AARYA & ANA - i'm cut.

Lundi. Quinze heures. Chacun avait déjà pris ses marques dans la maison. On avait déjà l’impression d’être là depuis des semaines. Sauf qu’on ne se connaissait pas encore vraiment. Les discussions étaient limitées, le genre de conversation entre deux inconnus. Et pourtant on partageait tout ensemble. On se brossait les dents ensemble. Un lien se créait entre nous, sans qu’on s’en aperçoive vraiment. Et j’étais persuadée que ça se passait de la même façon dehors. La réunification me fait peur. Je ne sais pas encore vraiment quand elle aura lieu, et à vrai dire je ne suis pas sûre qu’on se réunisse vraiment un jour. Je veux dire, on sera tous libre d’être dans la maison ou dans le jardin, mais je crois que les groupes ne se mélangeront pas totalement. La prod’ a décidé de créer les clans dès le début de l’aventure. Et pourtant j’étais tellement impatiente de rencontrer les huit autres candidats. Il faut que je m’occupe les mains, que j’arrête de réfléchir, sinon je vais encore finir par me réfugier dans le confess, et je ne peux pas prendre cette mauvaise habitude, sinon l’aventure se terminera bien vite pour moi. J’ai une idée.

C’est Jo qui m’a appris à faire des fiches pour tout, comme les listes. Il faut tout lister, et tout ficher. Alors avant même de rentrer dans la Maison, j’avais prévu de faire des fiches. Mais il fallait que je sois seule, alors j’avais pris les feuilles, les ciseaux et mon stylo et je m’étais installée dans le couloir. Je me suis assise en tailleur, dos au mur, j’ai tout étalé sur le sol devant moi, et je me suis mise au travail. Je commence par découper les feuilles en trois, minutieusement. Je prends mon temps, parce que pour la première fois dans la maison j’ai l’esprit occupé. Enfin plutôt vide. J’ai l’esprit vide parce que je suis occupée. Je ne pense plus aux candidats qui sont enfermés dehors, je ne pense plus que NOUS sommes enfermés dedans, je ne pense plus à ce qu’il peut se passer à l’extérieur. Je ne pense plus à rien d’autre qu’à découper les feuilles. Une fois que j’ai le nombre de fiches qu’il faut, j’y inscris le nom de mes colocataires, un par fiche. Baptiste. Aarya. Anae. Fred. Owen. David. Lilou. Et puis j’y écris tout ce que je sais d’eux. J’ai eu pas mal d’infos le premier soir, quand j’étais cachée dans le confess. Rien de très important, des banalités, mais c’est toujours ça. Et puis j’y ajoute mes impressions, les traits de caractère que je pense avoir décelé chez chacun d’eux. Ca ne me prend pas assez de temps, en à peine vingt minutes j’ai fini. Je reprends des feuilles, et je commence à en faire des confettis. Je m’imagine les lancer sur un ou une de mes camarades, et un sourire s’affiche sur mon visage, pendant que je continue de découper.

Je découpe, encore des confettis, plein de confettis. Un petit tas est en train de se former à coté de mon genou gauche. Je découpe, je découpe. Les ciseaux deviennent presque un prolongement de ma main, tel Edward aux mains d’argent. Sauf que je serais incapable de faire d’aussi belles choses que lui. Mais je découpe encore. Je découpe et je ne réfléchis pas. Je ne réfléchis à rien. Ni aux nominations qui vont arriver trop vite, ni aux candidats dehors. Rien. Et finalement quelqu’un me rejoint. Elle s’installe sur le carrelage, allongée, le menton posé sur ses mains. Coucou... Que fais-tu ? Je peux t'aider s'il te plait ? M’aider ? Mais à quoi ? Ah oui, découper. J’avais oublié que j’étais en train de découper. Moment d’absence. Je lui souris.

Hey coucou Aarya. Oh je fais rien de spécial, des fiches, et des confettis. Je pose enfin les ciseaux et les feuilles sur le coté. Je la regarde, j’aime la regarder, j’aime la couleur de ses cheveux. Cette fille est un voyage à elle toute seule.

Pour illustrer mes paroles, je prends une grosse poignée de confettis et je souffle dans ma main pour les envoyer sur elle. Le contraste des petits morceaux de papier blanc qui tombent sur ses cheveux colorés est féérique. Je me mets alors à chanter. Magic everywheeeere, more than you imagine. Et je laisse échapper un petit rire. Je me sens légère dans ce couloir. Aussi légère que ces confettis. Enfin légère.

Il serait vraiment temps que je pense à ce que les gens peuvent penser lorsque je parle. Je veux dire, lorsque je dis quelque chose, je devrais envisager leur réponse, les questions que ce que je dis peuvent soulever. Je lui dis que je fais des fiches, évidemment qu’elle se demande quel genre de fiches. Mais je ne peux pas lui répondre, j’ai trop peur de ce qu’elle pourrait penser. Je ne veux pas qu’elle me voit comme une maniaco-dépressive qui a besoin de tout ficher et de tout lister, même si c’est la vérité. J’ai besoin de sentir que tout est organisé, que je n’oublie rien, sur personne ni sur quoique ce soit. Ou pire, elle pourrait penser que je les espionne tous, et que je note tout ce qu’ils font, tout ce qu’ils disent.

Oh euh, des fiches, sur euh, l’aventure.

Je rassemble toutes mes fiches en un mouvement, et je me relève. Ce que je viens de dire est plus que vague, j’espère qu’elle n’a pas aperçu les prénoms qui étaient inscrits en haut de chaque morceau de papier. Je ne prends pas la peine de rassembler les confettis, ou les non-confettis comme le fait remarquer Aarya, je laisse tout là sur le sol, les feuilles, les ciseaux, les stylos. Je dois partir, avant qu’elle ne se pose plus de questions.

Désolé je dois y aller, faut que j’aille... au confess. A plus tard !

Et je longe le couloir, direction le confessionnal. J’ai l’impression de fuir à chaque fois que j’ai une conversation avec un candidat. La fuite est tellement simple. Surtout quand les souvenirs ne nous rattraperont pas.