dire la vérité. Jamais sure de ce que je raconte. Toujours ce besoin d’être rassurée, d’être calmée. Sauf que là, ce qu’elle me raconte sur le lait, au lieu de me calmer, cela ne fait que m’inquiéter. M’angoisser. Des souvenirs gustatifs ? Mais qu’est-ce qu’elle raconte ? Je ne comprends pas, cette histoire de mémoire sensorielle, ce besoin d’avoir un goût lié à un souvenir ? Synesthésie ? A part ça, je ne vois pas ce que cela pourrait être. Est-ce que c’est son secret, et est-ce que cela a quelque chose à voir avec son secret ? Et j’essayais de me rappeler si cela m’était déjà arrivé, si j’avais déjà moi aussi lié un souvenir à une sensation, à un souvenir gustatif ? Quel souvenir pouvait être lié à la nourriture ? Quel souvenir est-ce que j’avais lié à la nourriture, ou à une nourriture en particulier ? Tout me revenait en tête. Elle avait raison. Les souvenirs gustatifs. Tout me revient. Et mon visage qui se ferme, involontairement. Juste parce que je pense à ce que j’ai pu lier à tel aliment. Ça revient. Quand je repense à la sensation de boire du lait, je repense à Jo. Et puis je repense à la sensation de manger un gâteau au chocolat et je repense à Sascha. Et puis je repense à la sensation de manger de la crème chantilly et je repense à Stéphane. Et quand je repense à la sensation de manger ce lard fumé, je repense à mes larmes qui inondent mon visage. Et je repense à cette douleur dans mon corps. Et à cette douleur dans mon âme. Et à ce besoin, inexplicable, inextricable, de me détruire. Et une larme perle à mon œil droit. Une seule. Qui ne coulera pas, parce que je l’en empêcherai. Je me fais le braconnier de mes larmes, je cherche à les exterminer, à les monnayer. Je ne veux pas qu’elle me voit pleurer. Elle ne comprendrait pas. Elle a raison. Entièrement raison. Et je comprends parfaitement. Juste par l’imagination, je comprends. Alors si je le vivais… Maintenant je penserai à Laury, oui il fallait que je remplace cette image par celle de Laury, juste celle de Laury. Ce moment partagé autour de la piscine, rien d’autre. Voilà, quand je mangerai, n’importe quoi, je penserai à Laury et à ses souvenirs gustatifs, et je ne penserai plus à ce que je venais de penser. Oui voilà. Ça serait bien. Si bien en fait. Et là, j’avais enfin le sentiment qu’elle me comprenait. Et que je la comprenais. Qu’un lien venait de se tisser, invisible. Au-dessus de nos têtes. Que l’on serait ensemble, dans cette bulle de compréhension mutuelle. Je pouvais déjà voir cette compréhension au-dessus de nous, je la voyais.

