Jeu de rôle basé sur l'émission de télé-réalité « Secret Story »
 
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 aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY

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Ana
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MessageSujet: aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY   aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY Icon_minitimeLun 29 Juil - 23:55



    LAURY & ANA - pouet pouet.



Fatiguée. J’étais fatiguée et je n’avais pas envie d’imposer ça aux autres habitants. Je n’avais pas envie qu’ils me voient comme la pauvre Ana incapable de supporter les rebondissements que l’aventure nous offrait. Parce que tout le monde était venu là pour vivre tout ça. Et moi, pourquoi j’étais venue là déjà ? Je n’avais rien à prouver, ni à moi ni à personne. Je n’avais pas spécialement besoin de l’argent. Rien ne m’avait poussé à venir ici en réalité. Mon secret n’apporterait rien à personne. Enfin je crois.

Mais peu importe le pourquoi, parce que maintenant j’étais là. Et je n’avais plus envie de partir. Je me sentais bien ici. Avec eux. Avec ces inconnus que j’avais appris à connaître, que j’avais découvert, petit à petit, lentement, et dont il me restait encore tant à apprendre. Avec qui j’avais construit un quotidien, des habitudes. Les habitudes, c’est important. On a tous besoin d’habitudes. Et celles que j’avais prises ici me plaisaient. Ne jamais prendre ma douche seule. Regarder dans le couloir en me brossant les dents. Ecouter la respiration des autres le matin lorsque je me réveillais trop tôt. Cacher le pain de mie où personne ne pourrait être tenté de le chercher…  

Il fallait que je trouve un endroit où personne ne me verrait. Même si je détestais m’isoler comme ça. Je détestais ça mais je ne pouvais pas m’empêcher de le faire. Je ne sais pas ce qui me poussait à le faire, mais c’est ce que je faisais. Souvent, trop souvent. Alors qu’ils étaient tous là. J’espérais faire disparaître cette facette de moi en m’isolant encore une fois, quelques instants. Et puis revenir vers eux, avec l’entrain que j’étais supposée avoir.

J’avais jeté mon dévolu sur la porte interdite. J’étais dans le jardin, je profitais du soleil, et il était plus facile de résister à la tentation d’aller m’enfermer dans le confessionnal ici. Et puis cette porte avait un côté mystique. Je me rapprochais peut-être d’un danger inconnu, encore une fois, comme si je n’en avais pas assez fait les frais. Ma tasse de thé dans une main, une banane dans l’autre, je me laisse glisser contre la fameuse porte jusqu’à ce que mes fesses touchent le sol. Je n’avais même pas songé à découvrir ce qu’il se cachait derrière cette porte. J’étais venue ici plus par hasard que par réelle volonté. Par hasard. Parce que je ne pensais pas que quelqu’un viendrait s’y aventurer, que quelqu’un se souviendrait de cet endroit. Mais moi, encore une fois, j’avais été attiré par l’interdit.

Et elle, qu’est ce qui l’attirait ici ? La porte ? Moi ? Ma banane ?
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MessageSujet: Re: aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY   aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY Icon_minitimeMar 30 Juil - 7:56





    Pourquoi fallait-il toujours que le soleil se lève au même endroit ? C’était un sérieux manque d’originalité. S’il décidait de se lever ailleurs un jour, ça serait cool, non ? Tout le monde serait surpris et verrait le monde différemment, ne serait-ce que pour un jour. Ça serait cool. Mais non, il fallait que tous les matins, il y ait le même rayon de soleil qui vienne se poser au même endroit sur les mêmes yeux de la même Laury pour la réveiller de la même façon. Tous les matins, depuis deux semaines.

    C'était irritant et ça la rendait irritable. Par contre, si tous les matins, elle aurait aimé pouvoir faire tourner la Terre dans l'autre sens comme Superman, elle admettait qu'il y a certaines choses qui ont leur place. Une place attitrée, à ne quitter sous aucun prétexte. Et quand un jour, ces certaines choses décident de bouger, c’est l’hérésie pure. La brique de lait, par exemple. Si elle n’était pas dans le frigo, cela voulait dire que quelqu’un de très mesquin l’avait finie et n’avait pas remis de bouteilles au frais.

