Je ne peux pas me taire plus longtemps, il faut que ça explose, que tout le monde sache. Dedans, dehors, partout. Je veux que ça ait un impact sur les gens. La vérité. Celle que personne ne veut entendre, ne veut connaître, ne veut comprendre. Cette vérité là. Celle qui vous fait vous réveiller en pleine nuit. Je veux le dire. Je dois le dire. Mais pour ça il n’y a qu’un endroit. Je veux être seul pour le dire, je ne veux pas de regards directs sur moi. Et il n’y a qu’une seule pièce de la maison où je peux faire ça. Le Confessionnal.

Je pousse la porte doucement, je ne veux pas que quelqu’un me voit rentrer dans cette pièce. Après les rumeurs circulent. Pourquoi il est rentré dedans ? Il est en mission ? Tous vos geste sont épiés, analysé. Ils déduisent des choses. Des choses qui n’existent pas. Tout ça parce que tu es rentré dans le confessionnal.

Mais je n’étais pas seul. Encore. Toujours, il y a toujours un habitant dans une pièce. Pourquoi ? C’est une mission collective ? « Ne jamais laisser Ryan seul dans une pièce » ?

Je me retrouvai devant Snow White. Elle dormait. Elle n’attendait que son prince. Enfin dans le cas présent sa princesse. J’étais devant une Fred endormie sur le fauteuil. En boule. Tu vas avoir affreusement mal au dos Fred, tu le sais ?

Je voudrai la réveiller, l’amener dans un lit et sous une couette. Ici ce n’est ni confortable, ni l’endroit pour une sieste Snow. Bonne idée, la porter, lui faire continuer son rêve et elle se réveillera dans un lit. Elle prendra peur et criera qu’on l’a kidnappé dans son sommeil. Non, vraiment, c’est la meilleure idée que tu as eu dans ta vie Ryan. Tant pis, je lui expliquerai après.

Je me penche sur elle, commence à étendre mes bras pour la porter mais elle ouvre soudainement les yeux. Oups ? Elle se met à hurler. Je n’ai jamais entendu un cri aussi strident. Arrête je t’en supplie. J’essaie d’établir un contact visuel, comme pour la rassurer, ce n’est que moi, Ryan. « Tu m’as fais peur ! ». C’est vrai que moi je n’ai pas eu peur du tout à t’entendre crier !

Je m’approche doucement d’elle, à pas de loup. J’ai l’impression de m’approcher d’un chiot apeuré, recroquevillé dans son coin. Je me plante devant elle, et la prend dans mes bras. Juste ça. Je sais ce que c’est que de se réveiller en hurlant. D’avoir l’impression d’être observé dans son sommeil. Je ne le souhaite à personne. Il n’y a qu’un remède pour extérioriser sa peur.

- Je m’excuserai après pour t’avoir fait peur. Mais pour le moment, hurle. Comme jamais tu n’as hurlé. S’il te plaît Snow.

J’aurai l’impression d’hurler avec elle. Comme si ma peur, mon pourquoi j’étais venu ici à la base, sortait aussi. Comme pour le révéler au monde entier.

Elle résiste, pourquoi elle résiste ? Je lui fais peur ? Je ne suis que Ryan. Je ne fais pas peur normalement. Au contraire, je fais sourire, rire. Mais pas peur. Ah moins que… Oh mon dieu. Fred ne m’aime pas. Elle me déteste, au point de refuser un contact physique avec moi.

Comme pour confirmer mes dires, Fred commence à me frapper dans le dos. Pas de tapes amicales. Non. Elle me frappe de ces petits poings. Je vais avoir des bleus demain. Plein de petits bleus. Pourquoi ? Parce que j’ai voulu réconforté quelqu’un qui ne m’apprécie pas. Je voulais juste qu’elle se sente mieux après son cauchemar.

« Je ne veux plus, tu comprends ! Plus jamais ! Plus jamais je ne veux qu’elle m’ait ! Tu comprends pas ? Tu comprends ! »

Je me suis arrêté à « Plus jamais ». Son « plus jamais » sonne comme un « ne me touche pas ». Elle pleure. Je ne veux pas lui sécher ses larmes. Je ne veux pas me retrouver dans un coin de la pièce gisant au sol, complètement mort.

Que dire ? Que faire ? Comment agir ? Puis je tout dire ? Je me pose tellement de questions. Trop de questions. Agis. Fait quelque chose. Dis n’importe quoi.

- Frappe, pleure, hurle autant que tu veux Snow. Mais ne me déteste pas. S’il te plaît.

Elle n’est plus dans mes bras. Elle ne le sera jamais plus. En tout amitié. En tant que colocataire. En tant que rien du tout. Pourquoi elle ne m’aime pas ? Je n’aime pas que les gens ne m’aiment pas. Je suis adorable comme mec. J’ai une bouille d’ange. On me donnerait le bon dieu sans confession. Pourquoi Fred ne m’aime pas ?

- Promis, je ne te toucherai plus, je n’aurais pas dû prendre cette initiative. Je te prie de m’excuser.

Je ne devrais pas prendre les devant avec une personne avec laquelle je n’ai jamais parlé.
Il faut que je parle d’autre chose. Ecarter ce moment gênant. Ne plus y penser. Passer à autre chose. Tourner la page. Parler de la pluie ou du beau temps. N’importe quoi.

- Tu aimes te servir de stylos ?

Elle ne comprend pas pourquoi cette question. Pourquoi personne ne comprend l’intention de cette question ? Elle est si dure à comprendre ? A analyser ?

Elle aime les plumes mais pas les bics. Les plumes transpercent le papier, ce n’est pas pratique. Les bics c’est plus souples, tu peux écrire plus aussi avec un bic qu’avec un plume. Le plume dépend de cartouche. Le Bic non.

Elle ne me déteste pas. Cesse de mentir s’il te plaît. Ce n’est pas moi qu’elle déteste ? Nous ne sommes que deux dans la pièce Fred. Ne sois pas désolée de m’avoir mis des bleus partout dans le dos, je t’en prie. Tu as évacué à ta manière ta rage et ta colère. Tu as juste eu … ? Eu quoi ? Peur ? Du mal à formuler quelque chose ? Dis-moi.

Elle me retourne la question des stylos. Je t’ai déjà répondu Fred. En pensée, fallait écouter !

- Je n’aime pas les plumes, ça bousille le papier. Les bics fonctionnent mieux, et c’est moins cher. Forcément sur un faire part de mariage ça fait moins classe.

J’ai lancé une conversation sur les stylos à une fille à qui je n’ai jamais vraiment parlé avant. C’est grave docteur ?

- Les mariages c’est cool non ? J’aime bien. Et puis il y a toujours des histoires dans les mariages. Tu n’es pas d’accord ? Et les divorces aussi j’aime bien. Ca permet de refaire sa vie de son côté. Non ?