Je pensais. Mais j’avais tort. Alors qu’elle m’attrape le poignet, j’ai envie de m’en aller. Qu’elle lâche ma main. Ce contact qui me fait frissonner, je n’ai jamais aimé que l’on me touche. J’ai le sentiment qu’elle veut m’aider et je refuse son aide. Je ne veux pas de sa pitié. Et ses mots qu’elle baragouine. Ces choses incompréhensibles qu’elle me raconte. Je n’y comprends rien. Je ne sais pas de quoi elle me parle, et j’ai aussitôt le sentiment qu’elle ne s’exprime pas à moi. Je me tourne, jette un regard derrière moi pour voir qui se trouve là, mais il n’y a personne. C’est donc bien à moi qu’elle parle, d’autant qu’elle tient toujours mon poignet. Et qu’elle me fixe. Mais pourquoi elle dit cela ? Pourquoi, alors que je me suis confiée à elle sur des choses qui me tenaient à cœur, elle me raconte des choses incompréhensibles ? Serait-elle en train de se moquer ? De se moquer de moi ? Il n’y a pas d’autres solutions. Son contact me devient alors clairement insupportable, aussi insupportable qu’une brulure pourrait l’être dans le grand désert d’Egypte. Ce sentiment qu’elle me brûle en me touchant, parce qu’elle se moque de moi. Parce qu’elle ne m’a pas prise au sérieux. J’ai beau me dire que ce n’est pas ça, mais sa manière d’agir, de sauter dans l’eau entièrement habillée alors que je suis à moitié nue. Cette façon de me faire face, en position de défi, de menace, cette façon de me regarder, de parler d’un ton solennel, surement celui que j’avais du employer tout à l’heure. Je me retrouve face à un miroir, et comme ils l’ont toujours fait, les miroirs me donnent une image bien piètre de moi-même. Et je la regarde, je l’interroge du regard, je cherche à comprendre. Je jure devant Dieu que je cherche à comprendre son histoire, que j’essaye de trouver une autre explication, mais c’est trop tard. L’idée s’est déjà ancrée en moi, tel un virus, et ne veut plus s’en aller. Elle ne s’en ira plus je le sais bien, pour avoir si souvent regardé le film Inception. Je savais que jamais elle ne partirait plus cette idée. Qu’elle resterait là, ancrée en moi, pour toujours. Laury venait  de se moquer de moi. L’idée était si simple, si évidente en réalité. Et je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas, je ne pouvais pas comprendre. Je me sentais trahie, rejetée, sale, salie. Détruite. Je pensais qu’elle me comprenait, que je la comprenais. Mais la compréhension n’avait été qu’une illusion. Et venait de s’envoler.

Je n’ai jamais eu d’agrafeuse.

Ma voix qui se brise, je la voulais pourtant ferme. Je voulais lui dire que ce qu’elle venait de dire n’avait aucun sens, qu’elle s’était bien foutue de ma gueule, que je la détestais de m’avoir singé de la sorte. Mais je n’arrivais pas. Je voulais lui demander de me lâcher, mais je n’en ai pas eu besoin, elle l’a fait d’elle-même. Et je me sentais enfin libre de reculer. De quelques pas. Mettre de la distance, pour comprendre quelque chose. Refouler toutes les larmes qui montaient. Je devais les empêcher de s’en aller, les empêcher de couler. Encore une fois les laisser à l’intérieur. Laury ne devait rien voir. Alors mes pas m’éloignent d’elle, parce que je n’ai pas le choix. Je dois m’en aller, m’éloigner. Juste un peu. Un mètre, à peine. Pour éviter les moqueries trop proches. Comme si le fait de la savoir si proche après ce qu’elle vient de faire, c’était insupportable.

Et je n’ai rien compris à ce que tu viens de dire, et je suis désolée parce que j’aurai vraiment préféré que ce soit toi qui soit mon souvenir du lait, mais ce n’est pas toi, parce que c’est Jo, mais j’aurai préféré que ce soit toi, vraiment et maintenant je sais que je ne serai plus ton souvenir du lait, parce que je t’ai dit de ne plus en boire et parce que je t’ai dit des choses que je pensais vraiment et parce que tout ça, ce n’est pas vrai. Et je suis désolée parce que je ne comprends rien Laury, je ne comprends rien de ce que tu me racontes et je pensais que tu me comprenais, et que je te comprenais, mais ce n’est pas le cas apparemment, et pourtant je t’aime bien tu sais, et je ne veux pas que tu te moques de moi comme tu viens de le faire, parce que ça me fait du mal tu sais ça Laury. J’ai besoin qu’on me rassure, qu’on me comprenne, tout le temps, et je sais que c’est pénible et que je suis plus que prise de tête, je le sais tout ça, mais c’est à cause du souvenir du lard et ça m’a changé et depuis, et bien je ne sais pas, je ne sais plus. Ce que je dois faire, ce que je dois dire, où et comment. Et là, je sais encore moins. Ici face à toi. Je ne sais pas, et j’en suis désolée Laury, j’aurai vraiment voulu savoir. Et je suis parfaitement consciente que là, je parle pour ne dire que des bêtises, parce que je ne comprends pas ce que moi-même je suis en train de dire, parce que je ne comprends pas ce que je suis en train de vivre, tu comprends toi ? Est-ce que tu comprends ce qui se passe ici, dans cette maison ? On va tous devenir fou, hein Laury, on va tous devenir fous, j’en suis sure, et ça me fait mal de me dire ça, parce que je ne veux pas, mais quand je t’entends parler là, d’agrafeuse, et ben je me dis qu’on devient tous fous, et toi la première. Mais n’aie pas peur de devenir folle, parce que la grande majorité des gens biens le sont.