    Pas de lait au frais signifiait devoir marcher jusqu’au cellier de bon matin pour au final devoir boire du lait à température ambiante. Est-ce qu'ils voulaient sa mort ? Si c'était le cas, autant y aller franco, pourquoi infliger à quelqu'un une telle torture ? Tout le monde savait qu'il ne fallait pas mettre les gens de mauvais poil de bon matin, et là, ce matin-là, avec cette bouteille de lait vide pas remplacée additionnée au rayon de soleil pile sur ses yeux, c'était un scalpel planté profondément dans le dos de Laury. Remué exactement 125 fois par un docteur sadique et avide d'humour noir et d'émissions de Vincent Lagaf', qui répèteraient constamment et en riant : "Allez tiens, prends ça, petite conne What a Face"

    Autrement dit, c'était l'enfer sur Terre pour Laury. Et parce que mettre des lunettes de bon matin, elle avait toujours trouvé ça trop... Trop trop, elle ne l'avait jamais fait. Loin d'être le genre de filles à se soucier de montrer ses yeux pas maquillés au Monde entier, elle était donc sortie sur la terrasse pour trouver quelqu’un à blâmer, comme ça, "au natouwel". Mais elle regretta bien vite, dès lors qu'elle fut obligée de faire la gymnastique faciale pendant une bonne poignée de minutes, jusqu'à ce que ses yeux s'adaptent à la forte lumière.

    Comme un chien de garde méchant, elle scruta donc le jardin pour trouver quelqu'un qui buvait du lait, du cacao ou même un café au lait pour aller lui mettre la zermi kom on di laba. Mais elle ne trouva personne et se sentit tout de suite bien ridicule, avec sa brique de lait tiède en main, ses cheveux décoiffés, son pyjama Snoopy et ses petits yeux, éblouis par le soleil et alourdis par le sommeil.

    Au vu de la fureur avec laquelle elle était sortie de la Maison, elle était maintenant beaucoup trop honteuse pour y retourner, penaude, mais également trop honteuse pour aller s'asseoir avec les autres habitants sur la terrasse. Elle décida donc de rester dehors et de se poser quelque part, seule. Avec ce lait dégoutant. Une deuxième fois, elle scruta donc le jardin rapidement, à la recherche cette fois-ci d'une place.

    Et ce n'est là qu'elle l'aperçue. Si elle l'avait loupée lors de son premier examen du jardin, cette fois-ci, elle l'avait bien vue. Ana et sa banane. Ana assise par terre. Ana et sa tasse de thé. Ana isolée avec sa banane... et sa tasse de thé. Comment pouvait-on manger ça, de bon matin ? Banane et thé, c'était encore pire mélange que... Que radis et Nutella, que tomate et artichaut, que ketchup et surimi, que chips au paprika et confiture de fraises... Que lait et tiédeur.

    Sans réfléchir et toujours frustrée de devoir boire ce lait ragoûtant, elle se dirigea donc nonchalamment vers Ana avant de se poster devant la jeune femme et s'écrier :


    Bananothé ? Really ? Je savais pas qu’il y avait ce genre de gens tordus ici...

    Si elle espérait avant tout ne pas l’avoir effrayée, elle se rendit compte que trop tard qu'elle avait été vraiment désagréable... Après tout, Ana n'y était pour rien : même si son mélange était clairement très peu appétissant, il avait au moins le mérite de ne pas nécessiter de lait. Elle s'empressa donc de s'asseoir en face d'elle, au sol et de lui demander, le sourire aux lèvres :

    Bien dormi ? Smile

    Espérant que cela suffise à faire passer sa mauvaise humeur matinale pour une blague, elle entreprit de jeter un coup d'oeil autour d'elle. Ce coin de jardin était bien trop souvent inoccupé, comme s'il avait été déprécié dès le premier jour, et elle se demandait pourquoi. Ici, le soleil tapait juste assez, et quand bien même on avait trop chaud, on pouvait se retrouver à l'ombre en une rotation. Tiens, et pourquoi ne passerait-elle pas la nuit ici ce soir ?

    Fermant les yeux, elle s'étira et prit une bouffée de l'air encore frais du matin. Quand elle les rouvrit, elle remarqua qu'Ana n'était pas adossée à un mur, mais à la "porte interdite". C'était écrit dessus en gros, comme le Port-Salut. Fixant l'écriture, elle plissa les yeux un instant, avant de demander à sa colocataire, d'un ton taquin :


    C’est écrit "porte interdite" ou "pote interdite" ? Attention, ta réponse déterminera si, oui ou non, je vais m'en aller en pleurant !

