Désolée. C'était ça la solution depuis le début, n'est-ce pas ? J'ai toujours été trop aveugle pour m'en rendre compte. Mais maintenant, je sais. Maintenant que tu es enfermé dans une télé, je sais. Je suis désolée de ne m'en rendre compte que maintenant. Je suis désolée de ne pas avoir été là. Je suis désolée pour ce soir. Ce soir où tu m'as appelé moi. Moi. Pas maman. Ni Stella. Ce soir où tu m'as demandé de l'aide et où je n'ai rien pu faire... Je n'ai pas d'excuse. Je n'ai pas d'excuse et je suis désolée. Si j'avais eu les mots, si j'avais été là...
Je le sens maintenant. Je le sens que c'était un jour important du calendrier de ma vie. Et de la tienne. Mais j'ai loupé le coche. Je sens que j'aurais tout pu faire basculer, mais je n'ai rien fait. Je sens que si j'avais... si j'avais été là, tu n'aurais pas pris cette voie-là. Tu n'y aurais pas succombé, tu ne serais pas en train de participer à Secret Story, du moins pas avec ce secret. Tu serais toujours là, dans ta chambre, en train de peindre le ciel. J'aurais pu tout changer, mais je n'ai rien fait. Et j'aurais tellement aimé pouvoir faire ça pour toi. J'aurais tellement aimé que tu puisses peindre le ciel encore. Pour toujours.
Je suis désolée, désolée que les mots ne sortent que maintenant. Alors que c'est déjà beaucoup trop tard. Mais je suppose que c'est plus facile par écrit. Quand je n'ai pas en face de moi tes grands yeux verts désolés.
D'ailleurs, je ne sais pas si tu t'en rappelles. De ce soir. Tes yeux étaient devenus verts foncés. Tu n'as fait que crier, des choses que je ne comprenais pas, des choses insensées... Plus tu parlais, plus tu criais ces choses, moins elles étaient claires. J'entendais des bruits sourds, tu cassais des trucs. Puis tu te remettais à crier, à être énervé, tellement en colère. J'entendais Maman et Gilles, devant ta porte, en train d'essayer de te raisonner, qui te disaient de te calmer, que tout irait bien. Et toi tu continuais de crier, de casser, et moi, au bout de la ligne, moi je ne disais rien. Moi je n'ai rien dit, j'ai pleuré, j'étais prise au dépourvu, j'ai raccroché. Lâchement, salement. Je suis sincèrement désolée.
Maintenant, je te regarde et tu es beau. Tu es magnifique, je suis fière de toi, fière et désolée. De ne pas être à l'origine de tout ce que tu as accompli depuis ce soir-là. Sois souriant. Ton sourire est si beau. Souviens-toi de cette chanson. Que je t'ai fait écouter et qui t'a fait pleurer. Quand tu m'as dit que j'étais une de tes personnes préférée. Je suis désolée d'avoir tout ruiner. Je suis tellement désolée. Je t'aime, Art. Tu es ma personne préférée.
Joan.
Dernière édition par Art le Sam 9 Aoû - 4:05, édité 1 fois
Salut frangin. Si je t'écris, c'est seulement parce que Maman m'a dit que tu recevrais pas la blinde de courrier et que t'aurais surement besoin de soutien. Ca me rappelle quelque chose, pas toi ? Enfin bref, j'ai vraiment rien à te dire. Contrairement à Joan, qui m'a appelé hier soir pendant une demie heure, en pleurs, pour me dire à quel point elle s'en voulait et tout ça. Moi je m'en veux pas. Enfin tu dois déjà le savoir. Je comprends pas pourquoi les gens s'entêtent à dire des choses que tout le monde sait déjà dans les lettres. T'sais, juste parce que c'est des lettres, et que c'est formel et toutes ces conneries. Mais ouais. Moi je m'en veux pas. Parce que c'était certainement la meilleure chose qui ait pu t'arriver. Au moins grâce à ça tu peux enfin vivre une vie normale. Enfin normal, c'est un grand mot. Plus normale qu'avant en tout cas. Bon. J'en ai plein le cul d'écrire, j'ai mal au poignet. J'espère que ça te suffira comme "soutien". Sinon tant pis. Kiffe bien les soirées et la bouffe gratuite et reste cool. Tu passes bien à la télé d'après c'que j'ai pu voir. Même si je regarde pas cette merde de Secret Story, moi. Mais ça aussi, tu le sais déjà. Allez, à la prochaine !