Il n’y avait rien d’autre à ajouter que cela, si ? Et je me rends compte que j’ai soif, très soif, d’avoir parlé de tout cela. Et je me rends compte qu’il n’y a rien à boire autour de nous que l’eau de la piscine et l’eau de la piscine ne se boit pas. Il y a aussi la cafetière dans la cuisine, la brique de jus d’orange, et la bouteille d’eau pétillante. Mais c’est beaucoup trop loin. Et pourtant il faut que je boive. Alors je m’approche du bord, en quelques mouvements à peine. Et j’attrape sa brique de lait, quasiment vide. Et j’en bois la fin. Et je me fiche que cela ne soit pas bon pour mon corps, j’ai juste besoin de supprimer le souvenir de Jo et de le remplacer par celui de Laury. Juste cela. Un visage à la place d’un autre. Parce qu'elle comprendra.



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MessageSujet: Re: Défi pool [Laury]   Défi pool [Laury] Icon_minitimeLun 2 Sep - 17:07





    Trop souvent, Laury n’avait pas écouté. Elle avait cru tout mieux savoir que les autres, elle avait pensé s’en sortir sans eux. Trop souvent. Elle pensait qu’il n’y avait pas de risque, elle pensait que ça n’arrivait qu’aux autres. Elle ne les avait pas écoutés, tous ces conseils, toutes ces mises en garde. Elle ne s’en souvient même plus, elle était ailleurs. Loin, trop loin, beaucoup trop loin, et maintenant, elle en paye le prix fort. Elle ne se souvient même plus du lieu dans lequel ces phrases de mises en gardes ont été prononcées. Elle était ailleurs, comme si ce n’était pas ses oreilles qui les avaient entendues… Arrogance.

    C’est pour ça. C’est pour ça qu’aujourd’hui, elle écoute tout et elle retient. "Dangereux pour la santé. Corps humain n’arrive pas à fixer le lactose d’origine animal. Lait végétal, soja, amande, riz, ou autre. Mais pas animal. Seuls animaux adultes à boire du lait. Chats de gouttière n’en boivent pas dans la nature. Détourné leur alimentation normale et naturelle. Très mauvais. Il faut faire attention à ce que l’on mange." C’est imprimé, maintenant ça n’arrivera plus… Ou du moins, elle l’espère.

    Une chose était sûre, elle ne savait rien de tout ça, de toutes ces choses que Fred’ avait débité sans même avoir besoin de réfléchir. Elle eut un instant où elle se sentait minuscule et ridicule. Envie. Elle était envieuse de son savoir. Mais surtout de ces petites étoiles, ces étoiles minuscules dans ses yeux, mais tellement visibles, même de là où elle était. Les étoiles qu’elle n’aurait jamais, parce que jamais elle ne sera aussi convaincue, de quoi que ce soit. Parce qu’encore une fois, elle ne savait rien, alors elle ne pourrait jamais rien apprendre à qui que ce soit, elle. Petitesse. Inculture.