    Un rire lui échappa et elle profita de l'attente d'une réponse pour prendre une gorgée de ce lait maudit directement au goulot. Histoire de bien refiler ses microbes à tous ceux qui utiliseront la brique après elle. Ça leur apprendra à ne pas remettre de lait au frais ! Cependant, alors qu'elle avala cette gorgée tiède, elle grimaça et avait la désagréable impression de se punir elle-même. L'enfer sur Terre.




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MessageSujet: Re: aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY   aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY Icon_minitimeMar 30 Juil - 20:47

Le sentiment que je ressentais à ce moment précis ne m’était pas habituel. Pourquoi est-ce qu’elle m’irritait autant, et si vite ? Peut-être sa façon de me qualifier de « ce genre de gens tordus ». C’était forcément ça. Sa façon d’arriver devant moi, et de se mettre à crier comme ça. Pourtant son Bananothé m’aurait plu, si la suite de la phrase n’était pas aussi méprisante. Elle n’avait pas vraiment l’air d’avoir un bon jugement de ceux qu’elle qualifiait de gens tordus. Je n’aime pas ce ton. Même si elle n’a pas tout à fait tort. Je suis surement quelqu’un de tordu. Je le suis, et encore plus depuis que je suis dans cette maison. Ok c’est vrai, elle a raison, c’est ce que je suis. Mais ça ne me plait pas qu’elle me le dise, comme ça, comme si j’avais fait un truc vraiment tordu ! Alors que j’ai rien fait de tordu, je bois du thé, je mange une banane. C’est quoi son problème ? Je suis pas en train de tremper un saucisson dans le pot de Nutella. Ca, ça serait tordu.

Elle s’installe en face de moi, et essaye d’engager la conversation. Mais j’ai presque envie de me lever et de la laisser là. J’ai pas envie de lui répondre. Et puis non j’ai pas bien dormi, mais qu’est-ce-que ça peut lui faire ? J’ai pas bien dormi parce que je suis ce genre de gens tordus. Je lui réponds pas, je mange ma banane, je serre ma tasse dans l’autre main. Je me concentre sur du matériel, je me raccroche à ce que je peux toucher. Vas-y parle, mais n’attend pas de réponse de quelqu’un de tordu comme moi.

Je laisse tomber ma peau de banane sur le sol, et j’avale une gorgée de mon thé citron. M’en aller en pleurant. Je rêve, elle me tend la perche là. Je n’aurais donc qu’à prononcer ces deux mots pour qu’elle s’en aille ? Pote interdite. Non, j’ai du mal à y croire. Et je crois que j’oserais pas. C’est pas moi ça, ça me ressemblerait pas. Je ne sais pas pourquoi je me sens aussi énervée là, j’étais peut-être dans un moment de susceptibilité aigue. Et elle qui me balance ça en pleine face, sans que je m’y attende. Qu’est ce qu’elle s’imagine ? Que je suis venue m’asseoir là où personne ne va pour attirer l’attention ? De quel droit elle vient m’insulter comme ça, et puis elle s’installe comme si elle venait de me dire qu’elle aimait ma coiffure.

Je la regarde, j’essaye de faire en sorte qu’elle ne puisse pas lire tout ce que je pense dans mes yeux, mais je crois que c’est raté. Le regard parle parfois plus que les mots. Je ne lui dis rien, mais mes yeux ne peuvent pas se retenir. Est-ce qu’elle sent à quel point je lui en veux ? Je voudrais qu’elle le sente, qu’elle culpabilise. Parce qu’au fond, elle m’a blessé. Elle ne pouvait pas savoir, mais elle l’a fait et c’est tout ce qui compte pour moi. Je veux voir le regard de Fred se poser sur moi. Je ne suis pas quelqu’un de tordu pour elle. On est juste nous. C’est elle que je voudrais en face de moi, pas Laury.

Et alors, qu’est ce que je fais ? Je la laisse encore parler, au risque d’entendre encore quelque chose que je ne voudrais pas entendre. Ou je me lève, et je m’en vais. Je bois encore une gorgée de mon thé. Et je l’ignore. Je ne dis rien, je n’ai rien à lui dire, ou plutôt je préfère ne rien lui dire. Je déteste ce que je suis en train de faire, mais je ne me sens pas capable de faire autre chose.
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MessageSujet: Re: aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY   aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY Icon_minitimeMer 31 Juil - 21:51





    L'ignorance est le meilleur des mépris. Oui, Laury en était maintenant sûre. Elle pouvait le certifier. Devant cette Ana muette et clairement blessée, elle venait de perdre instantanément une partie de son cœur. Comme ça, elle avait disparue instantanément de son corps sans crier gare. C’était de sa faute. Elle se mit à fixer le sol. Elle ne pouvait pas affronter un tel regard, jamais. Elle ignorait ce que c’était, avec cette émission, mais depuis qu’elle était là c’était comme si tout était orchestré pour lui rappeler constamment pourquoi elle était là.