Ciao, Stella
Dernière édition par Art le Mar 12 Aoû - 16:13, édité 1 fois
Mon Arthur, Tu me connais, je n'ai jamais été très douée avec les mots ! Alors j'ai décidé de plutôt t'envoyer quelques petites choses qui te rappelleront la maison. Ci-joint donc, une de mes photos préférées de Gilles, toi et moi. Noël 2010, tu te souviens ? Je t'envoie aussi une de tes peintures. Je l'ai décroché d'un des murs de ta chambre - j'espère d'ailleurs que tu m'en voudras pas pour ça ! Et puis, il y a ce petit mot que Gloria m'a laissé avant de partir... Ton beau-père m'a dit que ce n'était probablement pas une bonne idée de te l'envoyer comme ça, et que je devrais attendre que tu sois rentré pour te le faire lire, mais je pense qu'il est temps que je t'en parle. Alors voilà, je t'en parle ! Je pense qu'il peut te faire du bien, ce gentil petit mot. En tout cas, moi je l'aime beaucoup ! Voilà, voilà. Peut-être que je suis douée avec les mots finalement ! Mon chéri, j'espère que tu tiens le coup, que tu t'amuses bien et que tu rencontres des gens intéressants, comme tu voulais. En tout cas, Stella, Joan, Gilles et moi, nous sommes très fiers de ce qu'on voit de toi à la télé ! Je t'embrasse fort.
Maman.
P.S. : Tu reçois bien tes médicaments ? P.S2 : Ta plante verte est morte… J'ai oublié de l'arroser, désolée.
Madame Oakley,
Votre fils est incroyable. Votre fils est un ciel. Votre fils est le soleil et les nuages. La nuit et les étoiles. S'il vous plaît, prenez soin de lui quand je ne serais plus là. Il est encore un peu trop sensible pour ce monde. Pour l'affronter seul. Bonne continuation,
Maman, Merci pour ta lettre et tout ce que tu m'as envoyé. Et merci à Joan et Stella pour les leurs. Merci d'avoir pris le temps de les écrire et de penser à moi. Désolé d'avoir offert mon appel Skype à Charlie. Je sais que tu voulais que j'accepte toutes les occasions de te parler. Mais Charlie est une mère aussi, alors je pense que tu peux comprendre. C'est aussi une artiste. Alors oui, je rencontre des gens intéressants. Très intéressants. Le mot de Gloria m'a fait plaisir, je crois. Je pense beaucoup à elle ici, mais ça va. Tout va bien. Je suis bien. J'ai laissé une enveloppe sur mon bureau. Tu peux me l'envoyer, s'il te plaît ? C'est pas grave, j'achèterais une nouvelle plante. Par contre, je t'ai renvoyé ma peinture. J'aimerais que tu la remettes sur le mur. J'aime pas savoir qu'il y a un trou dans le ciel. Je sais que Gloria t'avait dit de t'inquiéter dans sa lettre, mais ne t'inquiète plus. Tout va bien. Tout va très bien. A la prochaine. Vote pour moi si je suis nominé. Art.