    Laury, elle ne savait rien. Elle ne savait pas que le lait était mauvais, elle trouvait ça bon, elle ne savait rien de tout ça, de toutes ces choses que Fred’ avait dite, elle n’avait pas cette sagesse qui donne envie de s’incliner sur le champ... On ne lui avait jamais dit tout ça, pourquoi l’apprend-elle aujourd’hui ? Et pourquoi de la bouche de Fred’ ? Indignement. Puis à nouveau, elle se souvint à quel point elle était misérable. Parce qu’en fait, on lui avait déjà dit tout ça, mais elle n’avait rien écouté. Elle savait qu’elles avaient déjà été prononcées, toutes ces phrases qu’elle a retenues aujourd’hui. Elle le savait déjà, au fond. Mais elle buvait du lait quand même.

    Mais pour qui se prenait-elle ? Même si maintenant, elle écoute et elle retient, ça ne suffira pas, elle le savait pertinemment… Elle n’y croyait pas, et pourtant, quelque part, elle espérait que ça suffirait à compenser. A compenser toutes ces fois où elle n’en a fait qu’à sa tête, compenser tous ces conseils qu’elle a ignorés, compenser tout ce qu’elle avait appris sur ces gens qui lui sont maintenant inconnus, mais qui ont existé. Malheureusement. Elle espère que ça compensera, qu’on lui pardonnera et que tout redeviendra comme avant. Naïveté. Imbécilité.

    Mais c’était comme ça, maintenant. Chaque mot prononcé était imprimé. Même les deux derniers, même "tu sais ?". Fred’ l’avait encore dit et Laury l’avait encore remarqué. Mais cette fois, il l’avait irrité, ce "tu sais ?". Il l’avait irrité plus que de raison. "Oui je savais, mais quand je t'ai demandé, non je ne savais pas. Je ne sais rien, tu le sais très bien alors arrête de me demander !". C’était ce qu’elle avait envie de crier. Pourquoi continuait-elle à lui demander ça, si elle savait pertinemment que la réponse était non ? Était-ce amusant de la voir minuscule, ridicule misérable et petite ? Son indignement refait surface et la force à répondre, d’un ton neutre, mais presque sec.


    Est-ce que le lait de soja a le même goût que le lait de vache ? Parce que si non, je pourrais pas arrêter de boire du lait de vache, tant pis pour les maladies, tant pis si c’est contre nature. Je peux pas changer mon souvenir gustatif à ce stade du jeu, ça chamboulerait tout.

    Insolence. Encore une fois. Elle s’en voulait d’avoir dit ça comme ça, elle regrettait. Ses paroles qui contredisent sa pensée. "Tant pis pour les maladies" ?! Vraiment ? Mais pour qui, pour qui se prenait-elle ?! Elle la détestait. Cette Laury qui parle et qui agit, elle la détestait, encore plus qu’elle ne déteste Henry. La Laury qui réfléchit a l’air beaucoup plus mesurée, depuis qu’elle existe. Et puis, s’il n’y avait que cette Laury mesurée, elle ne serait pas ici. Pas du tout. Elle n’aurait rien fait de tout ce qu’elle a fait jusqu’à présent. Elle n’aurait pas eu de raison de participer à cette émission parce qu’Henry ne serait pas là, elle n’aurait pas dit tout ce qu’elle a dit, elle n’aurait même sauté à l’eau. Impulsivité.

    Cette impulsivité qui jaillit sans cesse et de nulle part, cette impulsivité qu’elle ne contrôle pas... Cette impulsivité, c’est celle de la deuxième Laury. Celle qui a mérité Henry, celle qui aurait mérité pire qu’Henry. Et pourtant c’est la Laury réfléchie qui paye le prix fort pour l’autre Laury, la Laury sale… Lâcheté. Non, c’est n’importe quoi. Il n’y a pas [s]deux[/s] Laury. Parce qu’on est tous tout seuls. Parce qu’on est tous seuls et parce que, de toute façon, il était clairement trop tard pour essayer de déculpabiliser. Ca ne changera rien. Décider d’obéir aux règles ne changera rien non plus. Parce qu’Henry est déjà là…