    De toute sa vie, du début à la fin, c'était ce qu'elle redoutait le plus. Qu’on la méprise. Elle était venue ici pour qu’on l’aime, pour offrir et pour qu’on lui offre des bons moments, tout plein et rien d’autre. C’était audacieux, mais c’était ça. Depuis le début. Et là, elle venait de faire tout le contraire. Qui était-elle pour blesser les autres ainsi ? Qui était-elle pour se permettre de juger autrui ? Pour cet avion qui passait au-dessus d’elle ce matin, elle n’était qu’un point noir. Un point noir, quelle belle homonymie. Elle n’est rien, rien du tout, alors pourquoi essaye-t-on tous constamment d’être important ?

    C'était ridicule, à quel point elle détestait ça. A quel point elle se détestait. Elle, son attitude, son pyjama, sa foutue bouteille de lait tiède, tous ses moindres gestes depuis qu'elle était arrivée. Depuis qu’elle était née. Remonter le temps pour effacer tout ça, toutes ses erreurs. Ne jamais recommencer. Mais putain, pour qui elle se prenait ?! Elle avait envie de s'enterrer, de s'en aller loin, de mourir de honte, là, devant Ana, pour lui montrer qu'elle avait raison de l'ignorer. Que c'était plus que légitime et qu'il fallait qu'elle continue.

    Les larmes avaient commencé à rouler sur ses joues sans qu'elle s'en rende compte, comme pour la rendre encore plus pitoyable. Pardon, pardon d’avoir pris mes aises. Pardon d’avoir cru que je pouvais mener une vie comme les autres, je n’aurais pas dû. Pardon d’avoir dit ça, pardon d’exister ? Tellement de chose à se faire pardonner que s'excuser semblait absurde. Absurde, mais aussi insuffisant et banal. Crier à l’aide, "sortez-moi de là, j’ai jamais demandé à y être !" Qu'est-ce qu'il fallait qu'elle fasse ? Qu’est-ce qu’elle était censée faire ?

    Écouter son cœur ? Même si à cette heure-ci elle avait envie de l’arracher, elle l’entendait bien. Oh, elle l'entendait, bien sûr qu'elle l'entendait. Le murmure assourdissant et permanent, qui espère te mettre à terre en te criant : "Essaie pas de refaire l'histoire, t'y arriveras jamais. C'est trop tard, c'est baisé, c'est imprimé dans les mémoires". Écouter son corps ? Il lui disait de rester là et d’attendre. Qu'on vienne l'enlever de là. Que quelqu'un remonte le temps pour elle, qu'on lui offre une seconde chance, qu'Ana oublie, que la nuit tombe, qu'on la tue… Que ça la tue ?

    Non, ça n'arrivera pas, la réalité est là et il était grand temps de le réaliser. La vie est train de défiler devant elle et il fallait qu’elle la vive avant qu’il soit trop tard. Arrêter d’espérer que quelqu’un vienne la sauver, arrêter de penser à remonter le temps. Avant qu’il soit trop tard. Cette précieuse vie, qu'elle pourrait perdre à tout moment. Qu'elle pourrait perdre tellement facilement, en fin de compte. Oublier un geste, oublier ces quelques gestes et elle pourrait mourir tranquillement, à petit feu, souffrir comme elle l'avait mérité. Pourquoi ça lui faisait aussi mal ?

    Parce que, devant elle se tenait tout ce qu’elle redoutait le plus au Monde. Vraiment tout. C’était pour ça, pour ça qu’elle passait de la pommade aux autres. Pour qu'ils l'aiment. C’est malhonnête, mais au moins, elle ne se laisse jamais emporter, jamais, elle est toujours souriante et comme ça, personne ne la déteste. C’est égoïste et faux. Mais c’est parce qu’elle sait à quel point ça fait mal, elle le sait depuis longtemps. Et pourtant, elle avait refait la même erreur, comme si elle l'ignorait.

