Au fond du trou, au fond du verre

Messages : 320 Date d'inscription : 12/07/2014

[i]Les nominations m'avaient foutu un coup au moral. Et puis était venue la discussion avec Loanne. Je me rendais compte qu'elle me manquait plus que ce que je pensais. Et depuis j'avais le coeur lourd, le ciel me semblait plus gris. Et ensuite j'avais vu le tweet de Jena, et j'avais capté le jour qu'on était. Et là, ça avait été le coup de plus, le coup qui m'a été porté au sol, le coup qui m'a achevé. Le cafard complet. L'anniversaire du père de Jena. Une journée de fête normalement. Et elle était coincée dedans. Et moi, j'étais coincée dans cette erreur première. Chacune de ces dates symboliques me rappelaient la triste vérité à la figure. A chacune de ces dates, je revivais tout. Tous les évènements qui avaient suivis la naissance de Loanne. Les évènements qui avaient amenés ma rupture d'avec Loïc. Ma rencontre avec Jena. Et tout le reste. Tout ce chemin parcouru. Et même si aujourd'hui on le vit bien, ce n'est pas pour autant que le sentiment de faux, le sentiment de trahison constant n'est pas là.

On dit que l'alcool ne résout pas les problèmes, mais l'eau non plus. Et j'avais besoin d'oublier. Et heureusement on avait quand même eu droit à un peu d'alcool sur cette île. Ils avaient du prévoir qu'on finirait par déprimer.

J'aurai eu envie de m'isoler. Pour ne pas foutre le bourdon à Jena si elle me voit comme ça. Mais il n'y a nulle part où s'isoler ici. On est l'une sur l'autre sans arrêt. Et je ne doute pas qu'elle va voir la bouteille que j'ai à la main. Je n'ai même pas fait attention à ce que j'ai pris, mais j'en ai déjà bu une bonne partie, quand j'entends ses pas qui s'approchent. Je lève ma bouteille en l'air.

Santé?

« Au fond du trou, au fond du verre... »

+ Coup de Blues +

Les jours passés et se ressemblaient sur l'Ile Sainte-Hélène. On finissait vraiment par avoir l'impression de tourner en rond ici. Mais aujourd'hui c'était un jour spécial pour moi, c'était l'anniversaire à mon père. Du moins mon père adoptif, mais je n'aimais pas ce terme. Cela signifiait donc que c'était l'anniversaire du père biologique de Charlie. Si j'avais fini par accepter tout cela, c'était moins facile pour elle. Toute cette vérité avait amené bien des changements dans la vie de Charlie, bien plus que dans la mienne. Alors à chaque anniversaire d'un de nos parents, je savais pertinemment qu'elle avait un petit coup de blues.
Mais cette année c'était encore un peu plus particulier, car nous étions enfermée ici, loin de notre père. Je ne pouvais pas fêter cela avec lui. J'avais dû me contenter de laisser un petit tweet à son intention en espérant qu'il le verrait. Aujourd'hui j'avais donc moins le moral que les autres jours, j'avais comme un pincement au coeur qui ne voulait pas s'atténuer. Il s'accentua même lorsque je vis le tweet de Charlie, étant obligé de trouver un subterfuge pour souhaiter à son père, son père de sang, son anniversaire. Personne ne devait savoir, or tous les candidats avaient accès à nos tweets. Le coup de blues était différent cette année et c'était même pire que je n'aurais imaginer.

Je n'avais eus qu'à me retourner pour voir Charlie, assise le long du mur. Je m'approche d'elle et elle me tend une bouteille. Je prends sa bouteille et en boit une gorgée avant d'aller me prendre une bouteille à mon tour. Je me laisse ensuite glisser le long du mur pour me retrouver à côté d'elle.

« Santé ! »

Nos deux bouteilles s'entrechoqua et nous bûmes chacune une certaine quantité d'alcool d'un seul coup.

« Je suis désolée... Je sais que ce n'est pas comme ça qu'on imaginait ce jour. Obligé de mentir... »

Messages : 320 Date d'inscription : 12/07/2014

[i]Je sais qu'elle a compris. Tout de suite. Sans avoir besoin de demander quoi que ce soit. Je sais qu'elle a compris. Elle sait, parce qu'elle sait quel jour on est et parce qu'elle sait comment je vis ces dates là, tous les ans. Parce qu'elle sait que le mensonge dans lequel j'ai grandi me bouffe et qu'elle sait que ce sentiment de malaise, de mensonge de manipulation perpétuelle vient de là. Parce qu'elle sait que je suis devenue complètement paranop suite à ça. Parce qu'elle a compris depuis le premier jour, depuis notre première rencontre. Parce qu'elle sait. Parce que c'est Jena. Parce que nous sommes liées. Intimement. Et que ça restera comme ça, quoi qu'on fasse.

Elle partage ma bouteille avant d'aller s'en prendre une pour elle et se laisse tomber à mes côtés. ET on trinque. A tout ça. On n'a pas besoin de le dire, on le sait. L'alcool coule dans nos gorges, le goût acre, acide, amer, le goût chaud, ça brûle légèrement la trachée mais qu'est-ce que j'aime ça. Qu'est-ce que c'est bon et bordel ça me permet d'oublier un instant. J'ai l'impression que si je me brûle la bouche entièrement avec l'alcool, je n'aurai plus besoin de mentir.

Elle s'excuse. De quoi? Ce n'est pas de sa faute. Cette erreur primaire, ce n'est pas de sa faute.

Au moins on n'a pas besoin de mentir aux autres là... et on n'a pas besoin de se mentir l'une à l'autre. Et puis merde j'ai juste envie de me bourrer la gueule... plus rien penser, tu vois?

Et j'accompagne la parole du geste et je vide une bonne partie de la bouteille cul sec. Elle va se finir trop vit je le sens.

Au fond du trou, au fond du verre

Au fond du trou, au fond du verre

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