    Et tout à coup, une vague d’émotions toutes nouvelles prit possession de son corps. Instabilité. Elle tournait comme une girouette. Perdue dans cette réalité, dans toutes ses règles, dans toutes ses émotions mélangées, dans cette conversation plus qu’étrange, perdue, comme une girouette au milieu des vents. Elle était énervée, maintenant elle se sentait bien. Elle était contente. Contente de réaliser que Fred’ avait pris le temps de lui dire tout ça, de lui expliquer tout ça sur le lait, d’avoir eu envie de lui apprendre quelque chose, quelque chose d’important. A elle. A elle... Malgré Henry, malgré l’autre Laury.

    Elle était impressionnée aussi, de nouveau. Impressionnée par le savoir de Fred’, parce qu’elle savait des choses qu’elle ignorait, ou qu’elle avait oublié… Parce que son cerveau était surement rempli de pleins d’autres choses comme ça, des choses épatantes. Alors c’était définitif. Laury arrêterait de boire du lait de vache et Laury devait respecter Fred’, parce que Fred’ savait plus de choses que Laury. Parce que c’est comme ça que ça marche, pas vrai ? Elle n’en savait rien, elle supposait. C’était plus facile quand il n’y avait pas toutes ces règles, quand elle ne savait rien du tout, quand elle ne se posait pas toutes ces questions, elle n’en avait rien à faire de blesser. De brûler. C’était plus facile avant…

    Oui, vraiment plus facile. Depuis qu’elle était venue s’assoir au bord de la piscine, elle avait ce sentiment qui la rongeait. Corrosif. Sentiment de fausseté. Corrosive. Elle enchainait les erreurs, les fautes. Tout ce qu’elle faisait et disait était incorrect, faux, sale. Tout ce qui lui semblait juste était en fait faux. Tout sonnait faux. L’eau, cette réflexion ridicule sur les agrafeuses, le ton sur lequel elle a dit qu’elle ne pourrait pas arrêter de boire de lait... Elle sonnait faux, elle était fausse. Discordance. C’est égoïste, mais elle aurait aimé que les choses soient justes. Que tout soit juste. Mais pour l’instant, la seule chose vraiment juste était le corps à moitié nu de Fred’ qui s’en allait, qui s’éloignait, se retournait et la laissait seule. C’était juste, mérité. Elle avait bien agi, elle était juste. Et Laury était fausse, elle était seule...

    Seule. Cette solitude au milieu de l’eau, infiniment nombreuse. Tellement d'eau et seulement deux Laury. Cette solitude qui la force à se rendre compte que l’eau n’est vraiment pas son élément. Cette solitude qui lui fait remarquer ces vêtements, collés à son corps. Cette combi short noire comme des mains, collées. Posées sur elle à des endroits où elle ne veut pas qu’elles soient. Comme toutes ces paires de mains qui s'étaient posées sur elle à tous ces endroits... Elle étouffait, elle avait envie de sortir de l’eau immédiatement, de fuir ces mains. Elle se sentait souillée, pour la première fois depuis longtemps. Le souvenir de ces mains qui la touchaient. Étouffant.

    Étouffant. Mais elle était seule, pourtant. Parce que Fred était juste et qu’elle s’en était allé, qu’elle lui avait tourné le dos. Surement parce que Laury l’avait encore blessée. Brûlée. Sans s'en rendre compte. Sa punition continuait. D’abord Henry, maintenant la solitude. Insoutenable. Sa punition, pour cette spontanéité qui ne lui appartient même pas, même plus. Elle n’avait plus envie d’être dans l’eau, plus envie d’être touchée. Plus rien ne la motive, plus personne. Et elle étouffe.