    Mais la réalité est là, alors il faut agir. Elle ne pouvait pas s’autoriser de perdre pied une deuxième fois, elle en avait déjà assez fait. C’était bien trop embarrassant, cette instabilité. Elle ferma les yeux. Si seulement ça avait été suffisant pour oublier la réalité. Mais non, tout était encore là, ancré dans sa tête, dans sa mémoire. Elle savait que rien n’allait avoir bougé lorsqu’elle ouvrirait les yeux. Et elle avait raison. Tout était encore là, son embarras, exactement là où elle l’avait laissé. C’était un sérieux manque d’originalité de ne jamais changer d’emplacement comme ça…

    Soudain, elle ramassa la peau de banane d’Ana sur le sol et se mit à la manger. En entier et sans broncher. Elle osait enfin regarder Ana, plongé dans ce regard qui voulait tout dire. Ce regard comme une punition, une punition tellement méritée. Elle ne pouvait s’empêcher de penser aux pesticides qu’elle avalait. Elle eut de la peine à avaler et du mal à croquer dans les extrémités dures de cette peau de banane. Quand elle eut fini, elle s’octroya le droit de rincer la bouche avec ce lait tiède qu’elle détestait. Cette fois sans même oser grimacer.


    Podbananolé…

    Elle avait dit ça avec un petit sourire, ridicule, qui ne ferait de peine à personne, même pas à Mère Theresa. C’était de sa faute, elle était responsable. Elle ne s’excusa pas, parce qu’elle n’en avait pas la force. Elle n’avait la force de rien dire d’autres en fin de compte. Elle avait été bête, de A à Z. Elle ne voulait pas faire la dure, tout ce qu’elle voulait, c’était qu’Ana voit. Qu’elle voit qu’elle n’était pas seule. Jamais. "Tu vois ? Je suis tordue… Je suis la personne la plus tordue du Monde". Mais elle n’aurait pas dû, parce qu’elle n’espérait même plus que ça allait être suffisant.

    Le regard toujours plongé dans celui d’Ana, elle sécha ses larmes ridicules et arrêta de pleurer net. En fin de compte, elle ne savait même pas si c’était réellement elle qui avait mis Ana dans un état pareil. Peut-être qu’elle avait mangé une peau de banane et pleuré pour rien après tout. Dans tous les cas, elle savait maintenant que ça n’allait pas être suffisant. Elle ne dit plus rien, elle n’osait plus, elle n’arrivait plus. Parler était trop honteux. Elle attendait qu’Ana lui dise quelque chose. Tout ou rien. Pourquoi pas ces deux mots, « pote interdite », qui la ferait partir ? Ou autre chose, peu importe, elle voulait juste entendre sa voix. Qu'elle parle, qu'elle l'insulte mais qu'elle cesse cette ignorance qui la tuait.



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MessageSujet: Re: aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY   aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY Icon_minitimeVen 2 Aoû - 17:05


Mais qu’est ce que j’ai fait. Qu’est-ce qui m’a pris de lui en vouloir autant pour un simple mot. Alors que ça m’arrive tout le temps, dire des choses sans y faire attention. Et je déteste ça. C’est surement l’une des raisons pour lesquelles je préfère être dans le confort d’un entourage que je connais. Je sais ce qui peut les blesser, je sais sur quoi je dois faire attention. Laury ne me connaît pas, j’ai été injuste, et je déteste ça. Je déteste ce que je viens de lui faire subir. Je déteste ce que je vois. Ses larmes face à moi. Je ne voulais pas être aussi dure. Je n’aurais pas dû. Mais ces histoires de nominations. Et puis tout ce qu’il se passe dans la maison. Je ne contrôle plus rien, rien. Tout m’échappe. J’ai l’impression de tout vivre comme dans un film. Comme si tout était écrit, et que je ne pouvais rien y changer. Pourtant nous étions les seuls à décider de ce que l’on voulait ici. J’en étais juste incapable. Et ses mots m’avaient touché plus que de raison.

Ses larmes me déchirent, mais lorsque je la vois croquer dans cette peau de banane… Je la regarde avec des yeux ronds. Et j’ai l’impression de tout comprendre. Que tout s’éclaire. J’ai envie de la stopper, parce que je ne veux pas qu’elle se rende malade pour ça. Elle est en train d’avaler une peau de banane entière, simplement pour me prouver que… qu’elle est tordue. Qu’elle ne m’a pas jugée. Et je réalise encore plus lourdement à quel point j’ai été stupide. Et je regrette tellement. J’aurais pu juste rire à sa remarque. C’est ce qui aurait dû se passer. J’ai honte, tellement honte face à elle. Face à ce qu’elle est capable de faire. Alors que moi j’ai été si faible.

