Révélation 15

Messages : 5001 Date d'inscription : 12/08/2007

Messages : 3060 Date d'inscription : 24/07/2010

Buzz activé

Fred'. Laury.

L'énergie du désespoir, l'énergie de la fin. J'avais encore une fois buzzé. Encore une fois. Je ne savais pas du tout si ce que je venais de buzzer était la bonne chose, mais je voulais tenter, avant qu'il ne soit trop tard. Après Owen, voilà que je m'en prenais à Laury. Et revoilà la même disposition, celle qui fait si mal. Cette position dans le salon qui fait si mal parce que l'on devient fou. A imaginer ce que l'autre pense. A imaginer ce que les autres vont penser en apprenant. En voyant les regards de tout le monde. Mais il le faut, nous sommes venus là pour ça. Pour parler, pour dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Laury, je suis désolée de t'avoir buzzée. Je suis désolée de ce que je vais dire, et j'espère que je me trompe, encore une fois. Je pense, enfin je crois si... tu es séropositive... Ne m'en veux pas Laury, de te buzzer là-dessus, mais...

J'ai peur de me tromper, tellement peur. A croire que je suis la personne qui est venue pour leur faire du mal. A croire que je suis la pire des garces... ALors que je ne veux pas leur faire de mal...

Messages : 252 Date d'inscription : 15/07/2013

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C’est ça. Je suis séropositive.

Sé-ro-po-si-tive. Elle prononçait le mot une deuxième fois mentalement après l’avoir prononcé de vive voix. Séropositive. Enfin, elle l’avait dit. Ce mot d’ordinaire toujours camouflé, par un surnom idiot. Henry, ridicule, détestable. Séropositive. Ce mot jamais réellement prononcé, reflet de cette maladie jamais réellement acceptée. Mais enfin, elle l'avait dit. Elle était libérée de ce poids, le poids de ce surnom imposé par sa famille, Henry, parce qu’ils avaient honte.

Mais elle, elle n’avait pas honte. Plus honte. Alors en rester là était hors de question. A quoi bon ? Elle n’était pas venue pour ça, pas que pour dire au monde que Laury est séropositive. A quoi bon ne dire que ça ? Alors elle se mit à parler. Sans s’arrêter. S’expliquer. Tout expliquer, tout depuis le début. Pourquoi, comment… Même si tout le monde s’en fout peut-être, même si ça ne la rendra pas plus propre. Au moins, elle n’avait plus honte. Au moins, elle l’aura dit. Pour une fois, elle l’aura dit :

Toute ma vie se résumait en deux mots. Instabilité et déménagements. Parce que tous les 5 mois en moyenne, il fallait toujours recommencer. Dans une nouvelle ville, parfois un nouveau pays. Tout recommencer, nouveaux amis, nouvelle école, nouvelles habitudes... Quand j'y pense, je remarque que ça aurait pu être positif pour moi. Et ça l’a été, un certain temps....

A 17 ans, je me suis rendue compte que je pouvais être qui je voulais, avec ce mode de vie. Que mon identité était éphémère. Que je pouvais mentir sur tout, faire ce que je voulais, sans me soucier de ma réputation. Et disparaitre sans que personne ne sache la vérité. Alors je me suis mise à jouer...

Tous ces visages qui défilent devant ses yeux. Tous ces prénoms. En boucle, encore et encore. Swantje. Alex. Yannick. Camille. Sara. Élie. Deji. Isa. Fanny. Oli… Les escroqués. Puis il y a ceux qui n’ont pas de prénoms. Dont elle ne se souvient pas. Qu’elle a oublié. Les pires, ceux qui ne sont restés dans sa mémoire que quelques heures. Parce que, parmi eux se trouve le vrai coupable, celui ou celle qui est venu lui dire indirectement que ça suffit. Qui l'a punie.

J’ai joué, j’ai trop joué. Avec les gens, leurs sentiments, leur amour parfois. Et quand tout ça s’envenimait trop, je m’en allais. Pendant trois ans, j’ai joué, j'ai beaucoup joué, j’ai fait beaucoup de choses que je regrette, avec beaucoup de gens, des gens dont je ne me souviens parfois même plus… J'ai fait beaucoup trop de choses, j'ai beaucoup trop joué.

Alors, Henry est venu me punir. Henry, la personnification du virus du SIDA... Mais il n'est pas venu seul, il est venu avec une autre maladie, qui a fait que mon taux de lymphocytes T4 a chuté beaucoup plus vite que la moyenne et que j'ai du prendre mon traitement plus tôt que prévu...

Ça ne fait qu’un an qu’on cohabite, et pourtant je sais déjà. Je sais que j’y vais. Moi aussi, j’y vais. Vers la mort. Je sais bien que j’y vais, mais tranquillement. J’y vais doucement. Douloureusement. Parce que je me punis. De toutes ces erreurs passées, quand je ne savais rien. Je ne me bats même pas, je me punis. Je me punis quotidiennement avec mon traitement, que je prenais tous les matins, cachée dans les toilettes, avant de m'habiller...

Sourire en coin. Elle aurait pu s’arrêter là, parce qu'elle avait cette impression corrosive d'en avoir déjà trop dit. Mais cette boule remontait. Cette urgence de continuer à raconter, cette envie de se confesser.

La trithérapie... Tout le monde voit ça comme une bénédiction. Mes parents, mon frère, les scientifiques, le Sidaction. Ils sont contents, parce que ça nous permet de rester en vie encore un peu. Nous, les "malades". Mais ils ne savent pas ce que c’est réellement, ces médicaments. Non seulement, ils me rappellent tous les jours ce que j’ai fait. Mais en plus ils me font mal. Physiquement et psychologiquement, tous les jours...

Mais je me plains pas. Parce que je sais que je le mérite, ce qui m'arrive. Ici... On est beaucoup à être condamné. A cause de notre passé ou notre présent. Alors j’avoue que moi aussi, je me condamne. Je vais continuer à prendre cette poignée de cachets aussi longtemps qu’il y aura des gens qui voudront que je la prenne. Puis j’arrêterais. Et en environ 3-4 ans, je serais partie. Morte du SIDA. Morte de mes erreurs. Et pour être honnête, j’ai même pas peur. J’suis même curieuse, j’ai hâte de voir...

Elle avait parlé, trop longtemps. Ces choses qu’elle n’avait encore jamais dites à voix haute, à personne, elle venait de les avouer. Elle était filmée, ses mots avaient été enregistrés et ils allaient être montrés à des gens, beaucoup de gens, contre sa volonté. Et pourtant, pendant ce court instant, elle se sentait libre. Libérée.

Alors elle s’arrêta de parler pour de bon. Et elle les regardait tous. Les uns après les autres. S’attardant sur Fred’ et lui souriant, comme pour la remercier. Elle n’avait pas vraiment parlé pour qui que ce soit, elle avait juste parlé. Encore une fois, elle avait dit tout ce qu’elle voulait sans se poser de question.

Mais maintenant elle espérait de tout cœur qu'ils comprendraient et qu'ils ne lui en voudront plus. Qu'ils devineront que, si elle était aussi bancale, c'était parce qu'on lui a jamais vraiment appris à être quelqu'un de bien. Qu'elle essaye d'apprendre ça par elle-même et qu'ils ont tous été ses cobayes malgré eux.

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Messages : 5001 Date d'inscription : 12/08/2007

Fred', en découvrant le secret de Laury, tu remportes l'intégralité de sa cagnotte, soit 14 000 €

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