    Et ces mots qui viennent l’achever, qui continuent de l’étouffer. Toutes ces phrases que Fred’ prononçaient et le cerveau de Laury qui s'était comme arrêté sur ces deux questions. « Tu comprends toi ? Est-ce que tu comprends ? ». Encore et encore, coup de poignard droit dans le cœur, le même problème qu’avant. Des questions auxquelles elle doit répondre, parce qu’il faut répondre aux questions. Des questions auxquelles elle ne veut pas répondre, elle ne veut plus que l'eau la touche. Parce que c’en était trop, il fallait qu’elle avoue, qu’elle crève l’abcès, qu’elle respire. Elle n’était plus capable de mentir encore une fois. Alors elle s’écria, piteusement :


    Non, je comprends pas ce qui se passe dans cette maison. Et toi non plus, je te comprend pas, d’ailleurs. Tout à l’heure, j’ai menti. Je te comprends pas non plus. Désolée. Je suis désolée. Je suis juste désolée... D’avoir menti.

    Baisser les yeux, encore. Honte. Quand on est tellement pitoyable qu’on ne peut même plus faire face à un dos, à quelqu'un qui nous tourne déjà le dos. Avouer avoir menti, avouer avoir volé une cerise du cerisier du voisin. La plus rouge, la plus flamboyante, la plus détestable. Avouer avoir pêché. Péché de chair. Tricherie. Puis la réponse à cette tirade arrive, après la honte. En retard. Les mots montent, tous seuls. Ils viennent de son cœur, mais ils sont arrivés à son cerveau pour une fois sans passer par sa bouche. Parce qu’elle les a retenus. Elle a essayé de les empêcher de sortir parce qu’ils sont arrivés trop vite et qu’elle n’a pas encore eu le temps de les analyser, de se demander s’ils sont bons à dire, ou s’ils vont encore blesser. Brûler. Alors elle les prononce intérieurement, pour elle-même. Un par un.

    Mais je me suis jamais moqué de toi, je ferais jamais ça Fred’ je te le promets. J’ai même cru que tu étais une sirène tout à l'heure, pourquoi je me moquerais d’une sirène ? C’est juste que je ne sais rien, alors j’ai essayé de dire quelque chose d’intelligent, mais mon intelligence se réduit aux agrafeuses, et à quelques autres réflexions sur les animaux et le pouvoir politique. Moi, tout ce que je veux, c’est comprendre. Juste savoir, parce que j’ignore tout. Et j'ignore encore si tu vois la même chose que moi, et ça, ça m’angoisse plus que tout. Je sais pas ce que je vois donc j'aimerais savoir ce que tu vois, pour savoir si c'est la même chose que moi. Non pas parce que je te sens différente de "moi" - même si "moi", c’est personne-, mais parce que toi, tu as des étoiles dans les yeux. Ces microétoiles dans tes yeux quand tu m’as expliqué pour le lait, je veux les voir encore et encore. Alors s'il te plaît, explique-moi d’autres choses. Même si je sais que je suis bancale et que je le mérite pas, j'aimerais vraiment revoir ces étoiles.

    Toutes ces choses qu’elle pense mais qu’elle pense qu'elle ne dira pas. Ou peut-être qu’elle les a déjà dite, en fin de compte. Tout bas, très bas. Piteusement bas… Elle ne s’en souvient pas. Mais elle savait que Laury n’était pas encore capable de prouver, de dire ce genre de choses, alors elle reste là. Muette. Elle avait vraiment grandi de la mauvaise manière. Si elle avait été capable de prouver, de dire tout ça, tout ce que l’autre Laury pense, alors elle n’aurait pas fait tout ce qu’elle a fait, c’était sûr et certain. Et peut-être que Jules n’aurait pas eu à lui dire qu’il était fier d’elle. Il l’aurait juste pensé, et ça aurait suffi. Comme avant qu’il soit au courant pour Henry. D’un clignement d’yeux, elle refoule des larmes ridicules. Des larmes qui, si elles étaient sorties, n’auraient fait que de confirmer à quel point elle est pitoyable.