Elle boit une gorgée de son lait. Je la regarde toujours. Surprise, impressionnée. Rassurée. Et lorsque, malgré ça, elle réussit encore à trouver une pointe d’humour enfouie en dessous cette situation bizarre, j’explose de rire. D’abord parce que la tension se relâche, parce que j’étais tellement nerveuse en la regardant manger ce truc que j’avais besoin de tout évacuer. Et puis parce qu’elle me fait rire. J’ai été tellement aveugle de ne pas la voir, voir qu’elle est un véritable rayon de soleil, une bouteille remplie de bonne humeur à boire à la paille. Bananothé. Podbananolé.

Je pose la tasse que j’avais gardé dans la main, et que j’avais visiblement serré plus que ce que je pensais vu la crispation de mes doigts. Et je me penche vers elle, les bras ouverts. Je la prends dans mes bras, je la serre, le sourire aux lèvres, le moral au beau fixe. J’ai l’impression qu’elle s’est ouverte à moi, spontanément, comme si elle me faisait déjà confiance. Pourtant je ne sais rien d’elle, ou presque. Mais je suis heureuse de la découvrir comme ça. Et je ne veux plus la lâcher.

Excuse-moi, j’ai été stupide. T’avais pas à t’infliger ça tu sais, mais… merci. Avec toi j’accepte d’être la plus tordue du monde.

Je relâche enfin mon étreinte et reprend ma place contre la porte. L’atmosphère me semble complètement différente. Mon esprit est plus clair, mes pensées moins pessimistes. Sa présence est magique, un vrai antibiotique contre la mauvaise humeur. Je la regarde, un peu gênée.

Tu peux vomir si tu veux maintenant. Podbananolé pas très bon hum ?  

Un rire m’échappa. Je nous imaginais déjà toutes les deux nous promener dans la maison, chacune avec son t-shirt, Bananothé et Podbananolé. J’en étais maintenant persuadée. Elle fait partie de ce genre de gens tordus.

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MessageSujet: Re: aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY   aussi rouillée que le pauvre Martin -LAURY Icon_minitimeJeu 8 Aoû - 6:44





    Ne rien espérer pour ne pas être déçu, parce qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre. Alors que le Bien semblait bien trop beau et le Mal bien trop brutal, il ne fallait s’attendre à rien. Rien du tout, ni le Bien, ni le Mal. C’était ce que Laury se répétait mentalement à ce moment-là. Malgré son désir enfoui de voir le Bien, il ne fallait pas qu’elle espère. Rien du tout, ni le Bien, ni le Mal. Parce que dès qu’il y a espoir, il y a possibilité de déception.

    A ce moment-là, elle ignorait totalement ce qu'Ana allait faire. Le Mal. Lui briser son mug sur le crâne, s'en aller sans rien dire, lui éclater la tête contre la porte interdite. Le Bien... Lui parler enfin, pour lui demander de partir ou pour s’excuser. La prendre dans ses bras. Ou le Mal. Continuer à l’ignorer jusqu’à ce que ça devienne insoutenable. L’ignorer jusqu’à ce qu’elle en devienne tellement folle qu’elle se mettra à manger l’herbe synthétique du jardin. Parce que oui, elle était prête à tout. Amie ou ennemie, elle accepterait tout, du moment qu’elles étaient quelque chose l’une pour l'autre. Désespérée.

    Le Bien ! Surprise, mais pas déçue, parce qu’elle n’avait rien espéré. Alors qu’elle avait fait le Mal, on lui accordait le Bien. Manger une peau de banane, ce geste puéril qu'elle jugeait inutile et peu audacieux, et dont elle n'espérait rien. Maintenant elle l'adorait. Ils étaient bien loin à présent, le goût désagréable dans sa bouche, l’impression d’avoir ingurgité un conteneur entier de pesticides, le frigo sans lait, la mauvaise humeur matinale…

    Manger une peau de banane, ce geste puéril qu'elle détestait... Maintenant elle l’adorait. Elle adorait manger des peaux de banane et elle le refera sans hésiter. Dès que l'occasion se présentera. Parce que sans tout ça rien ne se serait passé comme ça. Ni le Mal, Ana ne lui aurait peut-être jamais adressé la parole... Ni le Bien, peut-être qu'elle ne lui aurait jamais fait ce câlin, ce câlin sincère qui lui faisait tellement de bien...