Dernière édition par Art le Mar 2 Sep - 22:12, édité 1 fois
Salut Art. Comment tu vas ? Je t'envoie cette lettre en mon nom, mais elle vient d'un peu toute la classe. Honnêtement, je t'ai jamais vraiment compris, mais ça a été cool d'apprendre à te connaître cette année. T'es très intéressant, bien qu'un peu bizarre. On pensait tous que c'était parce que c'était ta première année de cours en dehors de chez toi, tu sais. T'es un peu maladroit aussi, ce qui fait que tu peux être blessant parfois. J'espère que tu comprends que c'est pour ça que les gars et moi, on a arrêté de trainer avec toi. Pas parce que t'es fou, ou quoi que ce soit... Perso, j'ai toujours su que tu cachais quelque chose. Je sais pas pourquoi, mais je le savais. Quand j'ai appris que c'était ça, ton "secret", ce truc que tu nous cachais tous, j'avoue que j'ai flippé. Puis j'ai appelé les gars et on en a parlé. Et au final, on est tous venus à la conclusion que t'étais fort. Super fort. Tu vis avec une... maladie, mais tu continues à te battre. T'es une machine. Un survivor, et je m'en veux un peu d'avoir eu peur. On s'en veut un peu tous, en fait. Donc voilà, tout ça pour te dire que quand tu sortiras, les gars et moi on sera ravis d'aller boire un verre avec toi. Pour discuter, pour que tu nous racontes tout. Même si on l'aura surement déjà entendu à la télé. T'es notre pote, maintenant, et on s'en fout de ton passé. On s'en fout et on est désolés que tu te sois pas senti assez à l'aise avec nous pour nous en parler. Mais on comprend tout à fait. Et malgré tout ça, on espère que tu pourras nous pardonner et qu'on pourra trainer ensemble à la rentrée. Si t'es sorti à temps, ce que je te souhaite pas d'un côté.
Joan. C'est la deuxième lettre que je t'écris. Dans la première, je te disais à quel point j'étais heureux d'être en finale. Heureux de vous avoir, Maman, Stella et toi. A quel point j'allais bien. A quel point tout allait bien. Mais ce n'était qu'un tissu de mensonges, alors je l'ai déchirée. Je me suis dit que, puisque tu avais été honnête avec moi dans ta lettre, je me devais de l'être dans la mienne. Je me devais de te dire la vérité. Je te le dois. Et la vérité, c'est que ça fait des années que ça n'a pas été, Joan. Des années que rien ne va plus. J'ai beau me répéter que j'accepte tes excuses, que "tout ça, c'est le passé"… C'est faux. Ça sonne incroyablement faux. Et ça sonnera sûrement toujours faux. Parce que je suis bousillé. Abimé. Dérangé. Taré. Et parce que je ne suis qu'un sale menteur. C'est tout ce que je fais, à longueur de journée. Mentir. Je me mens, je vous mens, je mens aux autres... Je ne suis pas prêt, Joan, c'est beaucoup trop dur. Si j'allais bien, si "tout" allait bien, c'est parce que vous aviez besoin que j'aille bien. Mais honnêtement, ces six mois que j'ai passé à l'hôpital me suivront toute ma vie. La mort de Gloria me suivra toute ma vie. Il n'y a pas d'issue. Aucun remède. Je suis malade. Et je le resterais toute ma vie. Mais le pire dans tout ça, c'est que j'entraine les gens dans ma chute. J'ai rencontré des gens formidables ici, Joan. Mais au lieu d'apprécier le temps que je passe avec eux, je pense constamment qu'un jour ou l'autre, je les réduirais en cendre. Voilà à quel point je suis malsain : je pense à la fin, alors que le présent est partout autour de moi... Alors non. Non, je ne peux pas te pardonner, Joan. Je t'en veux encore. Tu avais l'opportunité de me sauver, mais tu ne l'as pas saisie. Je ne peux pas te pardonner, parce que je suis rancunier. Rancunier au point de vouloir mettre le feu à un hôpital. A ce point... Et je ne peux pas te pardonner tant que je ne me serais pas pardonné. Parce que je m'en veux. D'être tombé malade. Je m'en veux énormément. Je m'en veux de pas avoir été assez fort. Je m'en veux de ne pas être capable d'accepter le deuil. Je m'en veux d'être encore en vie alors que Gloria n'est plus là. Je m'en veux de me surprendre parfois à m'imaginer pouvoir un jour être heureux sans elle. Je m'en veux d'être Art. Mais ne t'en fais pas pour moi. Rien ne va. Mais je vais m'y faire. Parce que rien n'ira jamais. Art.
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Jeu 24 Juil - 16:17