    Soudain, elle se rendit compte qu’une telle réflexion, qu’un tel état, l’avait distraite et qu’elle ne les avait pas encore enregistrés. Toutes ces informations sur Fred’. Ça ne lui prendrait pas longtemps, parce qu’elle était maintenant habituée à imprimer tout ce qu’elle entendait, toutes les choses qu’on lui disait, comme une éponge. Et puis parce que ce moment était important, il comptait ou il allait compter plus tard, il fallait qu’elle s’en rappelle. Et puis, elle espérait toujours compenser un jour… Elle enregistrait tout, même "souvenir de lard". Tilt. Personne ne connait les souvenirs gustatifs des autres. C’est quelque chose à quoi on pense, nous, nous seuls, dans notre tête, quand on mange ou boit.

    Indescriptible et personnel, comme ce qu’on ressent devant un beau coucher de soleil. Ou même devant un champ de fleurs. Un magnifique champ de tulipes. Rouges. Flamboyantes. Détestables. On a tous nos souvenirs et il ne faut pas les raconter, on peut les évoquer, mais pas les raconter, c’est la règle numéro un. Et pourtant, l’envie de demander à Fred’ de lui raconter son souvenir de lard est brûlante. Son souvenir de lait, et tous les autres souvenirs aussi. Mais ça allait encore la brûler et il ne faut pas briser les règles. Et puis, l’important n’est pas là. L’importance, c’est qu’elle aussi. Elle a aussi des souvenirs gustatifs. Elle aussi…

    Mouvement dans l’eau venant la tirer de sa réflexion, brisant le silence qu’elle a instauré involontairement. Juste parce qu’elle ne savait pas si elle pouvait parler ou non, ce qu'elle pouvait dire et ce qui brûlait. Mouvement dans l’eau lui empêchant d’avoir une autre réaction démesurée à ce mystérieux souvenir de lard. Mouvement dans l’eau, indiquant que la sirène se déplace… Quand Laury eut enfin le courage de lever les yeux, elle vit Fred’. Fred’ une bouteille de lait à la main. Fred’ en train de boire du lait, de vache, au goulot. Ce lait qu’elle avait encore oublié et que Fred’ était en train de vider... Elle demanda, d’une petite voix étouffée, parce qu’elle parlait après une longue période de silence. Innocence enfantine.


    T’as tout bu ?

    Et tout à coup, Laury éclata de rire. Pression relâchée. "Elle aussi..." Fred’ vient de boire tout son lait. Elle a failli pleurer, elle a menti, elle a étouffé. Elle est arrogante, envieuse, petite, inculte, misérable, indignée, naïve, bête, insolente, impulsive, lâche, instable, discordante, honteuse, tricheuse. Mais là, cela lui est complètement égal. Parce que Fred’ a bu tout son lait. Parce qu’elle aussi. Elle aussi, elle désobéit. Elle aussi… Elles sont pareilles, alors elle rit. Elles ont des souvenirs gustatifs douloureux, mais elles continuent d'y crois. De boire du lait, malgré les maladies et malgré toutes ces autres raisons qu’elles auraient de ne plus en boire. Comme c’était beau...

    Les larmes coulaient enfin, mais c’étaient des larmes de rire. Un rire sincère, vraiment sincère. Elle-même l’entendait, cette sincérité. Et pourtant, les mots imprimés résonnaient dans son cerveau. "Je ne veux pas que tu te moques de moi". Même si ce n’était pas un rire moqueur, même si ça n’avait rien d’un rire moqueur, même si elle ne s’était jamais moquée d’elle, son rire s’éteignait peu à peu. Pour la rassurer. Se transformer progressivement en sourire. Sourire toujours aussi sincère. Pour la rassurer, elle déclara, encore un peu haletante :


    Pardon, j’aurais dû t’en proposer tout à l'heure, c'est impoli. Mais je savais pas que t’avais soif.

    Peut-être que ça blessera et brûlera encore, Laury n'en savait rien. Mais elle aussi... alors tout ira bien.


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