    Le Bien. Peut-être même qu’elle lui aurait réellement fissuré le crâne avec sa tasse après tout, si elle n’avait pas mangé cette peau de banane. Le Mal. Mais ces mots. Ces mots rassurants effaçaient tout... Absolument tout. Ces mots qui hurlaient que le pardon existe et qu’il suffit de peu pour l’accorder. Qu'il suffit d'une peau de banane. Ces mots magnifiques. Ces mots plein d’espoir. Elle esquissa un large sourire enfoui dans l'épaule d'Ana.


    T’es géniale.

    C'était tout ce qu’elle pouvait dire en réponse aux excuses d’Ana. Non tu n'as pas été stupide, parce que tu es géniale. Son sourire ne s’effaça pas, même quand Ana la relâcha. Parce qu’elle avait ri, Laury l’avait fait rire et maintenant c’était elle qui riait. Elle aurait pu pleurer de joie, si son stock de larmes ne s’était pas épuisé tout à l’heure. Elle pouffa :

    Je te laisserais gouter Podbananolé la prochaine fois si tu veux ! Pour que tu te fasses ta propre opinion sur la chose Laughing

    C’était magique ce qui venait de se passer. Des larmes au rire, de la haine à la joie. De l'indifférence à l'excitation de connaitre la personne, du désagrément à l'envie de s'amuser. Elles avaient mille et une informations à apprendre l'une sur l'autre, mille et une questions à se poser, mille et une choses à faire, mille et un kilomètre à parcourir à pied autour du Monde pour promouvoir leur T-shirt Bananothé et Podbananolé…

    Mais avant tout ça, il y avait quelque chose qu’il fallait qu’elle accomplisse. Absolument. Sans s’expliquer, elle sauta sur ses jambes. Elle emmena Ana avec elle, comme pour ne pas qu'elle disparaisse quand elle aura le dos tourné. Sa main était dans la sienne et elle se dit qu’elle ne la lâchera plus jamais. La brique de lait dans son autre main, elle se dirigea vers le pot de fleur, ce gros pot de fleur non loin de la porte interdite.

    Et elle y vida rageusement sa bouteille de lait. D'un coup de main et sans scrupule, elle déversa tout le contenu de la brique dans le terreau du Yucca. Le gâchis n’était pas énorme de toutes manières, car elle avait malgré tout bu plus d’un tiers de la bouteille. Avec un sourire en coin, elle déclara :


    Ça lui apprendra.

    Et elle resta là, à admirer le lait qui se faisait absorber doucement par la terre sèche. Immobile devant le pot de fleur comme on se recueille devant une tombe. Pour la plante, il n’y avait pas de lait trop tiède. Il n’y avait aucun problème à manger une peau de banane entière, il n’y avait pas d’humeur donc pas de raisons de se soucier de tout ça. Mais la plante ne connaitra donc jamais tout ce que Laury venait de vivre depuis qu'elle s'était levée. La pauvre.

    Elle resta immobile et muette devant ce pot de fleur jusqu’à ce qu’elle se souvienne de cette main, cette main qu'elle tenait encore. Comme de retour à la réalité, elle la lâcha, s’en voulant tout à coup d’avoir forcé sa colocataire à se lever pour admirer un spectacle aussi banal mais passionnant, aussi triste mais beau. Elle se tourna donc vers elle, le sourire aux lèvres, pour lui poser une première question, pleine d'enthousiasme :


    Qu'est-ce que t'as envie de faire ce matin ? Very Happy

    Action ! Elle se mit à lister dans sa tête toutes les occupations possibles et imaginables. Forcer la porte interdite avec un couteau, jouer au loup. S'assoir quelque part et parler. Assister à d’autres funérailles de bouteilles de lait tiède, faire d'autres choses de gens tordus. Faire des ricochets sur la piscine, faire un concours de grimaces dans le miroir, faire une montagne avec des poufs…

    Il y avait tellement de choses à faire dans un jardin qu'elle ne pouvait pas choisir elle-même. Et elle était plus que curieuse de savoir ce qu’Ana voulait faire. Les possibilités étaient infinies, comme si le monde entier s'était ouvert à elles. Le monde de la complicité. La complicité entre gens tordus.


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